En attendant le test, à venir le jour de la sortie le 18 avril prochain, nous avons décidé de poser quelques questions aux deux réalisateurs de Wonder Boy : The Dragon’s Trap, « réactualisation » du célèbre Wonder Boy III de la Master System. L’occasion de revenir sur leurs parcours, mais aussi sur les innovations de cette nouvelle version.
Bonjour à vous. Pouvez-vous nous présenter l’équipe derrière ce Wonder Boy : The Dragon’s Trap ?
Ben : Bonjour, je m’appelle Ben Fiquet je suis co-fondateur et directeur artistique de Lizardcube. Je me suis occupé de tous les visuels présents dans le jeu. J’ai une formation de dessinateur et animateur à l’école des Gobelins. Je travaille depuis 10 ans pour du jeu vidéo (Soul Bubbles …), des studios d’animations (Dreamworks, Zodiak Kids…) et j’ai écrit et dessiné plusieurs BDs (Delcourt, Glénat).
Omar : Salut, je suis Omar Cornut, co-fondateur et programmeur chez Lizardcube. Avant ce projet j’ai travaillé entre autres chez Media Molecule (Tearaway, Dreams), Q-Games (Pixeljunk Shooter) et Mekensleep (Soul Bubbles).
Quelle est la genèse de ce projet, comment avez-vous eu l’envie (et l’opportunité) de réaliser ce remake ?
Omar : C’est un peu un rêve de gosse, ayant été joueur de la série sur Master System et Megadrive. Ça fait quasiment vingt ans que je traîne cette idée et que j’en parle autour de moi, de faire quelque chose avec la licence. Et puis finalement fin 2014 j’ai commencé à étudier le code désassemblé de l’original car je voulais savoir si le jeu contenait encore des secrets que l’on ne connaissait pas. De fil en aiguille j’avais assez d’information technique sur l’original pour songer à en faire un remake officiel.
Ben : Quand Omar m’a contacté, j’ai tout de suite sorti les crayons pour commencer à esquisser le projet. On se lançait dans un “fan-project” sur notre temps libre et on avait des ambitions assez humble quant à sa viabilité. On a avancé dessus tranquillement jusqu’à avoir un un prototype et tout un tas de recherches qu’on était prêt à montrer autour de nous.
C’est quand le créateur original, Ryuichi Nishizawa, nous a donné son consentement et qu’on a commencé à travailler avec DotEmu qu’on a prit conscience qu’on était en train de concrétiser un rêve.
Si j’ai bien compris, il s’agit du même jeu avec une grosse « couche » moderne par dessus ? Comment réalise-t-on une telle prouesse, techniquement parlant ?
Omar : C’est grosso modo le même jeu avec une série d’améliorations. D’abord évidemment nous avons refait tout les visuels, les musiques et les sons. Pour améliorer la qualité globale il ne s’agit pas seulement de remplacer les sprites existant, car le jeu était très pauvre en animations et les effets totalement absent. Donc on a du rajouter tous ces concepts et ces transitions qui n’existaient pas dans l’original. on Nous avons aussi modifié le moteur pour passer la physique et le scrolling à 60 FPS (au lieu des 30 FPS de l’original) et le passer en widescreen. Par dessus nous avons ajouté des nouveaux secrets, des modes de difficultés, et apporté pleins d’améliorations et de correctifs pour en faire une version définitive. La technologie est assez innovante en fait puisqu’on est à mi chemin entre l’émulation et la création d’un nouveau jeu, je ne crois pas que quelqu’un ai fait ça de cette façon avant.
Graphiquement, l’esprit de bande dessinée européenne est très visible. Vous vouliez coller au mieux aux artworks d’origine ou vous avez finalement redessinés les personnages « à votre sauce » ?
Ben : Visuellement, j’ai essayé de retranscrire ce que moi, je visualisais sur ma télé étant enfant. Le jeu original offre une grosse marge de manœuvre pour l’interprétation. Les limites techniques de l’époque ne permettaient pas d’afficher des graphismes aussi fouillés qu’aujourd’hui et il a donc fallu que je remplisse les trous.
J’ai donc considérablement enrichi les décors ainsi que multiplié par 10 le nombre d’images pour les animations mais forcément, étant le prisme par lequel tout passe, les graphismes reflètent mes propres aspirations artistiques.
Les musiques de Shinichi Sakamoto sont cultes. Comment avez-vous choisi Michael Geyre pour les réorchestrations ?
Omar : Michael est ami de longue date et aussi un fan de jeux rétros et de la série Wonder Boy. Il empile chez lui à Bordeaux à la fois les instruments de musiques et les bornes d’arcades ! À une époque il avait une grosse borne Out Run à la maison, et bien sûr les plaques d’arcade des Wonder Boy…. il était donc quelque peu pressenti pour ce projet. Nous avons travaillé ensemble très longtemps pour arriver à trouver un positionnement qui nous plaisait pour la soundtrack. L’idée de départ à toujours été de faire quelque chose d’élégant et d’utiliser une variété d’instruments réels peu usités dans le jeu vidéo, d’avoir quelque chose de très acoustique à mille lieux des versions 8-bit. On se retrouve avec une BO très variée, très riche, avec des sections qui empruntent à la musique manouche, la musique égyptienne ou encore le tango. Pour 30 pistes dans la BO finale il a dû faire plus d’une centaine de pistes de recherches.
Nous avons fait une petite vidéo au sujet de la musique que j’invite d’ailleurs les lecteurs à visionner !
On voit dans un de vos Dev Diary que Ryuichi Nishizawa (le créateur original du jeu) semble très content de cette version. Pari déjà gagné ?
Ben : Oui, depuis le tout début où on lui a montré le prototype, il était ravi. Quand on l’a rencontré et qu’il m’a personnellement félicité pour les visuels, c’était quand même un super rêve de gosse qui se réalise.
Omar : C’est évidemment super agréable ! L’autre chose importante c’est de voir que les fans de l’original sont en immense majorité content de notre approche du remake. C’est pas gagné du tout, compte tenu de la férocité habituelle des commentaires sur internet.
On pourra, tout au long du jeu, passer de l’ancienne à la nouvelle version, autant graphiquement que dans les sonorités. Cette idée était prévue depuis le début ?
Ben : Techniquement ça a toujours été possible, mais Omar n’a rajouté la transition “smooth” que plusieurs mois après qu’on ait commencé le projet et en voyant cette transition et l’attrait qu’elle avait auprès des joueurs, on s’est dit qu’on ne pourrait plus faire sans.
Omar : En voyant le jeu tous les jours on s’y habitue et on se n’attendait pas trop à ce que cette petite transition fasse jaillir autant de “wow” des joueurs. En fait en quelque sorte ça met aussi en avant le travail effectué entre les deux versions.
A noter que notre version rétro est en fait déjà assez améliorée par rapport à la version Master System, puisque le framerate est doublé, l’écran est widescreen, la musique n’est pas coupée par les bruitages, etc. Si vous comparez côte à côte avec la vraie Master System ca fait un peu un choc.
Le jeu sort sur PS4, Xbox One et Nintendo Switch le 18 avril. Pourquoi la version PC arrive-t-elle plus tard ?
Omar : C’est principalement pour régler les problèmes de compatibilité sur des cartes graphiques et écrans divers. En fait la version PC est la première qui est toujours développée en interne, mais on ne la teste que sur nos 2-3 carte graphiques. Maintenant on doit faire des optimisations pour que ça tourne sur des cartes types Intel HD, tester sur des écrans de taille ou fréquence rafraîchissement bizarre, rajouter les menus de configurations des contrôles. J’ai au minimum un bon mois de travail à faire dessus, et le lancement des versions consoles nous accapare en même temps.
Quelles autres surprises nous cache Wonder Boy : The Dragon’s Trap d’ici sa sortie?
Omar : Nous avons maintenant révélé les features retro, et le personnage de Wonder Girl. Ensuite il y a des morceaux de niveaux secrets que l’on a rajouté dans le jeu. Certains sont vraiment difficiles à trouver, mais on trouvait que ça se rapprochait de l’esprit de l’original qui avait des portes et passages secrets un peu improbable 🙂
Vous n’avez pas été tenté d’en modifier quelques hitboxes, les boss un peu « classiques » et ultra-scriptés, etc ?
Omar : Nous avons fait quelques ajustements de timings, de hitboxes, etc. mais l’esprit de ce projet c’était quand même de conserver les systèmes de l’original. Les boss sont effectivement assez simple, c’est surtout une histoire de rythme à comprendre et tenir assez précisément. Pour un joueur débutant ca n’est pas toujours facile cela dit!
Parlons de Wondergirl. C’est une idée formidable, à mon sens. Comment a t’elle germée dans vos esprits ?
Omar : A la genèse du projet nous ne savions pas encore si nous allions pouvoir obtenir la licence du trademark “Wonder Boy” détenu par Sega (les droits du contenu du jeu appartiennent à Westone/LAT, seul le nom appartient à Sega). Donc on a dû forcément se poser la question de personnages alternatifs, et c’est là que les premières recherches d’une Wonder Girl sont nées. Et puis finalement nous avons eu accès à la licence donc nous étions un peu forcé d’avoir le “Wonder Boy” en avant, mais on voulait tout de même conserver ce second personnage.
Finalement, avez-vous envie de continuer sur la franchise Wonderboy/girl ou vous êtes bien parti pour faire une énorme pause artistique quitte à y revenir plus tard ?
Omar : C’est trop tôt pour le dire mais je pense que l’on va d’abord vouloir faire une pause, et voir un peu la réception des joueurs. Nous y reviendrons peut être. À noter aussi le projet de Game Atelier “Monster Boy”, qui est une sorte de continuité de la même licence, donc il va y avoir de quoi bouffer du Wonder Boy cette année 🙂 Le nôtre en tout cas sort le 18 Avril sur consoles et Juin sur PC.
Cool tout ça! Hâte de jouer au jeu sur Switch, la carte eShop est déjà prête. 😀
Interview super sympa. Personnellement j’aurais adoré voir plus de artworks de Ben car je trouve ses illustrations superbes et malheureusement on voit les mêmes un peu partout. Son travail sur Wonder boy est excellent. J’aurais aimé en voir plus 😉