Je suis incapable de savoir si la nostalgie est quelque chose de bon ou de mauvais dans le jeu vidéo. Ce qui est sûr, c’est que c’est une créatrice de hype incroyable. Alors quand on nous promet un jeu aussi riche, voire plus, qu’un Baldur’s Gate, toutes personnes ayant grandi avec cette franchise ne peuvent que vouloir mettre leurs mains sur Pathfinder : Kingmaker.On s’enlève la poudre de la hype des yeux et on analyse ce que vaut le jeu.
Ma vie pour un royaume
Après la petite heure nécessaire pour créer son personnage, l’aventure débute dans la demeure des Aldori, seigneur des épées, maison qui a du poids dans la région du Restov. Vous, ainsi que plusieurs aventuriers avez été convoqués dans un but bien précis. Détrôner le seigneur Serf des Terres Brulées (une région voisine), grand bandit qui s’est auto-proclamé baron des lieux. La région étant historiquement sous le contrôle de personne car inhospitalière, mais aussi car cette dernière a bien trop de frontières pour qu’une quelconque baronnie ayant du pouvoir ose se l’approprier. Afin de motiver les aventuriers ayant répondu à l’appel, la récompense pour cette chasse à l’homme ne sera rien d’autre que la baronnie en elle-même, avec la promesse de liberté et de gestion de cette dernière (même si les Aldori espèrent fortement que vous les choisissiez comme alliés). A partir de ce moment, vous commencerez à recruter des compagnons de route parmi les aventuriers au fur et à mesure, puis vous partirez en direction des Terres Brûlées. Si l’objectif de début du jeu que l’on vous donne paraît alléchant et suffisant pour constituer une belle fin de jeu, il n’en sera rien.
Le premier chapitre se termine en 12 / 15h de jeu. Cette première partie a un peu un goût de chocolat chaud, dans lequel le joueur se trouve réconforté de retrouver un Baldur’s Gate, mais aussi un chocolat chaud que l’on prend tous les jours, n’apportant finalement qu’un léger réconfort car cela reste habituel, connu et n’apporte aucune surprise. Puis vient enfin le gros apport de Pathfinder (comparé à Baldur’s Gate) : la gestion de votre royaume. Etant sur des terres complètement dévastées et pas très accueillantes, vous devrez reconstruire votre ville dans un premier temps, puis plein d’autres villages, les faire évoluer et aussi protéger et satisfaire votre population. Pour cela, plusieurs baromètres sont présents (loyauté, communauté, religion, économie, militaire, etc.). Pour cela, comme dans un gouvernement de Macron Hollande, vous devrez nommer des ministres pour qu’ils mènent à bien les requêtes. Ces dernières prennent du temps et des ressources et pourront évidemment être réussies ou échouées en fonction du ministre que vous choisirez pour exécuter la tâche (envoyer votre ministre de la défense pour un problème magique n’est pas forcément une bonne idée). Toute cette partie gestion est aussi importante que la partie RPG. Faites tomber l’un de vos ministères à zéro et c’est le game over. Evidemment, ne vous attendez pas à un Sim City ultra sophistiqué, mais plutôt à quelque chose de basique, ne demandant beaucoup temps, afin de ne pas forcer le joueur étant en pleine aventure à retourner à son château pour s’occuper des affaires des Terres Brûlées, ni une grande difficulté à gérer pour ne pas tomber dans un game over à cause de votre royaume alors que nous sommes quand même dans un jeu de rôle. D’ailleurs, parmi les 48 000 options de réglages qu’offre le jeu, il est possible de laisser la gestion du royaume à l’intelligence artificielle.
Inter-titre en cours de chargement
Afin de bien comprendre comment fonctionne le jeu, il faut avoir une chose en tête : Pathfinder est un jeu de rôle papier dérivé de Dungeons & Dragons (édition 3.5 pour les connaisseurs). Le jeu de rôle papier se joue avec des dés. Il faut savoir que Pathfinder : Kingmaker est une adaptation la plus fidèle possible du jeu de rôle papier, donc même si les combats sont contrôlés de manière simple (on clique sur le monstre qu’on veut taper, en sélectionnant une compétence ou non), tout est géré par le jeu en lancers de dés. Afin de savoir si l’on peut toucher son adversaire ou non, il faut prendre en considération tout un tas de paramètres, allant de la classe d’armure de l’ennemi, sa capacité à esquiver, jusqu’aux résistances aux différents types d’armes et de magies. Le jeu vidéo est tout aussi généreux que le jeu de rôle papier : huit races, quatorze classes principales, qui se divisent jusqu’à quatre sous-classes par classe, une dizaine d’écoles de magie, pour une centaine de sorts différents, bien trop de types d’armes, de boucliers et d’armures. Côté feuille de personnage, en plus de la grosse demi-douzaine de caractéristiques (force, dextérité, sagesse, etc.), il faut rajouter une douzaine de compétences passive, touchant aux capacités physiques de votre personnage (mobilité, athlétisme, perception, furtivité, crochetage, etc.) et ses connaissances du monde (mystère, naturel, religieuse, etc.). Tout ceci déterminera votre interaction avec le monde, dans les combats, les dialogues mais aussi lors de l’exploration des cartes, pour trouver aussi bien des pièges que des raccourcis.
On est face à jeu généreux voire un peu trop. Le fin connaisseur de jeu de rôle papier sera aux anges, pouvant analyser jet de dés par jet de dés ce qui se passe et ainsi optimiser sa formation de combattants. Celui qui a grandi avec Baldur’s Gate and Co arrivera à s’en sortir mais ne maîtrisera pas complètement le jeu. Enfin, le reste des joueurs n’étant dans aucune de ces deux catégories aura beaucoup de mal à entrer dans le jeu, noyé sous une tonne d’informations rendant la lecture de l’action beaucoup trop complexe et indigeste. Ajouté à tout cela, et pour le coup cela s’applique à tous les profils de joueurs précédemment cités, le jeu est d’une lenteur qui pourra en décourager plus d’un. La première lenteur est effectivement due à la vitesse de déplacement des personnages, où l’on vous conseille vivement de désactiver l’impact qu’a le poids des objets que vous portez sur votre vitesse de déplacement. Si cette dernière est acceptable, la lenteur vient d’ailleurs. Déjà, la taille des zones : elles sont ridiculement petites, équivalente à ce que l’on avait dans les jeux Black Isle, il y a de cela 20 ans. Mais le gros souci du jeu vient principalement de ses temps de chargement. On aurait pu accepter de se prendre quatre minutes de chargement lorsqu’on lance le jeu si derrière ces derniers auraient été ridiculement courts et peu nombreux. Hélas ce n’est pas le cas. Cela devient encore plus frustrant dans la gestion de votre royaume, où pour passer de la gestion globale du royaume à celle d’une ville, on se mange deux fois trente secondes de chargement pour effectuer des actions qui vous prendront moins de dix secondes, à multiplier par autant de village que vous aurez à faire évoluer.
Au moment d’écrire ses lignes, j’en suis à 40h de jeu, dont facilement 4 dédiées aux écrans de chargement. Si cela ne suffit pas, le jeu est bien trop bugué. Nous sommes à quasiment un mois et demi après la sortie et le jeu plante encore fréquemment, même si de gros effort ont été faits, le rendant aujourd’hui assez jouable. Pour vous donner un petit exemple d’où en est le jeu côté bugs : si je passe mon curseur de souris au-dessus d’une compétence spécifique d’un de mes personnages sans cliquer dessus, que cela soit dans la barre de skills ou dans la fiche du personnage, le jeu freeze pendant une dizaine de secondes. Si je répète l’opération plusieurs fois, le jeu plante. Pour être sûr de pouvoir continuer l’aventure, il faut que je me prive du personnage, sachant que ce dernier est l’un des éléments clés de mon groupe. Un autre détail embêtant concerne la manière dont est narré le jeu. Si l’écriture est plutôt bonne, la vie qui en ressort dans le jeu est inexistante. Une fois que vous aurez discuté avec vos compagnons, ou autre personnages importants de votre ville (ils sont très peu), ces derniers n’évolueront pas, en dehors de leur quête personnelle. Hélas cette dernière ne déclenchera pas de nouvelles phases de dialogues au fur de l’aventure. Mais ce sentiment vient surtout des quêtes secondaires : lorsque vous vous baladez en ville, vous ne trouverez personne à qui parler. La grande majorité des quêtes secondaires viendront de votre gestion de la baronnie où de temps en temps des requêtes du peuple vous seront faites. Si les jeux de rôles sont des jeux systèmes cachés derrière une narration profonde, ici le cache-cache ne fonctionne pas. Vous avez un jeu système solide (bien que parfois pas très bien équilibré), à la narration bien trop maladroite.
Pathfinder : Kingmaker est un jeu généreux, solide et passionnant à qui arrive à s’investir et à ne pas se perdre dans la surdose d’informations proposées au joueur. Très bonne adaptation du jeu de rôle papier, il faut connaitre les tenants et aboutissant du jet de dés pour ne pas rager devant la quantité impressionnante de coups ratés par votre équipe. Cependant, en l’état, il reste dur de le recommander tellement le jeu est encore instable (un énorme patch corrigeant un grand nombre ne problème devrait arriver sous peu), renforcé par des temps de chargement qui n’en finissent jamais. Il en reste quand même un jeu qui ravira les fans des jeux Black Isle, avec en prime un peu de gestion pour varier les boucles de gameplay et prendre de l’attachement au monde que l’on parcourt.