Alors soyons clairs, j’ai toujours eu un faible pour les jeux de Tale of Tales car ils ont le don de sortir des sentiers battus. Souvent réussis à mon sens, ils laissent aussi le joueur perplexe. L’expérience est si inédite qu’on en revient à la question : « est-ce un bon jeu ? ». La réponse est assez difficile à obtenir. Eh oui, parle-t-on du jeu dans son sens commun, en tant qu’amusement ou du jeu dans un sens plus large qui ferait du médium vidéoludique un moyen de transmettre une idée, une émotion sans pour autant qu’on s’amuse réellement à l’obtenir ? J’ai été bien désolée de voir le studio fermer ses portes après la sortie de Sunset, un titre qui a clairement divisé les joueurs de par son originalité. Alors, trop original pour des joueurs habitués à un certain format de « jeu » ?
La serpillière siouplait !
Le scénario interpelle de prime abord. Incarner une femme de ménage, on a vu plus palpitant ! Et si au final tout le charme du jeu résidait dans le fait que l’on va suivre le train de vie d’une jeune femme, qu’on va apprendre à la connaitre et qu’on va développer des routines comme on l’aurait fait nous-même, à sa place, dans la vie réelle ? C’est un peu déconcertant. On se dit « mais, est-ce qu’il va se passer quelque chose ?! » ; « est-ce qu’il y a un moment où on va faire autre chose que des tâches ménagères ?! » alors qu’en fait non, on ne va pas faire des trucs de ouf, on va juste vivre la vie d’une femme normale qui tente de survivre à la guerre qui a éclaté dans son pays. On laisse de côté les combats et les gunfights. Pour une fois on va vivre la tragédie sous un autre angle. En ce sens le jeu est assez poignant, voire déprimant à certains moments.
Les réflexions que va faire la protagoniste interpellent qui veut bien se plonger dans l’histoire. Outre des thèmes tels que le caractère éphémère de la vie ou la vanité de la guerre on va aussi aborder une réflexion sur la postérité et l’art comme un leg pour nos enfants, comme quelque chose qui va attester de nos existences. La narration est profonde et riche, c’est ce qui fait la force de Sunset.
En revanche, côté gameplay le jeu reste trop peu conventionnel pour être apprécié par les masses. Le jeu se déroule sur plusieurs mois et chaque semaine vous avez une heure de ménage à effectuer dans le loft d’un riche collectionneur d’art.
Ces petits riens du quotidien
Chaque action prend du temps : déambuler et observer les lieux fait passer le temps lentement, réaliser les tâches ménagères demandées va « consommer » de précieuses minutes et écrire le journal va, là encore, prendre beaucoup de temps. Pourtant la phase journal est très importante pour ne pas passer à côté de la narration, point fort du jeu je le rappelle. Après quelques jours une routine s’installe : on visite les lieux en regardant les livres ou nouveaux objets qui trainent par-ci par-là, on écrit son journal et on fait le travail demandé en dernier si le temps le permet. Vous ne serez pas récompensé pour les tâches effectuées ni puni si vous ne vous acquittez pas de votre travail cependant, bien que l’on peut voir cela comme une erreur de game design, il faut se prêter au jeu pour entrer dans le personnage. Aussi, certaines actions pourront se faire de façon neutre ou de façon à créer et entretenir une relation de plus en plus intime avec le mystérieux habitant des lieux.
Ces choix vont changer la manière dont les deux êtres vont communiquer (par petits mots collés sur les murs ou posés sur les tables, la rencontre ne se fera pas de manière directe) mais leur impact ne sera pas déterminant sur le déroulement des événements.
On pourra reprocher au jeu le sentiment de rush désagréable qu’il pourra nous procurer lors de certaines journées où le travail sera plus conséquent que d’autres et où l’on devra choisir entre réaliser une tâche ou écrire son journal. Pour un jeu narratif il est dommage d’avoir mis de telles barrières même si c’est par souci de réalisme qu’un tel choix a été fait. Et pourtant il y aura des journées où l’on va tourner en rond pour au final partir avant la fin du temps imparti. Ce déséquilibre des journées va de ce fait entacher l’expérience car il nous empêchera par exemple d’écouter le disque qu’on avait vu posé sur la table du salon, d’observer le livre que lisait l’homme et qu’il a laissé près de son lit ou de regarder par la fenêtre et de voir les dernières nouvelles sur l’avancée des rebelles qui défilent sur un panneau digital..etc.
Oui, vous risquez de vous ennuyer un peu par moments avec Sunset. Le rythme est lent, les journées sont nombreuses, l’appartement n’évolue que très peu passé les premiers jours où l’homme emménage dans les lieux. L’accent n’étant pas mis sur le challenge, votre seul but sera de suivre une histoire comme on regarderait un feuilleton, en collectant le plus d’informations possibles pour enrichir la narration. Encore une fois Sunset ne plaira pas à tout le monde mais il a le mérite de proposer quelque chose de nouveau et de le faire avec beaucoup de poésie.