Après une campagne de financement réussie sur fig.co, Trackless se dévoile sur nos machines. Le jeu de 12 East Games sait se montrer intrigant, promettant une sorte d’hybride entre le jeu d’aventure textuelle et le jeu d’aventure 3D à la première personne…
Le verbe
Le principe de base est alléchant : permettre au joueur d’interagir avec son environnement par le biais d’une entrée textuelle tout en se déplaçant librement dans un univers 3D classique. C’est même d’autant plus séduisant que l’interaction est centrale dans le jeu vidéo, mais n’est pourtant pas souvent explorée. Si l’on a bien des tentatives physiques d’interface entre le personnage et son environnement (motion gaming, utilisation adaptée de la manette et des boutons…), la plupart des jeux s’en remettent au script-à-tout-faire : appuyez sur Carré ou sur A, et la machine se chargera du reste, qu’il s’agisse d’ouvrir une porte, de parler à un personnage, d’activer un levier, de lire un livre… Un bouton pour toute interaction, et laissons le jeu choisir l’action adéquate. Certains point’n click disposent toutefois d’une palette d’actions possibles (les vieux Lucas Arts et leur système à verbes, par exemple), et Trackless semble quelque peu descendre de cette lignée de jeux d’aventure.
Le jeu de 12 East Games propose en effet un système dans lequel l’interaction avec un objet se fait en saisissant un verbe. Non pas en le sélectionnant dans une liste prévue par le développeur, mais bel et bien en saisissant ce que l’on souhaite. Le potentiel est énorme, puisqu’il semble donner au joueur un contrôle unique sur son environnement, en même temps qu’il présente une interface originale. Malheureusement, les promesses sont rapidement douchées…
Un système prometteur mais limité
Si l’idée originelle demeure intéressante, sa mise en application est décevante et frustrante. On attendait de la liberté dans l’interaction, puisqu’elle s’appuie sur l’imagination du joueur ; il n’en est rien. Les éléments avec lesquels il est possible d’interagir sont peu nombreux, et les interactions possibles plus que limitées : il n’y a qu’une et une seule façon de les utiliser, et le jeu consiste donc à trouver le mot qui correspond à ce qu’attend le jeu. Pire, entrer un mot inadéquat et le jeu se fendra simplement d’un laconique « NOPE » pour signifier qu’il faut trouver autre chose. Tant pis pour l’immersion. Pas de description de l’échec, pas de mise en scène, comme l’aurait sans doute fait un point’n click ; pas non plus d’indice pour permettre au joueur de comprendre pourquoi le mot saisi, qui semblait faire l’affaire, ne la fait pas. C’est que parfois le système se veut très précis et il refusera « pour » (« verser ») là où il attend « drip » (« verser goutte à goutte »). De quoi pester un peu que lorsque le bon mot ne nous vient pas de suite à l’esprit, ou lorsque qu’on ne comprend pas bien ce qu’il faut faire. C’est d’autant plus étrange que Trackless accepte tout de même certains synonymes (« buy » ou « purchase » pour « acheter », par exemple). Parfois ça passe, parfois non ; allez savoir.
Puisqu’il n’est possible d’interagir qu’avec un seul objet à la fois (pas de mécanique de combinaison) et qu’on ne peut le faire qu’à travers un unique verbe, puisqu’il n’y a en réalité qu’un seul effet prévu (la solution) et qu’il ne se déclenche qu’à la saisi du bon mot (ou de ses rares synonymes acceptés), Trackless prend bien vite des allures de jeu de vocabulaire (en anglais, mais vous l’aviez compris). C’est sympathique, mais bien loin de ce qu’on en attendait. Et ce n’est pas vraiment le scénario qui sauvera les meubles ; si l’univers se montre intrigant, là aussi le potentiel est mis à mal par une fin décevante révélatrice d’un manque flagrant d’imagination.
Trackless promettait un traitement original du jeu de puzzle/aventure avec son système d’interaction textuelle ; le résultat est frustrant. Pas désagréable, le jeu de 12 East Games passe néanmoins à côté des enjeux auxquels il paraissait s’attaquer et se montre fade à tout point de vue. Son univers visuel ne convainc pas, son gameplay ne convainc pas, son univers ne convainc pas. On l’oubliera malheureusement vite.