Production made in France, tiny & Tall : Gleipnir tente une plongée la tête en avant dans la mythologie nordique avec humour. Loki le facétieux voyez-vous, a un loup à l’appétit tellement féroce qu’il dévore même les dieux. Fenrir de son petit nom devra donc être maintenu par une laisse incassable, l’animal étant d’une force prodigieuse. Pour cela, Odin & cie décide de faire appel à deux forgerons qui ont plus l’air d’un duo de comiques que de véritables professionnels sur lesquels on peut compter.
A Thor et à travers
Pins, l’artiste derrière tiny & Tall, réalise aussi en aparté assez régulièrement des strip comics, mettant notamment en scène les deux protagonistes principaux de son jeu dans des situations jouant beaucoup sur l’absurde ; et ils sont souvent très drôles. On retrouve sa touche humoristique dans le premier épisode de son point & click aux accents nordiques avec des blagues un peu partout et à toute occasion. tiny & Tall étant un point & click se réclamant de l’influence Lucas Arts, c’est donc une bonne chose qu’il veuille être drôle. On commence à connaître la chanson du jeu d’aventure, et, de ce côté-là il tient plutôt bien la route dans son genre.
Sans être très difficile, il faudra tout de même faire fonctionner ces méninges pour réussir certains de ses puzzles les plus copieux en complexité. Mais dans son ensemble, son approche reste aussi logique que le contexte de son environnement le lui permette. Pour se faire, tiny que l’on dirige la majorité du temps, n’aura qu’à se rendre auprès de son ami pour lui demander soit un indice, si l’on désire seulement un coup de pouce, ou au contraire qu’il nous révèle la solution au problème en cours. C’est bête comme chou, mais au moins personne ne devrait se retrouver perdu de cette manière.
J’ai trouvé la plupart des énigmes amusantes, bien que certaines ont à mon sens manqué de clarté à cause du graphisme approximatif d’un objet ne permettant pas de le détacher suffisamment du reste du décor par exemple. Il s’agit tout de même d’une petite production et en tant que telle, c’est normal qu’elle soit très brute par endroit dans sa technique. J’ai du aussi faire face à quelque bugs, rien de bien méchant vu que son développeur assure bosser dessus pour la sortie finale.
Pas mal de décors restent tout de même très agréables à l’œil même si certains ont un côté moins bien finis, surtout dans le détail. Ce sont par ailleurs visiblement les intérieurs qui ont vraisemblablement le plus inspiré leur créateur qui les a du coup choyé. Les personnages sont quant à eux en ligne claire dans une colorisation en couleurs pleines qui les détache forcément par rapport aux décors, à la manière des vieux dessins animés. L’atmosphère est par contre en tout point réussie par le jeu des couleurs et des lumières toujours bien pensé, tandis que la bande-sonore surprend par ses audacieuses mélodies assurant une bonne ambiance à l’ensemble.
Fenrir bien qui rira le dernier
Tiny c’est le petit. Tall c’est le grand. Si vous pratiquez l’anglais, vous l’aurez déjà très certainement compris. Ils sont forgerons ou plutôt Tall est maître forgeron tandis que tiny serait son assistant, incompétent qui plus est d’après les dires de son ami, ou patron, leur relation étant difficile à définir. On retrouve dans leur duo une dynamique semblable à des couples célèbres du cinéma ou de la télévision tel que Laurel et Hardy ou encore R2-D2 et C-3PO. Le petit joue le rôle du naïf qui n’a peur de rien même du ridicule – un imbécile heureux, diront certains – tandis que le grand gringalet tient celui du grincheux moralisateur qui a peur de sortir de la rassurante monotonie d’un quotidien bien rangé.
En théorie, c’est le genre de combinaison qui dans le contexte d’une quête aventureuse, devrait apporter son lot de situations rocambolesques si l’alchimie entre nos deux forgerons fonctionne. Sauf que justement l’intrigue a eu parfois tendance à oublier cette dynamique par facilité ou difficulté à gérer efficacement deux personnages en même temps. Il est vrai qu’en temps normal, réaliser un point & click avec un seul personnage n’est déjà pas une mince affaire. Alors deux, bonjour les dégâts si l’équilibre ne parvient à être trouvé. Dans le cas présent, c’est Tall qui se résume par trop souvent à se retrouver dans les gradins sans participer activement au spectacle. Le jeu a parfois besoin de lui pour certaines scènes -surtout à cause de sa grande taille – et nous permet même de le contrôler par moment, mais ne l’empêche pour autant de faire la plante verte en restant dans son coin régulièrement, alors que tiny reste celui que l’on dirige la majeure partie de ce premier épisode.
Il arrive même à la toute fin que Tall décide arbitrairement d’abandonner tiny, le laissant seul à son sort pour résoudre les dernières énigmes du jeu, nous privant ainsi de leur duo comique. L’aventure devient alors solitaire l’espace d’un instant dans cette dernière partie alors que la conclusion est proche. Du coup, j’ai eu l’impression que Tall avait perdu un peu de son utilité, en étant relégué à un rôle plus secondaire. Leur dynamique de couple fonctionne donc à moitié. Ces séparations régulières de nos comparses font que leurs échanges ne sont plus, et le jeu perd alors un peu de sa chaleur et de son humour sans Tall pour se plaindre des actions de son assistant, et vice-versa.
Par ailleurs, le propre d’un jeu d’aventure est aussi de proposer des personnages secondaires qui savent s’imposer comme des figures incontournables. On se rappelle tous de ces rencontres parfois fugaces auxquels de bons dialogues arrivent à donner vie et personnalité. C’est aussi un aspect qui a parfois manqué à tiny & Tall. Excepté à quelques occasions comme le faux troll du pont ou le viking géant collectionneur d’artefacts magiques, les personnages secondaires ont parfois le défaut d’être trop neutres dans leur façon de parler et manquent de lignes de dialogues pour qu’ils servent une autre fonction que celle de remplissage de l’histoire sans finalement apporter grand-chose à l’univers par l’absence d’une réelle personnalité.
Malgré ces défauts de jeunesse, tiny & Tall reste étonnamment sympathique et attachant. Sachant que ce n’est que le premier épisode sur trois, le suivants devant sortir on ne sait encore trop quand, il y a donc encore de la marge pour laisser à nos deux aventuriers forgerons le temps de laisser leur relation mûrir. La suite des événements serait également l’occasion de ramener Tall au même niveau que tiny en terme d’utilité, plutôt que de le cantonner à un côté presque bouche-trou. Car c’est dans les moments où ils sont ensembles que ce jeu fonctionne le mieux. Ce premier épisode peine donc un peu à cause d’un équilibre qu’il n’aura su entièrement trouvé entre énigmes, dialogues et donner un rôle bien défini à ses deux héros.
tiny & Tall est une aventure singulière qui tourne dans tous les sens les mythes nordiques sous le signe de l’humour. C’est un point & click qui sait être amusant avec des énigmes stimulantes au même titre que sa réalisation solide, bien qu’ayant ses imperfections. Les dialogues ne sont pas doublés si cela vous pose problème. Reposant sur deux personnages principaux, il s’est avéré qu’un seul d’entre eux était réellement important dans le gameplay tandis que le second a plus tenu le rôle d’intervenant occasionnel. Cela s’est traduit par une dynamique mal équilibrée entre nos deux héros qui se rattrape de justesse par un capital sympathie réel. Mais pour la suite, il serait intéressant de corriger cette relation en la rendant plus égalitaire afin de n’en garder que le meilleur.