Au départ, Minecraft : Story Mode ne devait compter qu’une saison de cinq épisodes. Mais le pacte fut rompu, et c’est de façon inattendue que sont venus se rajouter trois épisodes supplémentaires avec ce que l’on imagine de drama de la part de certains joueurs qui pensaient alors avoir été flouté dans cette affaire. Sans rentrer dans une polémique inutile (il était promis cinq épisodes et cinq épisodes il y a eu, le reste c’est du bonus), après la sortie de ces trois nouveaux épisodes, explorons ce qu’ils ont à nous offrir.
Previously on…
Aux fins de se rafraîchir la mémoire, rappelons-nous pour commencer de Jesse, héros ou héroïne selon votre choix de cette aventure. Il était accompagné dans sa quête pour sauver son monde par Axel et Olivia, ses deux meilleurs amis, ainsi que Lukas, ancien rival et de l’intrépide Petra. Les quatre premiers épisodes devaient raconter leur histoire et leur passage de l’ombre à la lumière, celle de héros en devenir qui fonderont un nouvel Ordre de la Pierre (Order of the Stone) afin de protéger les veuves et les orphelins.
Passé cette saga épique, le cinquième et dernier épisode de ce qui était prévu à l’origine semble en comparaison à première vue bien faible. Et surtout annonciateur des véritables intentions du studio, involontaires ou non. Plutôt que de partir sur un système narratif complet, où chaque épisode aurait pour mission de venir au fur et à mesure compléter une intrigue entière et pleine, pour en faire son début, son milieu et sa fin, désormais, chaque épisode s’articulerait autour d’une histoire unique en soit et pouvant vivre par elle-même sans que l’on ait besoin d’avoir joué aux autres.
En effet, même si quelques références peuvent être faites ça et là, et qu’un léger fil conducteur les relie les uns aux autres, les derniers épisodes de Minecraft Story Mode, du cinquième au huitième (et dernier?), se suffisent à eux-mêmes. Ils ont leur propre univers et leur propre récit à nous conter. Cela veut dire de nouvelles rencontres, et aussi plus de diversité dans les situations. On se retrouve ainsi avec une construction narrative plus proche du feuilleton télévisuel que de la saga aventureuse où chaque épisode doit souvent être vu dans l’ordre défini.
Prenez par exemple des séries comme Person of Interest, Mentalist voire même Rick & Morty. Chacun des épisodes vont tour à tour raconter une histoire qui leur sera propre, bien que correctement inscrite dans la logique de l’univers de leur série et des codes qui la régisse. Cela combien même se dessineront en arrière-plan d’autres enjeux qui un à un vont participer à créer une forme de liant narratif qui va donner à la dite série sa base justifiant son propos et ses codes.
Par exemple, dans Person of Interest, il s’agit en sous-main d’échapper à ceux qui conspirent contre la machine et voudrait l’utiliser à des fins néfastes. Dans Mentalist, il s’agit de la poursuite de John le Rouge et dans Rick & Morty, de dépression et d’alcoolisme chronique d’un grand-père incapable d’être un génie quand il s’agit de communiquer avec sa famille. Pour Minecraft: Story Mode, il s’agira en fait d’aider les plus démunis, mais surtout de retrouver le chemin de la maison.
Bienvenue dans le Youtube game
C’est d’ailleurs ainsi que tout commence. Aidé en cela par un briquet magique capable d’ouvrir un portail vers d’autres mondes, nos héros vont s’embarquer dans une aventure aux accents de Sliders, les mondes parallèles. Ceux ayant apprécié et se rappelant de cette fabuleuse série, tout d’abord bravo. Sur un régime identique, les quatre épisodes concernés aujourd’hui aborderont un monde différent à chaque fois avec ses problématiques et tout autant d’obstacles à surmonter pour une équipe composée cette fois-ci quasi-exclusivement de Jesse, Petra, Lukas et Ivor.
L’épisode cinq abordera la découverte d’un peuple vivant dans le ciel et sous le joug d’un régime totalitaire interdisant à ses citoyens de construire quoi que ce soit sans autorisation. La raison première étant que les ressources y seraient limités. Mais ce qui compte le plus, c’est que notre Scooby gang va surtout devoir faire face aux Ocelots, l’ancienne bande de Lukas pour qui se souviendrait encore d’eux. Jaloux de nos héros, ils provoqueront une série de catastrophes en cascade pour parvenir à leur soif de reconnaissance dans ce nouveau monde si aérien et pourtant mené tyranniquement par une femme à la main de fer. Le plus amusant de toute cette histoire est que finalement, les apparences sont souvent trompeuses. Il ne faut par conséquent pas s’y fier.
L’épisode suivant part cette fois-ci dans une direction tout autre et beaucoup plus people. Pour l’occasion, Telltale verse dans le méta le plus total en cassant des quatrièmes murs de façon plus ou moins subtile. Dans ce nouveau monde, entourés de zombies, nos héros s’y voient contraints de rejoindre une demeure. Ambiance Halloween garantie. Ils y feront la rencontre d’une ribambelle de personnages hauts en couleur et surtout interprétés par des youtubeurs sous leur véritable pseudo. A vous les Captain Sparklez et autres TorqueDawg si ces noms peuvent vous dire quelque chose.
Derrière une véritable opération de com se trouve un épisode au début un peu faible, mais gardant son humour caractéristique dans un murder mystery façon Hercule Poirot mélangé à un semblant de Saw, en nettement moins gore et glauque (voire genre pas du tout). « A Portal to Mystery » demeure assez léger et peut-être anecdotique en étant celui qui participe le moins à enrichir l’univers de Story Mode. Il reste néanmoins intéressant dans sa manière de s’amuser de ce qui fait pourtant partie inhérente de Minecraft : les joueurs qui le font vivre.
Des thématiques à creuser
En comparaison, le septième épisode, « Access Denied » se trouve être plus captivant en abordant le problème de l’intelligence artificielle, et notamment celle d’un ordinateur ayant pris le contrôle de ce nouveau monde en implantant une puce à base de redstone à toute forme de vie pour les rendre utile comme il le dit si bien. Ce qu’il y a de particulièrement intéressant ici, c’est la manière dont Telltale va aborder la fameuse pierre rouge au cœur de tous les mécanismes les plus complexes de Minecraft. Il faut quand même savoir que l’utilisation poussée de la redstone a permis à certains de construire des circuits tellement complexes qu’ils ont pu recréer dans le jeu des calculatrices fonctionnant réellement.
En explorant le thème de l’intelligence artificielle, Telltale réutilise de façon assez ingénieuse le principe même de la redstone qui constitue encore à ce jour une des pierres angulaires qui ont fait que Minecraft était un jeu tellement à part. Bien qu’il s’agisse d’extrapolation très large des propriétés de celle-ci, d’un point de vue narratif et dans le principe d’un monde crédible qui allait forcément évoluer technologiquement, cela fonctionne parfaitement. On appréciera aussi la fin faisant inévitablement référence à 2001 et son odyssée de l’espace.
L’épisode huit, « A Journey’s End », va quand à lui clôturer ces aventures. Avec ses airs de Running Man mélangé à du Spartacus, il nous y présente les Anciens Constructeurs. Ces êtres de légendes à l’origine du système de portail permettant de voyager d’un monde à l’autre. Certains d’entre eux sont aussi responsables de la création de jeux régissant un système archaïque. Perdez aux jeux, et vous voilà envoyé travailler dans les mines. Gagnez-les et vous pourrez retourner chez vous.
Bien évidemment, nous restons dans Minecraft, il ne faudra donc pas s’attendre à autant de violence graphique dans les références que j’ai pu citer. Le ton reste léger et bon enfant et surtout aventuresque. C’est d’ailleurs-là bien le problème de ces nouveaux épisodes. Après considération, « A Portal to Mystery » avec toute la trivialité qui le caractérise est peut-être plus dans le ton de ce à quoi on aurait pu s’attendre.
Once more, with feeling
Aussi divertissant ces épisodes qu’ils aient puissent être, il n’empêche qu’ils ont aussi démontrés de nombreuses faiblesses qu’il sera difficile de leur pardonner. Bien évidemment, d’un côté, ils furent amusant et ce fut toujours un plaisir de retrouver ces personnages attachants toujours aussi magistralement interprétés par un casting de premier choix tel que Patton Oswalt dans le rôle de Jesse au masculin. Seulement il y a un hic.
L’humour y est parfois moins présent, comme si tout d’un coup nos héros se prenaient beaucoup trop au sérieux et versaient un peu trop dans le sentimentalisme facile de « l’amitié c’est trop cool, yeah ! ». Certes, ça fait chaud au cœur, mais on aurait aussi aimé que justement ces amitiés soient plus correctement développées, ou au contraire qu’il y ait plus d’audace quitte à laisser cet aspect de côté pour se concentrer sur l’aventure avec un grand A. On est malheureusement loin de la découverte des débuts et de son intensité que ces épisodes individuels parviennent difficilement à recréer.
Surtout que des sujets plus complexes qu’auparavant sont ici vus sous un spectre un peu faiblard. Les quatre premiers épisodes se contentaient de raconter le sauvetage du monde, le bien contre le mal, de façon légère comme un Lego the Movie ou un Goonies de forme cubique. Et cela nous suffisait amplement. Mais quand on aborde les thèmes de régime tyrannique, des débordements despotiques de l’intelligence artificielle, voire de l’esclavagisme quand il s’agit des jeux cruels des Anciens Constructeurs, malgré la légèreté tout public voulue pour cette interprétation de Minecraft, on aurait apprécié que ces sujets ne soient pas traités de façon aussi superficielle.
On se retrouve alors avec un jeu fortement narratif qui quelque part souffre d’un format épisodique où à chaque épisode, son thème et son histoire. Mais ne vous y méprenez pas. En soit, ils remplissent leur objectif de divertir. C’est juste que une heure et demie pour chacun d’entre eux semble presque insuffisant pour correctement développer ces nouveaux mondes. C’est le principe même du feuilleton. C’est à prendre ou à laisser. A n’en pas douter, il pourrait très bien y avoir une deuxième saison de Story Mode basé sur ce même principe.
Minecraft : Story Mode trouve une fin (vraiment?) à son aventure avec ces quatre derniers épisodes. Que l’on aime ou pas, sur le long terme, ce fut un jeu plus qu’amusant pour qui sait aimer l’aventure pas trop prise de tête et Minecraft. En fait, il n’est même pas nécessaire de connaître ce dernier pour réellement apprécier ce mode histoire façon Telltale. Pour les fans, il peut plaire comme ne pas plaire, mais amusera ceux qui le seront en découvrant l’angle inédit du studio californien dans son interprétation des codes, créatures et objets qui régissent le célèbre jeu de Mojang. Opportunisme, peut-être. Mais divertissant malgré tout.
Ce jeu a permis de découvrir des créateurs tellement géniaux. Quand on voit les décors tels que l’univers Harry Potter recréé on comprend que c’est bien plus qu’un simple jeu de divertissement.