Explorer d’ésotériques mystères, investiguer ses rêves et étudier des ouvrages occultes, voilà le genre de chose que propose Cultist Simulator, développé par le jeune studio Weather Factory (vous pouvez en retrouver l’interview via ce lien). Et, comme le suggère le titre, il sera évidemment également question de recruter des fidèles pour fonder son culte et le voir grandir…
Jeu de plateau vidéo
Les jeux de plateau ont la cote depuis quelques années. Les projets kickstarter se multiplient, autant que les succès commerciaux. Bon nombre de jeux vidéo se voient adaptés, ou adaptent des jeux de société ayant trouvé leur public. Cultist Simulator, lui, se veut être un jeu de plateau vidéo. Entendez par là qu’il est conçu comme un jeu de plateau auquel on ne jouerait que sous forme vidéoludique. C’est bien entendu ce qui frappe en premier lieu lorsqu’on lance le jeu : on se retrouve devant une table sur laquelle est posée une carte, près d’une sorte de pavé. Curieuse première impression, entre la familiarité de la carte à jouer et l’étrangeté du dispositif. La carte représente un emploi, et le bloc, une fois ouvert, s’intitule « Travailler » ; il semble destiné à accueillir une carte. Pas de tutorial, pas d’indications sur ce qu’il faut faire. Essayons d’affecter la carte au bloc : une petite histoire s’affiche à gauche du pavé, qu’il est possible de valider. Un timer apparaît, et quelques secondes plus tard voilà le fruit de notre travail : une carte Argent, une carte Vie, et un nouveau bloc fait son apparition. Celui-ci s’intituler « Rêver ».
Tout cela est bien mystérieux, mais l’essentiel du gameplay est déjà acquis : Cultist Simulator se base sur des associations de cartes avec des blocs, ce qui permet de débloquer petit à petit de nouvelles possibilités (nouvelles cartes, nouveaux blocs…). Le principe est simple, épuré mais néanmoins nébuleux les premiers instants. Comme pour mieux perdre le joueur, les zones de jeu ne sont pas fixes, et il est possible de déplacer n’importe quel élément, de trier cartes et blocs comme on le souhaite. Encore cette étrange impression de familiarité de l’objet qu’on déplace contrebalancée par l’aspect inhabituel de cette liberté laissée au joueur dans un jeu vidéo…
Exploration, puzzle et stratégie
Cultist Simulator joue les funambules, en offrant des points de repères au joueur sans laisser ce dernier s’en saisir tout à fait. Les premiers instants paraissent surréalistes : en progressant à tâtons, sans nécessairement comprendre les règles du jeu, on acquiert différents types de cartes (Passion, Raison, Contentement…), différents blocs (« Etude », « Parler »…). De nouvelles combinaisons apparaissent, et avec elles une complexité qui paraît quelque peu hors d’atteinte. On cherche à se raccrocher à la partie narrative du jeu : chaque bloc, lorsqu’on y insère une carte, raconte une petite histoire. Mais les rêves sont étranges, et l’étude de ce mystérieux paquet qu’il faut réaliser grâce à une carte Raison ou Passion, ne fait que nous indiquer que tout est bien plus compliqué qu’il n’y paraît.
Il faut reconnaître qu’on peste un peu au départ contre l’absence d’un tutorial clair permettant de prendre les choses en main. Comment obtenir telle carte, quelle combinaison entrer pour avancer ? Et pourtant, cette construction qui oblige à une approche approximative, à une progression à tâtons, se mue rapidement en véritable atout. C’est que c’est justement là l’un des thèmes du jeu : l’exploration. L’exploration de l’occulte, des rêves et des idées, objectifs concrets de Cultist Simulator, est à mettre en parallèle avec l’exploration des possibilités du jeu, de ses mécaniques. Cela permet de plus une agréable montée en compétence au fil des parties : au fur et à mesure l’on apprend comment réaliser telle ou telle combinaison, comment obtenir telle carte, comment appréhender telle situation. Une bibliothèque permet d’obtenir des livres à étudier, à traduire, dont il faudra extraire de nombreux secrets… A l’exploration s’ajoute alors une dimension puzzle et stratégie. Car ce n’est pas tout d’étudier les ouvrages occultes ; il faut également prendre garde aux nombreux dangers qui guettent : la maladie, la folie, mais aussi les enquêtes policières. Car peu à peu, on rencontre des personnages que l’on peut embrigader dans un culte (le titre du jeu vous avait mis sur la voie), mais cela attire forcément l’attention. Alors il faut jongler, gérer le timing, déclencher les bonnes combinaisons au bon moment, utiliser ses cultistes pour faire le sale boulot, préparer habilement ses cartes pour avoir celles qu’il faut au bon moment (certaines ont en effet une durée de vie limitée). Les recrues se succèdent alors, permettent d’explorer de nouveaux lieux, d’effectuer de nouveaux rituels. Les grands mystères, inspirés de l’univers Lovecraftien, sont à portée de main.
Simplicité et complexité
Si le premier contact avec Cultist Simulator est quelque peu abrupt, on ne peut s’empêcher de s’émerveiller une fois rentré dans le jeu. D’un système simple, presque simpliste, basé uniquement sur des cartes à assembler, le titre de Weather Factory parvient à se montrer intéressant et original à la fois dans le fond et la forme, à plusieurs niveaux. Dans ses mécaniques elles-mêmes, vaste champ à explorer qui procure un réel sentiment de progression tant stratégique que narratif. Car il y a une véritable narration dans Cultist Simulator, qui évolue selon ce que l’on fait. La rencontre avec un cultiste, la découverte d’un passage dans les bois, la traduction d’un ouvrage ancien, l’élimination discrète d’un enquêteur menaçant… Tout cela avec de simples cartes. Parties après parties, on affine sa stratégie, on envisage d’autres options, on découvre de nouvelles possibilités. Le plateau se densifie, les connaissances s’approfondissent. Impressionnant.
Cultist Simulator est sans doute un jeu de niche, qui ne se donne pas facilement. Mais pour ceux qui feront l’effort de s’y investir un peu, la récompense sera indéniablement au rendez-vous : le jeu est étonnamment profond et surprend par sa complexité, alors qu’il se base sur des mécaniques pourtant très simples. Original dans sa narration, dans sa présentation, il vous happe sans crier gare ; et l’on se retrouve, une fois le PC éteint, à imaginer comment l’on abordera la prochaine partie.
Bon bon bon, je comptais attendre d’avoir release mon jeu pour l’essayer mais la review me donne envie de faire une petite partie de suite !