Yakuza Kiwami

Maintenant que Yakuza Zero est sorti, il semblait difficile d’appeler le premier véritable épisode de la série simplement Yakuza, d’autant plus quand il s’agit d’un véritable remake et non seulement d’un simple remaster. Du coup, il se voit adossé le terme Kiwami qui voudrait dire extrême. Je ne sais pas si l’on peut vraiment parler d’une version extrême du jeu, cependant les efforts techniques consentis pour ce remake font que cette version est le jour et la nuit avec l’originale. L’occasion est alors trop belle pour ne pas découvrir ou redécouvrir le jeu qui démarra une des sagas les plus marquantes des années Playstation pourtant encore assez inédite sous nos latitudes.



Yakuza version premium

Pour autant, il ne s’agit en rien d’une révolution. Si d’emblée, je peux vous affirmer sans détour qu’il s’agit d’un très bon remake qui fait honneur au matériel de base de bien belle façon, il ne faudra pas non plus s’attendre à une refonte totale de son gameplay. Le système de combat reste néanmoins hérité de l’épisode Zero, plutôt qu’une revisite de son fonctionnement originel. On reste donc avec Kiryu et ses quatre styles que sont le Rush avec ses mouvements secs et rapides, le mode Beast qui fait de lui un véritable tank capable aussi bien d’encaisser que de faire de gros dégâts au détriment de sa vitesse, et le style Brawler qui est une sorte de compromis entre les deux. Il ne reste que le style du Dragon de Dojima, qui comme les autres, devra être réappris d’une façon ou d’une autre, le jeu prenant l’excuse d’un Kiryu ayant perdu de sa superbe en prenant la poussière pendant près de dix ans derrière les barreaux, pour un crime qu’il n’a pas commis. Ce réapprentissage n’est pas un mal puisque il permet de se ré-familiariser en douceur avec la manière dont tout cela fonctionne.

Ainsi, à peu de choses près, Yakuza Kiwami reste assez similaire à Yakuza 1. Histoire d’égayer un peu nos balades, ils ont tout de même jugé intéressant d’intégrer ce qu’ils appellent le Majima Everywhere. Goro Majima nous revient donc en dehors de sa présence dans l’histoire principale pour nous gratifier de sa volonté de nous remettre en forme notre Kiryu. C’est alors qu’il apparaîtra aléatoirement dans la rue pour nous affronter, parfois dans des mises en scène de plus en plus élaborées. Ces moments un peu à part sont beaucoup plus humoristiques et s’éloignent un peu de la nature de psychopathe de Majima pour lui donner l’image d’un clown, mais tout de même d’un clown dangereux. Il nous permet alors d’avoir droit à des combats un peu plus épicés que ce que la racaille de base qui parsèment les rues de Kamurocho est à même de nous proposer. A difficulté élevée, ce Majima Everywhere va quand même demander à ce que l’on soit constamment sur le qui-vive. Heureusement, on peut cette fois-ci enfin sauvegarder n’importe où pour palier aux éventuels ratés de notre part. Etant donné que l’on ne dirige pas cette fois-ci Majima, contrairement à l’épisode zéro, les amoureux de ce personnage apprécieront sans doute d’au moins avoir le droit à sa présence un peu plus longtemps que d’ordinaire.

En dehors de cette sur-exposition de Majima, il n’y a pas énormément d’ajouts supplémentaires, outre les quelques mini-jeux et les histoires parallèles, sorte de mini-quêtes familières de la série. N’attendez pas non plus d’un jeu dans le jeu comme ceux de gestion immobilière ou d’un club d’hôtesses comme dans Zero. Les nouveaux venus dans la série trouveront sans doute que Kiwami fait bien pauvre en matière de contenu par rapport à son prédécesseur. Même son histoire est bien plus courte. Il s’agit après tout du remake d’un jeu d’une autre époque, qui plus est sorti sur PS2 dont les limitations techniques ne permettaient pas de faire des miracles face aux ambitions pourtant déjà importantes d’une saga naissante. Ce ne sera qu’avec l’épisode 3 qu’elle fera son entrée sur PS3, cette machine lui offrant alors un peu plus matière à respirer. Ses origines modestes ont forcément laissé quelques traces dans cette remise à niveau technique qu’il aurait été difficile de surmonter sans avoir entièrement repensé le jeu de fond en comble. Cependant, le travail accompli est impressionnant et permet de redécouvrir cette perle dans de bien meilleures conditions, et c’est déjà pas mal.



Nouveau visage pour nouvelle génération

Ainsi, il ne s’affiche pas sous les couleurs du nouveau moteur maison qui anime Yakuza 6 et animera Yakuza Kiwami 2, mais avec celui un peu plus ancien tout en ayant été amélioré pour l’épisode Zero, en lui permettant de s’afficher en 1080p et soixante images par seconde la majeure partie du temps sur PS4. Les séquences cinématiques sont notamment l’occasion parfaite pour se rendre compte du travail accompli. Désormais, le visage de Kiryu est infiniment plus détaillé et expressif. Et cela vaut pour tous les autres personnages importants de l’histoire. On n’en dira peut-être pas autant des personnages secondaires encore un peu figés dans leurs expressions. Les textures sont aussi beaucoup plus soignées. Il suffit d’admirer le détail des stries du tissu du costume de Kiryu dans les gros plans pendant les cinématiques pour remarquer que Sega ne s’est pas moqué de nous. C’est donc sans difficulté que sur le plan technique, Kiwami fait oublier son ancêtre en l’enterrant définitivement devant tant de maîtrise. On remarquera tout de même les limitations de ce moteur vieillissant datant de l’époque PS3. Heureusement, comme je l’ai évoqué plus haut, le Dragon Engine, moteur nouvelle génération, répondra présent pour les prochains volets.

Les cinématiques ont par ailleurs bénéficié de quelques ré-ajustements. Certaines se sont vues ainsi rallongées de quelques séquences inédites, tandis que des dialogues ont parfois été ré-enregistrés. Dans son ensemble, l’excellente histoire de ce Yakuza faite de passion et de trahison comme à l’accoutumée, s’en retrouve sublimée et finalement plus intense émotionnellement. Cependant, le changement de ton est total par rapport à Zero qui prenait place à la fin des années 80, dans un Japon en plein dans sa bulle économique où l’argent coulait encore à flot, et où Kamurocho en était la parfaite représentation avec son côté clinquant et tape à l’oeil. Kiwami qui se passe en 2005 est beaucoup plus sobre et sérieux en comparaison. Il en fait beaucoup moins et reste en accord avec son époque, celle d’un archipel en proie à la crise économique à l’image du reste du monde. Au milieu de tout cela, on retrouve un Kiryu plus mature, qui aura passé dix ans en prison pour couvrir ses amis d’enfance, Nishiki et Yumi. Quand il revient à la vie civile, c’est pour se rendre compte que Yumi a disparu, que Nishiki a bien changé et apparemment, pas forcément en bien, et qu’il est devenu une cible à abattre pour avoir tué un des patriarches de sa famille mafieuse, même si nous savons bien que cela n’est pas vrai.

Le chaland ne connaissant pas la série sera pourtant étonné de retrouver en Kiryu une vision tellement romantisée d’un yakuza. Loin de l’image d’un criminel que l’on se ferait habituellement des gens de son espèce, il apparaît plus au contraire comme un chevalier en armure à la défense de la veuve et l’orphelin. Sa gentillesse n’a d’égal que sa volonté d’aider ceux qui en ont besoin, nous amenant toutes une série d’histoires secondaires, parfois amusantes, parfois touchantes, mais en tout cas tranchant immédiatement avec le ton plus lourd et sérieux de son intrigue principale versant dans une forme d’ultra-violence assumée. Il y a en Kiryu cette forme de ronin, samouraï vagabond sans maître, qui en l’absence de but, aide son prochain, type de personnage que l’on retrouve par ailleurs fréquemment dans le paysage littéraire et audio-visuel nippon. Puisque c’est exactement ce qu’il est, un exilé pour sa propre famille d’adoption, tandis qu’il fera une fois de plus tout pour protéger les siens et regagner sa place dans ce monde à part. Dans Kiwami, vous ne trouverez pas de personnages sans intérêt. Ils affichent tous une véritable personnalité, et c’est d’ailleurs ce qui fait sa force. On se sent très vite engagé dans cette histoire, parfois même complètement emballé quand on nous y aménage quelques moments purement excitant en nous mettant en bouche un futur combat épique. Finalement, c’est sans doute là la plus grande réussite du genre. En prenant le contre-coup des mondes trop ouvert, en gardant son microcosme plus fermé et modeste, en ramenant les rues de sa ville à taille humaine, les Yakuza et celui-ci n’en dérogent pas, en arrivant à installer un sentiment de familiarité avec leur public.


Yakuza Kiwami est un excellent remake comme on aimerait plus souvent en voir. Il n’est pas seulement supérieur techniquement à son original, il est aussi supérieur artistiquement en redonnant un visage plus expressif aux figures les plus importantes de son histoire. Le reste est sensiblement la même chose, avec un système de combat accessible mais suffisamment subtil pour nous forcer à nous y investir si on ne veut pas finir sur le carreau dans les affrontements les plus difficiles. On appréciera aussi les connections faites à Yakuza Zero renforçant une idée de continuité entre les deux épisodes. Ce qui n’a pas changé par contre, c’est la qualité d’une intrigue capable de soulever les passions et de nous scotcher à l’écran. Si il peut apparaître pauvre en contenu face au très généreux épisode zéro, il me semble inconcevable de ne pas laisser sa chance à celui-ci, de façon à ce que Sega comprenne que oui, la série des Yakuza a aussi sa place en occident.

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