L’endroit n’est peut être pas idéal pour débattre du travail de critique de jeu vidéo mais il s’avère que je n’avais pas de meilleure introduction à vous proposer pour vous parler honnêtement de « Miniature Garden ». Critiquer un jeu n’est pas un exercice compliqué en soi car tout ce qui vous est demandé est de donner votre opinion en l’entourant de mots et de quelques images. Par exemple, qualifier un gameplay de raté, dire qu’un level design est ennuyeux, s’attaquer aux bruitages par le verbe sont des choses aisées à faire car tous ces travaux n’ont grand-chose en commun avec la forme du travail du critique. En revanche, difficile pour lui, pour moi, de ne pas se ressentir un peu cruel lorsqu’on commence à s’attaquer, et cela sera le cas ici, au travail littéraire d’un autre. Et c’est justement tout le problème de « Miniature Garden », un visual novel qui tente sincèrement de vous amadouer dans son univers mais qui, malgré tout ses efforts, échoue sur l’essentiel.
Les gens du jardin
L’histoire débute par une compilation de clichés mille fois vues dans la production japonaise et pour ceux qui n’en seraient pas des habités, j’ai pris la liberté de les surligner en prenant comme excuse que le jeu lui-même n’hésite pas à le faire lourdement. Yasunari est un lycéen en classe de première, sans réelle personnalité mais qui semble plutôt apprécié. Le jeu débute alors qu’il aide sa classe à préparer le festival culturel de son établissement prévu pour démarrer le lendemain. Dans la même classe, on retrouve également sa meilleure amie qu’il connaît depuis l’enfance et dont les parents sont morts dans de mystérieuses circonstances dont elle comme lui ont perdu tout souvenir. (c’est bien pratique !) Il s’est également lié d’amitié avec une jeune seconde hyper active et un peu nunuche (dans le langage des otakus, on appelle ça une genki) ainsi qu’un membre du comité des élèves qui semble cacher beaucoup de choses derrière un tempérament provoquant et une désinvolture de façade. Le lycée auquel ils appartiennent est toutefois particulier, il est non seulement relativement isolé du reste du monde et fait l’objet d’étranges rumeurs au sein de ses élèves. Des évènements mystérieux et sanglants entoureraient les lieues lors du festival mais, comme tout bon héros, Yasunari n’y crois guère. En rentrant chez lui après les préparatifs, il aperçoit, dans la cour intérieure du lycée, une jeune fille aux longs cheveux argentés qui dégage une certaine aura mais qui, après enquête, semble n’être connu de personne.
Le lendemain, tout se complique très vite car ces 5 personnages, après avoir été attaqués, se retrouvent magiquement enfermés dans le lycée et vont devoir partir dans une ambiance paranoïaque à la recherche d’une explication à tous ces mystères. Oui le basculement est abrupt comme pas possible. Fort heureusement, toute cette introduction ne dure pas bien longtemps et s’avère suffisamment efficace pour « vendre » l’univers sans trop de problème. D’autant que, à défaut d’originalité sur le fond, « Miniature Garden » propose un travail sur la forme plutôt léché. Tous les personnages principaux (en dehors du héros) sont doublés, l’esthétique des lieux comme des personnages sont corrects et l’ambiance musicale est loin d’être honteuse. C’est aussi ce mélange agréable qui permet de donner sa chance à cette histoire et d’espérer qu’on n’ait pas mis autant de soins pour rien.
Partie miniature.
Or, le problème n’est pas tant qu’il y est rien mais que les révélations qui s’enchaînent au fur et à mesure des minutes ne tiennent tout simplement pas la route en termes de crédibilité. Même une fois terminé, le jeu présente toujours des incohérences scénaristiques qui, si elles n’en annulent pas tout intérêt au récit, lacèrent quand même pas mal l’expérience au point d’en laisser de désagréables marques. Pire, le jeu peine énormément à imposer un quelconque tempo à son récit et semble souvent comme paniqué à l’idée de perdre notre attention. Il enchaîne alors les maladresses comme de tenter de privilégier quelques blagues ecchi poussives plutôt que de développer une vraie romance ou de vouloir agrandir son univers alors qu’il n’en a pas les moyens et que ses révélations tombent à plat.
On se retrouve alors face à un drôle de récit qui tente d’en dire beaucoup mais qui ne peut l’illustrer correctement et se contente alors d’essayer de nous faire imaginer un immense hors champ flou. Tout cela est hélas bien pathétique car les rames se voient. Pire, le jeu se plante sur ce qui est tout sauf un détail pour un visual novel : les choix qui font basculer entre les différentes routes. Dans « Miniature Garden », la pertinence de ces choix est totalement inexistante et leurs conséquences ont une intensité tellement disproportionnée qu’on frise le ridicule absolu. Tous ces défauts pourraient être oubliables si « Miniature Gardent » réussissait à se rattraper sur sa conclusion. Hélas, là aussi, c’est loupé car le jeu ne propose, au bout de quelques heures seulement (comptez en 10 pour boucler toutes les fins), qu’un propos ultra conventionnel et se révèle incapable d’assumer une violence suffisante pour pouvoir marquer le joueur.
Mettre tout le monde ado.
Pourtant, tout est loin d’être mauvais dans l’écriture. Les personnages ne sont pas de simples caricatures centrées sur un seul trait de caractère, l’histoire dispose de ressorts tragiques éculés mais dont on sent le potentiel, les dialogues ne manquent pas de justesse mais le tout échoue par un manque de talent certain à saisir le bon moment pour avancer ses billes. Le jeu commet même la faute de goût de multiplier timidement les points de vue dans un récit qui tente pourtant à la base de faire ressentir les dilemmes intérieurs du héros. On arrive alors à un paradoxe qui conduit le jeu à ne pas doubler les lignes de dialogue de son personnage principal pour faciliter l’empathie du joueur et qui se permet ensuite de lui livrer des informations qui lui sont inaccessibles ce qui flingue la démarche précédente.
Terminons ce joli gâchis par les différentes fins qui, là encore, sont loin d’avoir la pertinence et l’impact qu’on aurait pu attendre. Prises individuellement, on ne peut pas dire que ce sont de mauvaises conclusions mais, ici aussi, difficile de trouver une cohérence entre elle tant les conséquences immenses finales semblent découler de choix trop anodins et , tant surtout, trop de choses inexpliquées frisent le trou noir scénaristique que « Miniature Garden » ne prend pas la peine de combler.
« Miniature Garden » est une œuvre adolescente. Son univers impeccablement et banalement classique, ses rebondissements téléphonés, sa forme et son esthétique trop limités, sa faculté désespérante à user de trop grosses ficelles, son incapacité à imposer un rythme, un propos ou une tension et pire que tout son entêtement à essayer de transformer quoi que ce soit en émotions de façon maladroitement dictée au joueur signent l’échec d’un visual novel qui ne manque pourtant pas de sympathie. Parce que ce jeu essaye, on ne pourra pas lui reprocher cela, et parce qu’on est malgré tout loin d’avoir affaire une catastrophe, il faut savoir aussi relativiser. Après tout, si « Miniature Garden » n’a pas su m’accrocher et souffre à mon sens de trop de défauts pour être intéressant pour un public adulte, il est tout sauf certain que des plus jeunes n’y trouveraient pas leurs comptes et ne seraient pas capable de passer outre le manque de subtilité de l’ensemble pour s’attacher à cette triste et belle histoire. Dommage que le prix ne soit pas lui aussi miniature car à 20€, on déconseillera l’expérience.