Après un Syndicate vraiment moins bon que la moyenne (même si vous ne m’ôterez pas de l’idée que le pire restera Unity) la franchise Assassin’s Creed revient avec la ferme intention de corriger ses défauts et de relancer un cycle plus maîtrisé et au gout du jour. C’est l’Egypte qui fait office de premières terres à fouler dans cette relance, avec la nette ambition de nous raconter l’histoire des Assassins dès son commencement.
Assassin’s Story
Savez-vous que tout se tient dans un seul univers, dans le monde d’Assassin’s Creed ? Du premier au dernier épisode, en passant par le film et les jeux annexes, toutes les créations estampillées AC, à l’exception de quelques adaptations en bande-dessinée, sont « canon » et cela se ressent. N’importe qui foulant les pieds d’un Assassin’s Creed entre le second opus et Syndicate se retrouve vite perdu : les règles des Assassins oublient toujours de se rappeler aux nouveaux venus, les Templiers sont méchants parce qu’il semble que les scénaristes en aient décidé ainsi et si le joueur n’est pas de ceux à avoir commencé la série avec la péripétie d’Altaïr et Ezio, alors il n’y comprend rien.
Origins, avant de renouveler son gameplay, tente de maîtriser sa narration. On joue Bayek, un Medjaÿ, c’est-à-dire un habitant de Medja et un terme définissant les protecteurs des lieux suite à de nombreux faits d’armes. On démarre l’aventure avec un héros barbu, meurtri, sans trop savoir pourquoi et rapidement, la narration va se mettre en marche : son fils est mort, tué dans d’atroces conditions par d’étranges ennemis, un « Ordre des Anciens » qui règne sur l’Egypte. Bayek et sa femme, Aya, vont alors jouer la carte de la vengeance et tout faire pour se débarrasser de ce fléau.
Avant de m’arrêter ici pour les révélations, sachez qu’en parallèle revient un aspect qu’Assassin’s Creed possède depuis le début et qui n’est pas toujours apprécié à sa juste valeur par les joueurs : le Présent. En effet, l’Animus, les Templiers, tout cela a un impact sur le présent et une histoire parallèle se joue depuis le 1er jeu. On retrouve ici des phases réellement jouables (bien que limitées) ou l’on contrôle Layla Hassan. Celle-ci est chercheuse pour la branche de Recherche Historique d’Abstergo. C’est en étudiant les momies de Bayek et Aya qu’elle va se plonger dans leur histoire et nous transporter avec elle. Et évidemment, chez Abstergo, on voit tout cela d’un très mauvais œil…
En toute honnêteté, la narration du Présent reste très floue, rapide, mal construite malgré une ou deux scènes marquantes. C’est mieux qu’avant (pas dur, Syndicate ne proposait que des cinématiques un peu nulles), mais pas franchement palpitant. Par contre, au niveau du scénario du jeu, les progrès sont au rendez-vous.
La petite révolution
Terminée la routine de l’Open World selon Ubisoft ? Pas vraiment. Assassin’s Creed reprend les concepts de beaucoup de jeux existants et pas toujours de ceux du studio français, d’ailleurs. Si notre aigle peut être contrôlé et sert de localisation de cibles, de portes cachées, de trésor et détaille même la routine des PNJ façon Ghost Recon Wildlands, on peut aussi trouver une gestion du cheval et des quêtes annexes très sensiblement identiques à ce que proposait The Witcher 3. Et on ne va pas s’en plaindre.
Toutes les quêtes annexes ne sont pas passionnantes, c’est un fait. Mais un bon tier rend l’univers plus pertinent, pendant qu’une petite dizaine sort réellement du lot pour servir d’autre chose que d’encyclopédie sur l’Egypte. Si vous voulez savoir comment on embaumait les corps, quel était le pouvoir des prêtres de l’époque, quelles étaient les divinités et comment elles étaient représentées et estimées, alors ces quêtes annexes sont pour vous. Comme toujours avec la série, le souci du détail est omniprésent et on se croirait vraiment en Egypte Antique. C’est assez merveilleux de ce point de vue.
La narration de ces annexes pêche néanmoins par ses dialogues creux et souvent sans conséquences. Seules quelques missions, encore une fois, sortent du lot : elles sont généralement mises en scène sous forme de cinématiques plutôt qu’avec un simple dialogue entre Bayek et le porteur de quête, c’est à cela qu’on les reconnait. Celles-ci proposent la plupart du temps du bon texte, de bonnes sensations et une conséquence sympathique. Le reste, c’est du (fort joli) remplissage.
Origins est vaste : de nombreuses zones, énormément de choses à faire, beaucoup de répétition aussi. On aura des camps d’ennemis à vider de leurs soldats et piller de leurs trésors (un peu comme dans FarCry 3 d’ailleurs), de la recherche de Papyrus (sorte de cartes au trésor), des épaves échouées (l’occasion de plonger en mer et de se régaler des effets et de la réalisation), des endroits dominés par des bêtes sauvages dont l’objectif sera d’affronter et tuer l’Alpha… Chaque point d’interrogation sur la carte fait le même effet Skyrim que depuis la sortie du jeu de Bethesda : on sait plus ou moins à quoi s’attendre, il y a beaucoup de copié-collé, mais la composition des « niveaux » est telle qu’on est vite tenté de vouloir tout faire et vider les points d’intérêts disponibles de leurs objectifs.
Pour ceux qui ont déjà joué aux précédents épisodes, sachez que vous pouvez dire au revoir aux objectifs secondaires : AC Origins n’en propose absolument pas et c’est fort dommage, car cela met rapidement l’infiltration et le bourrinage à la même échelle de réussite. S’infiltrer est plus amusant mais prend plus de temps. Récompenser cette façon de jouer aurait vraiment été bienvenue.
Du loot dans la boite
Le jeu est blindé d’objets à ramasser : arme principale, secondaire (parmi plusieurs types, ce qui change le gameplay et se révèle très agréable), deux arcs aussi pour une infiltration délicieuse au sniper de l’époque… Les combats ont changé et se sont radicalement modernisé. Terminé les phases de rythme avec des étincelles à choper du coin de l’œil pour frapper au bon moment. Désormais on pare au bouclier (lui aussi lootable en un millier de versions différentes), on tente de percer la garde adverse et pour cela, on joue des deux types d’attaques : faible et forte. C’est malin et bien qu’un peu léger (surtout qu’on en capture vite les faille au bout d’un certaine temps) cela fait vraiment du bien de voir la série prendre des risques et s’aligner sur la concurrence Witcher/Dark Souls et Zelda.
Ah, Zelda, comment ne pas penser à lui en jouant à cet Assassin’s Creed : Origin. S’il y a bien un jeu de 2017 qui vient donner un coup de vieux à beaucoup d’Open World c’est bien lui et en sortant après l’épopée de Link, AC en souffre tout autant que les autres mondes libres proposés cette année. Malgré toute la jeunesse du concept, il prend déjà un petit coup de vieux. Nintendo a marqué l’année pour beaucoup et ce n’est pas en reprenant la possibilité de ralentir le temps en brandissant l’arc dans les airs, ou en pouvant jouer avec le feu environnant pour cramer les ennemis, que la concurrence n’est pas meilleure de ce point de vue.
On garde tout de même en tête pas mal d’idée intéressantes. Les aptitudes à débloquer au fil des niveaux atteints par le personnage sont là pour personnaliser votre progression : trois rangs de progrès sont disponibles, basés sur l’attaque à l’arc, aux armes de mêlée et à la défense. Ces trois arbres (présentés sur une même page) incluent aussi des aptitudes originales du genre à vous faire ramasser automatiquement le loot d’un ennemi décédé, à proposer à votre aigle de pister un PNJ sur la carte, à apprivoiser un animal sauvage pour s’en servir afin d’attaquer les ennemis… Il y a beaucoup de choses à découvrir dans Assassin’s Creed Origin. C’est un jeu très généreux. Et puis il y a les loot boxes, les accélérateur de niveau, d’argent, tout ces moyens de déverrouiller pas mal de choses du jeu en payant avec du vrai argent. N’en parlons plus, vous voulez-bien ? Mais en échange, vous ne les utilisez pas. On fait comme ça ?
Pas totalement novateur
La formule ne change absolument pas, elle se remet au gout du jour donc. De cela, on en tire quelques défauts qui vont trainer sur les potentiels autres titres : la même structure, les mêmes façons d’introduire des personnages, les mêmes obligations de figures historiques avec ici Cléopâtre et César entre autres. Mais Origins corrige un gros défaut du troisième épisode et surtout d’Unity : on ne traverse pas la crise égyptienne de côté. On est en plein dedans, on a une totale incidence sur ce qui s’y passe et c’est souvent ce qu’il aura manqué aux jeux AC depuis le second opus. C’est désormais chose corrigée, il faut maintenir tenir le bon bout.
Reste qu’AC est donc assez classique dans sa démarche : il nous place au milieu d’un univers sublime, réalisé à la perfection, avec une tonne d’objectifs simples et rapides à terminer tout autour. On se perd dans ses zones, historiquement c’est fabuleux à découvrir et les musiques de la talentueuse Sarah Schachner nous garantissent un bon voyage. On est en Egypte, notre balade dans le passé est aussi belle que passionnante et cela, rien ne viendra l’enlever à ce titre qu’on condamnait déjà trop vite. La question qui reste en suspens est la suivante : comment va faire AC pour tenir longtemps avec cette formule déjà vue pour ne pas se répéter encore trop vite et retomber dans le piège d’autrefois ? Remarquez, ça, c’est une autre histoire.
AC : Origins est généreux, blindé de quêtes Fedex qui ne sont pourtant pas toutes inutiles, livré avec un scénario sympathique et bien plus adulte que prévu. L’histoire captive, l’Histoire passionne. L’Egypte antique y est reconstruite de bien belle façon et on est vite transporté dans ce monde passé qu’aucun musée ne parviendra à nous faire vivre de façon aussi réaliste. Reste les approximations, les raccourcis, les habituels ruptures entre le Game Design et les faits historiques… Et puis il y a ces « nouvelles idées » qui semblent déjà un peu dépassées, faisant de cet opus plus qu’une révolution, un simple lifting bienvenu mais qui ne suffira pas à relancer la presse pour d’autres épisodes basés sur le même moule. Origins est un nouveau départ pour la série des Assassin’s Creed et cette première étape est d’une force assez tranquille…. Mais agréable.