Portraits de Créateurs : Daniel Linssen

Connu aussi sous le nom de Managore, cet Australien vivant à Sydney est accro à la création de jeux vidéo depuis tout petit. Déjà, du haut de ses 7 ans, il jouait à Sonic 2 sur sa Megadrive et tentait de réaliser des niveaux crayonnés sur du papier quadrillé qu’on serait bien curieux de retrouver aujourd’hui. En grandissant, il touchera à tous genres de Construction Kits et de créateurs divers et variés : Flash évidemment, mais aussi Valve Hammer Editor, RPG Maker et GameMaker : Studio.


Son premier jeu, Give In, date de 2011 et fut créé dans le cadre de la Reddit Game Jam 05 dont le thème était l’Amour. Créé avec un ami, sur une musique de Shirobon, le jeu propose de faire rebondir une petite créature de plateforme en plateforme afin de collecter un maximum de coeurs apparaissant en rythme avec la musique. Le but est tout simple puisqu’il suffit d’attendre la fin de la musique pour voir son score, équivalent au nombre de coeurs attrapés. Adorable, ce petit jeu montre le souci du détail et l’amour du pixel de son créateur. Un an plus tard, Managore se renommera Songbird Studio pour proposer Violet à la Bacon Game Jam 06. Alors même que Daniel avait oublié de confirmer sa présence à cette Game Jam (l’organisateur le laissera tout de même participer), Violet remporte la première place de la compétition.



Violet est intéressant à bien des égards. Déjà parce qu’il est scénarisé. Violet est le personnage féminin qu’il faut rejoindre à chaque tableau. Entre chaque niveau, un petit texte vient raconter son ressenti, son histoire et cela de façon très simple. Assez bancal dans sa narration, cela reste une preuve d’évolution du créateur. Mais là ou cette montée d’expérience est flagrante c’est quand on se rend compte, avec le recul, que Violet aura inspiré ses prochains jeux : on en retrouve le gameplay dans son futur jeu Javel-ein ainsi que, plus visuellement cette fois, les fonds nuageux dans The Sun and Moon.

Daniel Linssen fait partie de ces rares mais marquants développeurs ayant triomphé lors d’un week-end de Ludum Dare, cette Game Jam mondiale où n’importe qui derrière son ordinateur peut créer un jeu en moins de 48 h ou 72 h, en solo ou à plusieurs, puis le proposer sur le site de l’évènement. La particularité de cette Game Jam c’est que les participants et seulement eux auront ensuite un mois pour tester un maximum de jeux, puis voter pour ceux-ci dans plusieurs catégories. Du 13 au 16 décembre 2013, lors de la Ludum Dare 28, le thème imposé de la Game Jam était “You Only Get One” (“Vous n’en avez qu’un” en français). Daniel Linssen y développa Javel-ein en 72 heures.

Javel-Ein vous place dans la peau d’un personnage possédant une lance et une seule. Il faudra nettoyer des zones de plateforme à scrolling horizontal en lançant son arme sur les ennemis qui s’y trouvent, tout en allant rechercher sa lance une fois utilisée. Si vous lancez votre arme et qu’elle se plante à un endroit inaccessible, la partie est impossible à terminer. L’objectif est de détruire tous les ennemis de la zone avec cette seule lance pour pouvoir accéder au niveau suivant. En 72 h, Daniel est parvenu à proposer un jeu au gameplay original et qui colle parfaitement au thème (puisque vous n’avez qu’une lance dont vous devez prendre soin). Mais surtout, une certaine rejouabilité y est décelable grâce à douze petits joyaux disséminés dans les niveaux pour vous forcer à les recommencer. Les participants à cette Ludum Dare ne s’y trompent pas et au bout d’un mois de votes, Javel-Ein se fait surtout remarquer en arrivant second de la catégorie “Fun” et troisième du classement global des créations en 72 h. En tête du podium, on retrouvera Titan Souls, le jeu d’Acid Nerve sorti en une version plus aboutie et commerciale plus d’un an plus tard.



Développé sous Gamemaker : Studio, le jeu gagne en popularité et Daniel Linssen profitera de l’engouement pour peaufiner Javel-Ein une fois les soixante-douze heures terminées. Il y inclut en tout et pour tout une soixantaine de niveaux répartis en quatre chapitres. Des boss seront aussi de la partie en plus d’une ambiance musicale et d’une histoire davantage mise en avant. Tout cela sera distribué gratuitement. À côté de cela, il continue ses participations à des Game Jam souvent loufoques. Il gagnera tout d’abord la Bacon Game Jam 07 avec le jeu de plateformes Busy Busy Beaver. Ensuite il se fera remarquer pour son hommage amusant à VVVVVV de Terry Cavanagh à l’occasion de la Flappy Jam, une Game Jam se moquant gentiment du succès inconcevable du jeu Flappy Bird sur Smartphones. Son hommage se nomme FFFFFF et reprend exactement le gameplay du jeu de Cavanagh tout en proposant de nouveaux niveaux et un personnage inspiré de Flappy Bird.



Le Week-end du 25 avril 2014 voit la 29e édition du Ludum Dare démarrer sous le thème “Beneath the Surface” (“Sous la surface” en français). C’est précisément cette participation qui rendra aussi populaire Daniel Linssen alias Managore, avec sa création nommée The Sun And Moon. Cette fois-ci développé en 48h, ce jeu de plateformes créé sous GameMaker : Studio met en avant deux zones graphiques. les zones texturées représentent le ciel, le vide et possèdent une gravité tout à fait normale. Les blocs aux couleurs unies sont par contre plus intéressantes puisqu’elles peuvent être “pénétrées” par la petite sphère que l’on contrôle au clavier. Le but est de s’aider de ces blocs à l’apparence solide, représentant le sol du jeu tout simplement, mais possédant en leur intérieur une gravité bien plus élevée. On peut ainsi atteindre des hauteurs vertigineuses et terminer les différents niveaux proposés. On joue avec cette gravité en tentant d’affronter les défis les plus complexes proposés. The Sun and Moon est non seulement un vrai défi pour le joueur, mais il est aussi diaboliquement chronophage. Daniel Linssen rafle tout cette année là, avec la première place du podium dans trois catégories dont celle du meilleur jeu réalisé en 48 h. Rapidement, Daniel et son jeu gagnent en popularité dans les semaines qui suivent la fin du Ludum Dare et surtout suite au verdict final. Il publiera un long post-mortem au sujet du jeu et de ces 48 h de création. Selon lui, le jeu aurait du s’appeler “A World Divided, The World Beneath, It Spoke Quietly And No One Heard, A Hollow World, The Sun and Stars Both, The Sun and The Moon.”. Il n’en gardera que la dernière partie.

C’est le 2 juillet 2014, soit plus de deux mois après avoir remporté la Ludum Dare, que Daniel annonce sur le forum TigSource le développement d’une version commerciale de The Sun and Moon. Une première pour le jeune homme qui va continuellement poster sur ce forum ses dernières avancées et idées. Il échangera régulièrement avec les visiteurs de ce forum, d’autres développeurs le plus souvent, pour peaufiner son titre et le rendre agréable à découvrir… Entre temps, il créera deux autre jeux en Game Jam.



Avec Jonathon Tree à la musique, Daniel développera Roguelight pour la GameBoy Jam 3. Les contraintes sont simples : il faut créer un jeu en 160 sur 144 pixels et n’utiliser que quatre couleurs, comme sur la console portable de Nintendo. Plutôt que de se plier à ces exigences sans trop chercher à innover, Daniel va demander au joueur de contrôler une petite fille devant se frayer un chemin dans une caverne sans fin et totalement sombre. Pour s’éclairer elle n’a que ses flèches, en nombre limité. On s’enfonce alors toujours plus loin vers les profondeurs de cette caverne en tentant de lâcher ses flèches aux bons endroits pour éviter les pièges et les ennemis. Rapidement, on ne peut plus progresser et c’est le Game Over. Pas grave : avec l’argent récolté pendant la précédente partie, on peut mettre à jour son équipement et ses points de vie pour aller toujours plus loin. Roguelight est une réussite et là encore, Daniel Linssen se retrouve premier du classement sur les 235 jeux créés pour cette compétition.



Le 22 août 2014, Daniel Linssen alias Managore est forcément attendu au tournant pour la Ludum Dare 30. Il va y créer HopSlide, un jeu complètement étonnant. Daniel propose deux jeux, deux fichiers .exe très différents : Hop.exe et Slide.exe. Alors que la fiche du jeu nous conseille de lancer les deux programmes en même temps, il nous est aussi signalé que les deux ne sont pas connectés entre eux. Bien entendu, cela est totalement faux. Hop est un jeu de plateformes totalement banal pour Daniel, avec des couleurs unies et des pixels bien apparents, qui nous demande de trouver un chemin vers la sortie en passant de salle en salle. Slide est par contre une sorte de taquin représentant cinq blocs de couleurs différents. Ces blocs sont évidemment les salles de Hop et il faudra jouer du taquin pour parvenir à sortir du labyrinthe proposé. C’est intelligent bien qu’assez complexe à saisir au premier abord. Le jeu remportera la première place dans deux catégories : le respect du thème (Connected Worlds) et l’innovation. Il parviendra en troisième place de tous les jeux créés en 48h, sur les 193 réalisés pour cette Game Jam.



The Sun and Moon sortira en version commerciale le 14 novembre 2014. Le jeu reçoit très rapidement des avis positifs (notre test de l’époque est toujours disponible) et ne passe pas inaperçu auprès de la presse spécialisée. C’est le premier jeu commercial de Daniel Linssen. C’est alors que celui que l’on connaît sous le pseudonyme de Managore change subitement de cap. Il développera SandStorm juste après et le rendra disponible sur la plateforme Itch.io le 23 janvier 2015 au prix de 3 $.

SandStorm est étonnamment une grosse prise de risque pour Daniel Linssen. Il se fait du mal et quitte son monde de plateformes pour proposer un jeu d’exploration hors du commun. Vous y jouez un nomade en plein désert qui doit veiller sur son chameau et collecter des lettres (dans le désordre et à l’apparition aléatoire) pour en apprendre davantage sur ce lieu de sable et de chaleur. Quelques drapeaux en poche pour se repérer : voilà votre seule aide en début du jeu. Un cycle jour/nuit vient gêner votre progression, tout comme cette rapide impression de tourner en rond. Le temps semble très long et chaque nouvel objet, chaque brin d’herbe découvert est source de grande curiosité tant ce désert est vide de tout point d’intérêt. On commence alors à se demander si le jeu a une finalité, jusqu’à déceler quelques rares objets comme un cadran solaire ou une boussole.

Et puis au bout de deux longues heures, on trouve le chemin vers la fin du périple. C’est douloureux, long, un peu ennuyant, mais une certaine fierté ressort de ce voyage réussi et une nouvelle partie est vite envisageable, ne serait-ce que pour découvrir tout ce que Managore nous a caché dans ce jeu qui le force à montrer que même sorti de sa zone de confort, il peut faire des merveilles… Notre test de SandStorm est toujours disponible.



Quand à la suite des aventures de Daniel Linssen, elles sont toutes répertoriées sur son site officiel que l’on vous engage évidemment à consulter ! Depuis l’écriture de cet article, Daniel n’a jamais cessé de créer et de participer aux différentes Game Jams. En ressortent des jeux vraiment originaux auxquels s’intéresser n’est clairement pas une perte de temps. Par exemple, en 2015, il créera Windowframe (clairement suite spirituelle de Hopslide dont on vous a parlé plus haut) pour Ludum Dare 35. Le gif ci-dessous devrait suffire à vous convaincre de l’originalité du titre.

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