Lorsque l’on parle de jeux vidéo en France, il y forcément des noms de villes qui ressortent. Bien entendu Paris, puisque c’est la capitale, mais aussi Lyon ou encore Montpellier. Alors pour changer un peu, je vais vous parler de Bordeaux et de sa toute nouvelle spécialité : les betapéros.
Un café s’il vous plait.
Tout commence un beau matin du mois d’août à Cologne, en Allemagne. Vous l’avez deviné, je parle bien sûr de la Gamescom. Vous savez sans doute que l’équipe de GameSideStory s’y rend tous les ans grâce aux sous des gentils tippers, mais ce que vous ne savez pas, c’est qu’on y va en voiture. Juste pour rigoler un peu, imaginez une ville d’environ 1 millions d’habitants, accueillir 500 000 visiteurs et essayez d’estimer le temps de bouchon chaque matin. Pour éviter tout ce joyeux bordel il n’y a pas 20 solutions, la mienne est simple : on décolle une heure plus tôt, avant l’heure de pointe, et on boira le café sur place.
Dès le second jour, exécution du plan (qui fonctionne plutôt bien) et une fois arrivé, je tombe sur l’un des développeurs de Dungeon Rushers qui m’indique qu’on peut boire le café sur le stand de l’Indie Garden. Je le suis donc jusqu’à la source de ce breuvage magique, qui sera en plus l’occasion de rencontrer d’autres développeurs français. Parmi ceux-ci se trouvaient par exemple Alain de Drifting Land (que Bestio streame régulièrement sur sa chaîne) ou Adrien, jeune bordelais créateur d’Orphan Age (dont je vous parlerai plus bas).
Tu traverses le hall, tu tournes à droite, tu passes à côté du petit restau, tu prends l’escalator et je t’attends en bas.
Parmi les rendez-vous que Skywilly prend pour moi à la Gamescom, on trouve pas mal de ce qu’il appelle : « les rendez-vous Chezmoa ». Grosso modo quand un studio n’a pas de thunes pour se payer un stand (même en business part), il débarque avec sa tablette ou son PC sous le bras et on se donne rendez-vous en bas d’un escalier. Ensuite on trouve un bout de table, un siège, ou on squatte même par terre, assis en tailleur, en utilisant les poufs comme tables.
Parmi mes « rendez-vous Chezmoa » de cette cuvée 2016 on trouvait plusieurs français. L’équipe de Wild Factor, par exemple, qui bosse sur un jeu de gestion de manoir avec des monstres, ainsi que David du Headbang club travaillant sur Double Kick Heroes (tous les 2 en rapides-preview de la Gamescom). Et contrairement à ce qu’indique le Headbang club sur leur presskit, ils ne sont pas du 6e cercle des enfers et n’habitent pas au 666 Devil street, mais bien à Bordeaux (et ses environs, Angoulême c’est juste à côté).
Le Vendredi soir se tenait la soirée de l’Indie Arena Booth, prenant place directement sur le hall de la Gamescom. Une belle façon de pouvoir continuer à tester les jeux du monstrueux stand, qui présentait plus de 80 titres (impossible de tous les essayer en une seule journée). J’y rencontre par hasard un français de Manufacture43, qui me fera tester son shoot directement sur le stand, une bière à la main. Puis en discutant, il m’apprend que le studio est tout jeune (depuis janvier) et qu’il se situe à Bordeaux (encore ?).
J’aurai donc rencontré 3 studios issus de la même ville, à pourtant 3 points très différents de la Gamescom (Business, public et nomade). Je note ça dans un coin de ma tête, et à mon prochain passage à Bordeaux je passerai voir ça de plus près…
Moins de bratwurst et plus de bière.
Je serai à Bordeaux Vendredi, Samedi, Dimanche. Des copains dans le coin ? Des studios/devs indés ? @Skywilly_GSS @_Adoru_
— Chezmoa 🎩 (@Chezmoa) 5 décembre 2016
Quelques mois plus tard se présente à moi l’occasion de passer quelques jours sur Bordeaux. Un peu à l’arrache, je balance un tweet pour savoir qui rencontrer. C’est Cédric du podcast Games in the pocket qui répondra à mon appel en lançant une invocation auprès de différents studios sur place. L’équipe de Manufacture43, que je connaissais de le Gamescom, enchaîne en proposant de faire un truc avec des bières et des démos. Ceux qui me connaissent savent qu’il est difficile de me proposer un programme plus alléchant que celui-ci, je ne peux qu’accepter la proposition.
Le rendez-vous est pris au Zythos, un bar à bière tout en pierre apparente qui a le bon goût d’allumer la cheminée un peu avant l’ouverture et de proposer des canapés très confortables. Un cadre idéal pour une belle soirée d’hiver à siroter des bières en mangeant du saucisson. C’est Alex de Manufacture43 qui arrive le premier, chevauchant son skateboard (longboard ?) affublé d’un sac à dos abritant son PC portable. Adrien du studio Blackflag nous rejoint rapidement et nous nous installons tranquillement dans les canapés tandis que l’équipe de Glitchr arrive elle aussi. S’en suit une discussion sur le jeu vidéo bien entendu mais pas seulement, nous parlons de grattons et du nom qui peut leur être donné dans la région, ainsi que du grand débat pain au chocolat VS chocolatine. Je remercie au passage Océane pour son soutient dans la team « Pain au chocolat ». Après quelques pintes je me retrouve manette en main pour tester les fameuses démos.
Bleu sur rouge, rien ne bouge !
J’entame avec le jeu de Manufacture43 que j’avais déjà testé à la Gamescom. Celui-ci a subit depuis de nombreuses modifications et propose à présent un niveau de plus.
Pour rappel, Pawarumi est un shoot à mi-chemin entre Ikaruga et Radiant Silvergun. Votre vaisseau dispose de 3 armes différentes ayant chacune un comportement particulier et une couleur différente. Les ennemis sont eux aussi colorés selon ces 3 familles et chaque tir d’une couleur à une autre provoquera une réaction propre comme l’explique l’image ci-contre.
- Le CRUSH inflige des dégâts doubles.
- Le BOOST recharge votre bouclier tout en renforçant la puissance de l’ennemi.
- Pour finir, le DRAIN charge votre super attaque, qui vous permettra de nettoyer l’écran de vos ennemis.
Il faudra ainsi rapidement jongler d’une arme à une autre pour recharger son bouclier ou son arme, avant de permuter sur la couleur qui achèvera l’ennemi. Pour s’y retrouver un triangle coloré en bas de l’écran vous rappelle intelligemment quelle couleur est faible face à votre arme. De cette façon, en cas de doute, un rapide coup d’oeil permet de visualiser immédiatement si vous utilisez l’arme la plus appropriée pour faire du CRUSH. Pour ce qui est du DRAIN, à vous de voir, personnellement j’ai opté pour quelques phrases faciles à retenir, tirées de ma culture bourguignonne. Enfin, le BOOST est assez simple à retenir puisqu’il suffit d’utiliser sur l’ennemi un tir de couleur similaire à la sienne. Le jeu est nerveux, dynamique et juste ce qu’il faut de corsé, sans pour autant être punitif. Le tout dispose de graphismes somptueux et d’un réalisation époustouflante pour une si petite équipe.
Après une campagne greenlight réussit très rapidement, le jeu devrait donc arriver sur Steam, mais aussi sur d’autres supports comme la Xbox One, la PS4 ainsi que la Nintendo Switch.
Mais dîtes-moi, ça fait bien 2 pintes que je joue à Pawarumi ! Je m’en commande une autre et je passe au jeu suivant.
Regarde, c’est papa mort ! Faisons-lui les poches.
Changement de table et de support, je passe ainsi du pad à la souris. Adrien me présente la version Alpha de son jeu Orphan Age, un sims like dans lequel il faudra gérer une bande de gamins essayant de subsister dans un futur post-apocalyptique particulièrement glauque. Pour que les enfants puissent survivre il faudra bien sûr répondre à leurs besoins comme se laver ou dormir, mais aussi explorer les environs afin de pouvoir améliorer leurs faibles conditions de vie. Les débuts sont assez rudimentaires et j’ai déjà la chance d’avoir un matelas au sol en guise de lit. Adrien me précise qu’il est aussi possible de faire sans, les enfant dessineront alors à la craie un lit sur le sol, à l’emplacement où ils le mettront quand ils en auront un. On a connu plus joyeux, mais ce n’est que le début. En explorant, les chérubins se retrouveront à fouiller les poubelles pour ramasser des ressources qui serviront à construire de nouveaux objets. Et puis les poubelles ça n’est pas si mal, ce n’est pas comme si les enfants allaient tomber sur les cadavres de leurs parents et en profiter pour leur vider les poches… Ah bah si en fait.
Orphan Age est horrible, pas dans le sens effrayant, pas dans le gore non plus, parce qu’il ne fait que mettre en avant la véritable horreur, celle de la guerre et de la survie. Le jeu est clairement orienté pour les adultes, pas parce qu’il est violent visuellement, ni parce qu’on y verrait un bout de nichon, point de tout ça. Mais il apporte une réelle réflexion sur nos choix et notre façon de vivre, ainsi que du monde que nous laisserons à nos enfants, en espérant qu’il soit finalement plus joyeux que cette version très pessimiste et pourtant si crédible.
Côté jeu le système est assez simple à comprendre même si, comme pour tout jeu de gestion, il faudra un petit temps pour se faire aux nombreux boutons. La réalisation est très bonne pour une alpha, et à vrai dire, j’ai connu des jeux sortis dans le commerce bien moins finit que cette démo. Un projet ambitieux pour une équipe de 2 personnes, à surveiller de très près.
Démo, bistro, dodo
L’équipe de Glitchr se prépare à quitter le bar, ils étaient juste passés faire un petit coucou (et boire une pinte ou 2). Le studio travaillant sur un jeu HTC VIVE ne pouvait de toute façon pas déplacer tout le matériel pour une petite soirée. Ils me proposent alors de passer tester leur création dès le lendemain matin à leur studio. Ma curiosité étant plus puissante que ma flemme j’accepte la proposition.
La soirée se termine tranquillement, les différentes personnes partent au compte-goutte, je fini avec Daniel m’expliquant avec passion ses aventures à développer sur holoLens. En particulier les différentes fois ou il a failli se frapper la tête contre son bureau, voulant esquiver un projectile dans le jeu qu’il développait. L’un des membres d’Asobo nous ayant rejoint en fin de soirée m’en apprend lui aussi un peu plus sur l’holoLens et ses anecdotes de développement.
Je quitte à mon tour le bar (surtout parce que c’est presque la fermeture en fait), et je rentre me coucher pour être d’attaque dès demain matin. Sur le chemin du retour je me fais la remarque qu’en une seule soirée dans un bar unique j’aurai rencontré plus de studio qu’il n’en existe dans toute ma région et ce même après la fusion de la Bourgogne et la Franche-Comté. Pour information, Bordeaux c’est 260 00 habitants contre 2,8 Millions d’habitants en BFC, sans parler de la proximité du TGV Paris-Lyon qui devrait pourtant donner l’avantage à la région du fromage et des escargots, enfin, en théorie.
La VR, un truc de mongols.
Le lendemain matin, après un bon café, je me rends au studio de Glitchr pour tester leur jeu HTC VIVE. J’avoue que mon expérience de la Gamescom m’a convaincu du périphérique (et de la VR en général), je suis donc impatient de voir ce qu’une petite équipe de français peut proposer sur le device. Les locaux sont assez petits, ce qui prouve bien qu’on a pas besoin de tant de place que ça pour profiter du HTC VIVE. Gautier m’équipe du casque et des manettes puis me voilà propulser dans le monde de Sky Sanctuary, un univers japonisant constitué d’îles volantes sur lesquelles je vais pouvoir m’entraîner aux différentes techniques de ninja. Les trentenaires reconnaîtront une très forte inspiration de la planète Kaio dans Dragon Ball Z, une référence que les créateurs assument pleinement. Ils espèrent d’ailleurs, à long terme, pouvoir cacher de nombreux clients d’oeil et autres easter eggs destinés aux plus geeks. Venant d’embaucher la toute jeune Océane (mais si, ma copine pain au chocolat d’hier soir), ils comptent bien développer l’univers graphique du jeu qui en met déjà plein la vue lorsque l’on admire la mer de nuages, d’un rebord de falaise.
Il est possible de se déplacer librement dans ces îles qui servent en fait de hub aux différents mini-jeux qui seront présents. J’ai eu l’occasion de tester 2 d’entre eux, ainsi que de me balader à coup de téléportation dans ces îles. Pour commencer, une séance de tir à l’arc m’est proposée. Je me positionne sur l’emplacement ingame prévu à cet effet, j’attrape l’arc dans une main, m’oriente vers la cible, puis le jeu me guide. Pour attraper une flèche je positionne ma main libre (la droite) derrière mon épaule comme si je ramassais une flèche dans mon carquois, je maintiens la gâchette de la manette puis je ramène ma main sur l’arc pour armer celui-ci. Je tente de viser en me basant sur mes souvenirs datant d’une initiation au tir à l’arc à mes 12 ans, aligner oeil, flèche et cible, chose impossible avec le casque de VR. Je fais la remarque à voix haute, et là, Thomas (le second fondateur du studio) me répond tout naturellement « Ah mais non, faut pas tirer à l’apache mais à la mongole, tu colles ta main à la commissure de tes lèvres, tu tires puis tu recommences en ajustant le tir… ». Je m’exécute et effectivement je prends assez vite le coup de main, les cibles s’éloignent, deviennent mouvantes, pour devenir de magnifiques poulets volants lors de la dernière phase. L’immersion est totale et j’ai vraiment l’impression de faire du tir à l’arc, du moins en comparaison de ma faible expérience de ce sport.
Dans le second mini-jeu vous incarnez un bûcheron japonais, enfin je dis ça parce qu’il faut couper des bûches en bois avec un objet tranchant. Armé d’un katana dans l’une de vos mains il faudra couper le tronc à l’endroit et dans le sens indiqué. Pour pouvoir tranché le morceau de bois, il faudra exercer le mouvement avec une rapidité minimum, en effet si votre mouvement est trop mou la bûche ne fera que tomber lamentablement, au lieu de se faire découper. Chaque mouvement correctement exercé rechargera légèrement une barre de temps se vidant en continue et qui, une fois épuisée, donnera fin à la partie. Bien sûr, plus on tente d’aller vite, et moins on est précis. On se trompe facilement de sens dans la précipitation, d’ailleurs si les flèches indiquent de couper le tronc de gauche à droite faire l’inverse le fera tombé sans la moindre entaille. Pour en voir un peu plus sur cette partie je vous invite à consulter cette vidéo sans doute bien plus explicite que mes explications.
Le titre est en Accès Anticipé et vous pouvez y tester les différents modes de jeu et voir lesquels intéressent le plus les possesseurs de HTC VIVE. Si vous êtes l’un d’eux pensez-y, sinon vous pouvez toujours vous prendre une licence de tir à l’arc.
Une ville active par ses studios, mais aussi ses écoles.
Je rentre de chez Glitchr en longeant les jolis quais de Bordeaux et je passe par hasard devant les locaux de l’ECV, une école proposant un cursus jeu vidéo. Par un heureux second hasard, je suis là le jour des portes ouvertes. Et comme on dit : jamais 2 sans 3 ! Adrien, que j’ai rencontré hier, y travaille, ça en fait des hasards tout ça… Comment ça il m’en a parlé hier ? Mais pas du tout, je ne vois absolument pas de quoi vous parlez.
Je ne vais pas vous parler des différents cursus présents, ni des profs ou encore des cours, mais seulement des jeux créés par des étudiants que j’ai pu essayer.
L’homme à la raie, version bordelaise.
Jank’n Pon est un jeu de plateforme en 2D qui viendra directement rappeler les derniers épisodes de Rayman. Qu’il s’agisse de l’univers, de l’ambiance sonore ou même du héros lapin un peu cinglé, tout y rappel la franchise à succès d’Ubisoft. La démo présente une partie de cache-cache dans laquelle votre héros lapin devra retrouver son copain cactus, caché à divers endroits du niveau. Pour y arriver, il faudra acquérir de nouvelles capacités qui vous permettront d’accéder à des zones inaccessibles précédemment, un peu à la façon d’un metroidvania.
Si la formule n’a rien d’exceptionnelle, elle fait en revanche très bien son travail et propose un jeu très agréable et amusant. Plusieurs structures ont d’ailleurs proposées aux jeunes étudiants de subventionner le projet pour en faire un jeu complet. Une proposition que les les créateurs ont refusée, estimant avoir fait le tour du projet, allant même jusqu’à refuser l’offre venant du CNC. Une situation assez rare, comparée aux nombreux autres projets cherchant, à l’inverse, à se faire subventionner.
Game Over (oui oui, c’est le nom du jeu)
Je termine avec le dernier jeu de mon périple : GAME OVER, réalisé lors d’une Game Jam et entièrement jouable par navigateur (cliquez sur le nom du jeu pour l’ouvrir). Derrière des graphismes minimalistes se cache un puzzle plateformer bien pensé ou il faudra récolter les cristaux de chaque niveau avant d’atteindre la sortie. Pour trouver les pierres précieuses, le joueur devra user de la caméra en la faisant pivoter, afin de révéler les différents passages ou plateformes secrètes.
Bien qu’il ai été réalisé lors d’un Game Jam, le jeu propose tout de même plusieurs niveaux aux univers différents. Assez court en apparence, il demandera en réalité pas mal de temps pour ceux qui voudraient récolter absolument tous les cristaux de chaque niveau. C’est gratuit et vous n’avez rien à installer, alors pourquoi vous priver ?
Un petit goût de reviens-y.
L’histoire de ma petit balade s’arrête ici, mais elle aurait pu continuer encore un moment. En sortant de l’ECV, on m’a conseillé de passer faire un petit coucou à Motion Twin, un studio (et oui encore) à peine à 2 rues de l’école. Nul doute que la ville et ses environs regorgent encore d’autres talents de ce secteur, j’y connais par exemple quelques collectionneurs/retrogamers. J’ai aussi entendu parler d’une association tentant de créer un musée sur l’histoire du jeu vidéo, en espérant que leur résultat soit plus intéressant que ce semblant d’expo qu’avait proposé Cap Science, il y a quelques mois…
En résumé, Bordeaux est une ville hyperactive en ce qui concerne le jeu vidéo. Et si les grand médias mettent bien plus en avant Paris, Lyon ou Montpellier, les Bordelais n’ont clairement pas à rougir de leurs talents et constituent déjà l’une des principales antennes de ce média en France. Et pour conclure, souvenez-vous qu’on a pas besoin de vivre à Paris pour travailler dans le jeu vidéo, la preuve je suis creusotin (mais Bordeaux m’irait très bien).