A l’origine né lors du Cologne Game Lab de 2015, Code 7 est un jeu narratif qui varie les genres : aventure textuelle, hacking, infiltration… A la suite d’une campagne kickstarter lancée en 2016, le projet s’est étoffé pour devenir un jeu épisodique dont le prologue (épisode 0, remake du prototype initial) et le premier épisode sont désormais disponibles.
Histoire d’être humain
L’aventure Code 7 débute dans une station spatiale. Alex (le joueur) est un hackeur en mission, mais à la suite d’un accident le voilà privé de sa mémoire ; voilà qu’on nous refait le coup de l’amnésie. S’il est éculé, l’artifice est toujours pratique : il apporte du mystère tout en permettant l’intégration du joueur dans un environnement et une situation dont l’action a déjà commencé. Le joueur se pose naturellement des questions sur le personnage qu’il incarne et ses motivations, sur le contexte, et ces questions sont précisément celles que se pose également le protagoniste. Le procédé est connu mais fonctionne. Il permet de donner de l’ampleur et de l’intensité aux interrogations : qui est vraiment Alex ? Est-il réellement humain ? Le sujet n’est pas anodin : en marge de l’action, course effrénée contre la transmission du virus Code 7 (qui pourrait bien retourner les machines contre l’Homme, façon Skynet), surgit la question de la nature humaine. Dépourvu de mémoire et réduit à l’état de preneur de décisions, perdu dans les méandres du code informatique, se déplaçant sur la toile du réseau et ne communiquant que par lignes de commande, Alex est-il encore humain ?
Le jeu se construit autour de binômes, du moins pour les épisodes 0 et 1 : Alex fait équipe avec Sam (épisode 0), puis avec Zoya (épisode 1). Ces équipières, bien humaines, sont l’extension physique d’Alex : elles se déplacent, elles agissent dans le monde réel, tandis que lui les conseille, les dirige, les aide en influant sur l’environnement susceptible d’être altéré par les voies informatiques (portes à ouvrir, caméras à désactiver, ordinateurs à pirater…). Pris dans l’autre sens, c’est Alex qui s’avère être une extension logicielle vis-à-vis de ses compagnons ; en l’absence de mémoire, et donc de certitude, comment connaître sa nature ?
Narratif et plus
Code 7 est présenté avant tout comme un jeu d’aventure textuelle, mais il est pourtant plus que ça. Bien sûr, la narration occupe une place prépondérante. Elle est principalement réalisée sous forme de dialogues, voire de monologues : Sam et Zoya prononcent l’essentiel des mots, adressés à elles-mêmes mais aussi et surtout à Alex. Cette mécanique, qui s’affranchit d’un narrateur externe, dynamise l’ensemble et implique le joueur, qui est constamment interpellé à travers son personnage (d’autant qu’il lui est parfois possible de prendre des décisions, à l’instar d’un jeu Telltale Games). Mieux, les dialogues sont intégralement doublés et sont de très bonne facture, donnant un peu plus d’intensité à l’action et au rythme.
Le joueur incarnant un hackeur, Code 7 construit naturellement son gameplay dans ce sens. Ainsi seul le clavier est utilisé (pas de souris, pas de manette), afin de s’approcher de l’image du pirate informatique naviguant aisément en pianotant sur son accessoire fétiche. Les interactions du joueur avec le jeu reposent sur des commandes pseudo informatiques (SYSTEM.CHECK, NETWORK.ACCESS, etc.), un peu comme dans Mu Complex, quoiqu’en plus accessible encore : les commandes sont prédéfinies, parlantes et évidentes. Grâce à cela, il est possible d’explorer le réseau, d’accéder à un terminal ou un autre, de lire les mails personnels de telle ou telle personne afin d’obtenir de précieux renseignements…
La mécanique fonctionne : on se retrouve vite à taper frénétiquement des ordres sur la console pour progresser. Et il faut parfois être rapide. Car la particularité de Code 7 réside sans doute dans ses moments requérant habileté et vitesse d’exécution. Le jeu consiste essentiellement à guider le compagnon d’Alex dans son environnement, comme on pouvait le faire dans République : on lui indique où se déplacer et le personnage s’y rend, ce que l’on peut suivre en temps réel sur une map affichée à l’écran. Cette map, en montrant le mouvement, procure un sentiment d’action rarement ressenti dans ce type de jeu. Parfois, elle procure également un sentiment d’urgence : lorsque Sam et Zoya se font pourchasser et qu’il faut leur dégager le passage en ouvrant des portes au bon moment, le joueur doit entrer rapidement les bonnes séries d’instructions, sous peine de voir son équipière rattrapée. Il faut parfois la guider de telle sorte qu’elle évite les patrouilles robots en mouvement, et là encore la vitesse et la précision sont nécessaires pour ne pas se faire prendre ; les mouvements ennemis sont en temps réel, et directement visibles à l’écran. En allant plus loin que le simple aspect textuel, Code 7 impose ainsi une tension particulière et parvient à rendre l’impression de réussir à surmonter un obstacle tout en restant derrière son clavier ; le propre du hackeur, finalement.
Code 7 est une excellente surprise. Pas forcément ultra original, le jeu de Goodwolf Studio pioche ses inspirations à droite et à gauche pour proposer un ensemble étonnamment complet, varié et cohérent. On y retrouve tout à la fois une narration prenante, du hack accessible et bien mis en scène, un peu d’infiltration et du skill à certains moments, pour faire monter la pression. Vivement les prochains épisodes.