Headlander vient traîner sa bouille d’ampoule chez Adult Swim, un éditeur qui hésite de moins en moins à concurrencer Devolver à celui qui aura le portefeuille de jeux vidéo le plus dingue possible. Alors quand en plus on sait que c’est Double Fine qui se trouve derrière la conception de celui-ci, on est en droit d’en attendre beaucoup. Même encore aujourd’hui. Je me vois déjà faire les titres de ce test à coup de jeux de mots sur un coup de tête…
Il ne peut en rester qu’une
Pourtant l’aventure avec Double Fine, ces dernières années, c’est souvent du mi-figue, mi-raisin avec eux. Ils sont capables d’imaginer des concepts absolument géniaux mais au final peu aboutis, ou à défaut de concevoir des mondes n’ayant pas de semblables dans le jeu vidéo et même au-delà. On se souviendra avec amour de Psychonauts, Brütal Legend ou encore Grim Fandango, histoire d’évoquer quelques étapes marquantes de leur parcours.
Headlander apparaît donc comme une curiosité. Déjà de par la modestie de son envergure tout d’abord. Il est moins clinquant et tape à l’œil que ses grands frères en se faisant plus discret et peut-être moins déraisonnable. Pourtant, il garde en lui la force créatrice dont ce studio est souvent capable de rendre au travers d’une dégaine à mi-chemin entre un imaginaire florissant et un humour qui fait mouche. Le tout enveloppé dans un style qui reprend furieusement les codes visuels et sonores des films de science-fiction des années 70. Du genre 2001 mais tourné sur une bande-son funkydélique à souhait.
Et on n’y échappe pas. Imaginez un seul instant que l’on vous propose d’incarner une tête (sur trois disponibles). Une tête d’humain enfermée dans un scaphandre d’astronaute et qui dispose d’un moyen de propulsion à sa base. Rien que cela. Vous voilà donc embarqué dans une histoire où aidé par une voix non identifiable, vous devrez échapper à une intelligence artificielle du nom de Mathusalem. Cette dernière en voudrait visiblement à votre peau. Ou tout du moins à ce qu’il en reste.
C’est donc quelque part entre quelques morceaux de ce récit de science-fiction au point de départ atypique que doit se décider le destin de l’humanité en n’hésitant pas à emprunter tous les moyens possibles. Comme celui de connecter notre bocal à poisson volant sur le corps d’un robot après lui avoir préalablement arraché le sien. Mais ce n’est pas grave, notre ami bavard de pseudo voix off se voulant rassurant, leur conscience sera uploadée dans une autre tête. Ouf, la morale est sauve.
Qu’on lui tranche la tête !
C’est donc dans un univers rempli de robots hommes, femmes, chiens, ménagers et de bergers – les gardiens robots armés de Mathusalem – que vous évoluerez. D’une aspiration plus ou moins difficile, votre tête déconnectera celle de ces machines dotées de conscience pour y mettre la vôtre à la place. Ce qui décuplera ainsi les possibilités de votre personne. Forcément, deux bras et des jambes, ça peut aider dans la vie de tous les jours. Car si votre tête peut aspirer, elle reste fragile. Un corps d’appoint, c’est autant de possibilités de rester en vie et surtout de pouvoir effectuer certaines tâches.
Ce qu’il y a d’amusant dans cette idée de moduler notre corps à volonté, c’est qu’il y a autant d’animations qu’il y a de types de corps. Une demoiselle robotique ne se déplacera pas de la même façon qu’un monsieur qui lui même ne bougera pas de la même manière qu’un danseur, qui fera un mouvement de danse à la place de faire une roulade par exemple. Cette variété des corps apporte son lot d’amusement et nous évite la monotonie d’une certaine répétition. Tout du moins au début.
Mais on en revient très vite à n’utiliser que les bergers au final, essentiels à notre survie face à d’autres de plus en plus lourdement armés. Intervient d’ailleurs le second particularisme de ce jeu, c’est à dire son système de tir reposant sur des armes à énergie nous poussant à jouer énormément du rebond, et donc d’un brin de géométrie élémentaire. Le clic droit nous servant dans ce cas bien précis à viser et faisant du coup apparaître le tracé de nos tirs à venir.
Tirer est au départ chose peu aisée. Nos blasters surchauffent très vite nous obligeant à ne pas en sur-abuser, mais plutôt à les utiliser avec intelligence. Même si on avouera volontiers que sur la fin, avec la précision des tirs ennemis et nos blasters à lasers multiples, il arrivera régulièrement que l’on cède à peu de finesse en bourrinant à foison afin d’essayer de nous sortir d’un mauvais pas. Néanmoins, Headlander n’est pas excessivement difficile. Ce qui d’ailleurs ne doit pas être son but.
A se marcher sur la tête
Il s’agit avant tout d’un metroidvania avec de l’exploration mais pas trop. Pour ce genre spécifique, il se passe de trop nous faire galvauder à droite ou à gauche en limitant relativement bien les allers-retours trop intempestifs. Sauf si d’aventure vous vouliez tout en découvrir, notamment pour réussir à débloquer tous les pouvoirs et améliorations de votre tête volante. Mais pour sa catégorie, il reste globalement linéaire dans le sens où il faudrait vraiment avoir un mauvais sens de l’orientation pour ne pas réussir à s’y retrouver.
Il est aussi très agréable dans sa jouabilité même si on l’avouera, il est quelque peu bâclé sur sa fin. Les combats y deviennent souvent brouillons et s’éloignent de leur intention de départ qui semblait vouloir se reposer sur l’idée de combats plus cérébraux que chaotiques. Il n’empêche que jusque-là, entre son humour latent, son petit monde intriguant et fascinant, et cet enrobage plastique séduisant de par sa direction artistique très seventies dans l’âme, Headlander était véritablement amusant et divertissant.
Ses deux dernières heures environ – sur huit au total pour ma part – se sont donc révélées un peu moins gratifiantes et surtout moins originales. La subtilité du début y a laissé place à quelque chose de plus grossier, et surtout son scénario y a tendance à traîner inutilement en longueur avant l’affrontement final. On comprend la nécessité d’un dialogue (ou plutôt monologue vu que votre personnage ne parle pas) avec Mathusalem, mais on y prend malgré tout moins son pied. Ou notre tête.
Il est donc dommage d’en arriver là. Car derrière cette vitrine magnifique se trouvait tout le potentiel d’un jeu qui aurait pu être génial. Il reste honnêtement bon la plupart du temps. Et même très divertissant. Mais inconsistant sur sa qualité, surtout en approchant de sa fin plus poussive qu’autre chose. Il lui reste l’élégance d’un graphisme et d’une bande-son au poil. Mais cela ne suffit pas à tous faire oublier.
Headlander a démarré telle une fusée remplie de sucreries au goût exquis des seventies enrobée d’une véritable maîtrise de l’image et du son. Ce fut une gourmandise comme on aimerait en voir plus souvent. Malheureusement, comme trop souvent ces derniers temps avec Double Fine, ils ont privilégié la forme plutôt que le fond ce qui fait que sur la longueur, sa fin semble un peu trop précipitée en comparaison de son début très prometteur. Il reste cependant à tester en raison de son univers à la fois original et familier, et de son histoire digne d’intérêt bien qu’ayant un air de déjà vu.