Développé par le studio africain Funsoft (basé à Casablanca au Maroc), Rangi est un puzzle game en réalité virtuelle. Bienvenue dans un univers tribal coloré aux rythmes et sonorités envoûtants.
Simplicité et relaxation
Rangi, c’est d’abord une atmosphère particulière. On n’a pas si souvent l’occasion de jouer à un jeu qui s’inspire de l’Afrique et de sa culture, aussi bien sur le plan graphique que sur le plan sonore. Sans aller chercher très loin et creuser un véritable univers, Rangi propose tout de même une ambiance originale et plaisante : l’esthétique plutôt épurée mais agréablement colorée se marie à merveille avec une bande-son soignée et réussie, que vous pouvez d’ailleurs écouter gratuitement ici.
Il y a une certaine douceur, un certain calme qui se dégagent de cette atmosphère. Comme ce géant qui nous porte sur sa main au début du jeu, dans un geste presque maternel, Rangi offre un sentiment de protection et de relaxation que viennent confirmer les premiers instants de jeu. Le gameplay est d’une simplicité extrême : on se téléporte sur des zones fixes prédéterminées (pas de déplacement libre, donc), d’où il est possible de viser certains éléments mobiles du décor afin de les déplacer, permettant ainsi de créer un passage pour des lignes colorées que l’on doit mener d’un point à un autre. Les premiers niveaux surprennent par leur extrême facilité : il n’y a en fait guère d’énigme, il suffit d’avancer et de déplacer les objets. Et si les tableaux se complexifient par la suite, c’est plus en termes de nombre d’étapes que de réel besoin de réflexion, même si quelques niveaux apporteront de petits puzzles.
Et après tout, pourquoi pas ? A bien des égards, Rangi se présente comme une promenade. On profite de son charme inhabituel, d’un environnement épuré qui n’oublie pas d’offrir quelques structures imposantes que la VR se charge de rendre impressionnantes. On se laisse porter par sa musique aux rythmes tribaux enivrants et on avance tranquillement, sans jamais souffrir du motion sickness puisque le déplacement se fait par téléportation. On déplace quelques objets et l’on progresse, un peu trop mécaniquement sans doute, mais cette progression fait partie de la ballade. Rangi paraît adapté à qui veut se détendre, ou aux enfants.
Un peu brouillon tout de même
Et pourtant, la promenade subit quelques heurts. Comme si, finalement, le game design du jeu n’était pas tout à fait sûr, pas tout à fait arrêté. Ainsi certains niveaux (heureusement rares) dénotent franchement : alors que l’ensemble des tableaux se construit bien sur le principe des puzzles de lignes colorées, ceux-là se présentent comme des courses effrénées contre un danger létal : des murs ornés de pics qui se referment sur le joueur ou de la lave le poursuivant, par exemple. Voilà que la ballade se mue en fuite l’espace d’un niveau, sans qu’on comprenne pourquoi. Le gameplay en téléportation apparaît alors bien médiocre pour gérer ces phases : à chaque téléportation quelques dixièmes de secondes sont nécessaires pour se repérer, et il faut ensuite trouver le prochain point de téléportation, le viser et répéter la manœuvre avant que le danger n’atteigne le joueur. Guère pratique, guère passionnant. Et lorsque le danger rattrape le joueur… il faut recommencer tout le niveau depuis le début. De puzzle relaxant, Rangi se change en die & retry mal fichu, et c’est assez incompréhensible. Tout comme l’irruption de menaces dans les niveaux de puzzle, d’ailleurs : en effet vers la fin ces niveaux incluent également des éléments capables de tuer le joueur… ce qui le force là encore à recommencer le niveau depuis le début.
Ces choix de design posent question. On comprend que certains ajouts sont là pour obliger à maîtriser certains déplacements, pour forcer la précision du joueur. En rendant les éléments manipulés destructibles, le jeu oblige par exemple à se montrer plus habile, et c’est une orientation qui ne vient pas briser l’atmosphère et le ressenti que le jeu déployaient jusque-là. En revanche, qu’apporte ce choix de danger létal, et l’absence de checkpoint dans les niveaux ? Si ces derniers ne sont pas longs à proprement parler, ils ne se bouclent pas en moins d’une minute, et ne présentent pas un intérêt démentiel. Recommencer plusieurs fois un tableau parce qu’on n’a pas été assez précautionneux devient alors rapidement pénible… alors même que la majorité du jeu s’est montrée agréable justement en mettant en avant une atmosphère de tranquillité. Il y a dans ce choix une dissonance étonnante et perturbante, qui donne le sentiment que Funsoft a procédé à des tests exploratoires lors du développement du jeu, mais qu’il n’a pas fait le tri jusqu’au bout, conservant des pans qu’il aurait mieux valu écarter pour permettre à son produit de se montrer plus cohérent et convainquant.
Rangi laisse une impression mitigée. Ses inspirations africaines sont rafraîchissantes, sa direction artistique (tant l’épure graphique et colorée que la bande-son) plaisante ; son atmosphère globale charme en se montrant relaxante. A défaut d’être un grand jeu, le titre de Funsoft peut se présenter comme une sympathique ballade. Mais le jeu manque de cohérence, change d’ambiance sans qu’on en comprenne la raison, rompt le charme sans raison. On ne sait finalement pas trop où il veut aller, comme s’il n’avait pas su choisir, et on en ressort avec l’impression que Rangi n’est pas vraiment abouti.