The Occupation

Après s’être attaqué à la démence dans le très particulier Ether One, White Paper Games nous revient avec une autre aventure narrative parlant cette fois de politiques très actuelles situées dans l’Angleterre au beau milieu des années 80. La pop rock anglaise s’y mélange dans une atmosphère tendue au parfum amer d’une Big Brotherification d’un pays effrayé par une immigration amalgamée avec un terrorisme naissant suite à une explosion criminelle dont le principal suspect sera un immigrant. The Occupation n’a pris aucun détour pour nous offrir une expérience unique où le temps est réel. Nous disposons en effet de quatre petites heures pour parvenir à boucler notre enquête que l’on ait réussi à réunir toutes les preuves ou non.



Fight the Power!

L’immigrant en question qui se prénomme Alex Dubois s’est retrouvé accusé d’avoir fait exploser une bombe à la Bowman-Carson, la compagnie dont il fut l’employé. Cette dernière travaillait alors main dans la main avec le gouvernement pour faire de l’Union Act une réalité. Si cette loi venait à passer, cela voudrait dire que le gouvernement anglais serait alors à même d’imposer des restrictions très dures sur l’immigration et autre ce qui rapprocherait d’un peu plus près ce pays du pire cauchemar d’un Georges Orwell. Votre rôle dans cette histoire est celui d’un journaliste lanceur d’alerte du nom d’Harvey Miller. Après une courte mais nécessaire introduction au travers d’un autre personnage, le jeu débutera vraiment à son arrivée au sein des quartiers généraux de la Bowman-Carson avec l’espoir de mettre la main sur de précieux indices pour son enquête sur ce fameux acte terroriste.

Sous couvert d’interviewer une des employées de la Bowman-Carson, Harvey aura la lourde tâche de trouver des preuves en fouinant autant que faire se peut au sein de cette compagnie particulièrement hermétique. Bien évidemment, nombreux seront les endroits interdits au public avec gardes en patrouille pour s’assurer qu’ils le restent. The Occupation est dans un mélange des genres entre l’infiltration, le puzzle et le jeu narratif. Le tout fonctionnerait au final assez bien pour la majeure partie si ce n’était pas pour quelques imperfections sur lesquelles il sera difficile de faire l’impasse.

Sans ses imperfections, il aurait sans doute pu être une des meilleures immersive sims de cette année. Quelque par là-dedans se trouve une volonté de réalisme pour mieux rendre son petit monde crédible. Chaque action s’accompagne alors d’un mouvement complet tel que nous le ferions dans la vie réelle. Par exemple, pour imprimer un e-mail important pour notre affaire, il va falloir trouver le mot de passe de l’ordinateur d’une personne spécifique. Ensuite il va falloir allumer le dit ordinateur, entrer le mot de passe, aller dans les mails, insérer une disquette dans le lecteur et copier le mail incriminant sur la disquette, ressortir la disquette, se rendre à un autre ordinateur ayant une imprimante, mettre la disquette dans son lecteur et enfin sélectionner le fichier à imprimer.

Vu de l’extérieur, The Occupation apparaîtrait comme le candidat idéal pour la réalité virtuelle où son style de gameplay passerait comme une lettre à la poste. Alors que dans la plupart des jeux la simple pression d’un bouton suffirait presque, le fait de devoir faire autant d’actions contextuelles différentes pour des raisons de réalisme sans doute, risque de repousser ceux qui viendraient à penser qu’en faire autant est superflu. Pourtait ai-je envie de dire que cela lui apporte une profondeur supplémentaire en ce que l’accumulation de ces actions contextuelles apporte un sentiment de tension nécessaire. Celui d’une insécurité permanente où le moindre retard pris à cause de notre incapacité à nous concentrer sur cette série d’actions à enchaîner sans faut sous peine de se faire prendre la main dans le sac.

Comme il s’agit d’un jeu en temps réel étalé sur quatre heures au total, certains objectifs étant calés sur une heure de temps ou moins, il ne sera pas rare de paniquer à l’idée que nous ne sommes pas assez rapide dans notre exécution alors que l’heure tourne de plus en plus vite. The Occupation semble prendre plaisir à se jouer de nous et de notre perception du temps tandis qu’on se dit que farfouiller chaque recoin pour trouver des preuves accablantes sera chose aisée dans l’heure précédant notre interview. Alors que bien vite, me voilà inquiété quand je me rend compte qu’il ne me reste plus que dix petites minutes au compteur. Il faut dire que ses niveaux nous invitent à l’exploration et ce de façon assez libre à tel point qu’on prend plaisir à fouiner dans la vie des autres et à découvrir quelques secrets.

Il est ainsi possible de rater un appel important de la secrétaire de Miller. Celle-ci vous pagera toujours avant, mais si son appel venait à arriver alors que comme moi vous êtes coincé dans un dédale de conduits de ventilation dans une énième tentative d’infiltration d’un bureau, le temps de revenir en arrière vous fera rater cet appel et la nouvelle piste qu’elle vous aurait offerte. L’échec fait parti du jeu même si celui reste relatif. Il s’agit plutôt que la résultat final des différents fils narratifs dépendra de vos résultats. La tension est réelle et participe à cette émotion si particulière que The Occupation est capable de nous offrir une fois que l’on rentre dans son atmosphère unique.

C’est un jeu où il faut être concentré tout le temps à tel point que ces quatre heures peuvent en paraître bien plus. Surtout qu’il ne s’agit pas d’un jeu fermé. Certains problèmes pourront être résolus de plusieurs manières. Si vous avez besoin de vous rendre dans le bureau d’une certaine personne, il sera alors possible d’épier cette dernière pour voir quel code elle tapera pour entre dans son bureau. Ou alors peut-être auriez-vous trouvé sa carte d’accès et son code ailleurs. Passer par les conduits de ventilation serait également une bonne solution et j’en passe. C’est un jeu d’expérimentation où il faut savoir être débrouillard. De par son ouverture, il est clair que pour tout trouver, tout lire et tout faire, refaire le jeu plusieurs fois sera obligatoire.



Big Bug is Watching You!

Alors que le jeu est clairement tourné vers l’exploration et l’expérimentation, et en mettant de côté ses contraintes de temps, son système de sauvegarde n’aidera personne en étant peut-être trop restrictif. A l’heure actuelle, les sauvegardes sont effectuées automatiquement à certains moments précis de la progression mais très séparées les unes des autres impliquant parfois d’avoir à recommencer un chapitre en entier au cas où l’on aurait été obligé de quitter notre partie avant d’avoir atteint le prochain checkpoint (un crash du jeu en ce qui me concerne). S’il s’agit très clairement dans ce cas d’un choix de game design que je ne condamnerai pas en soi, la vie de tous les jours – et les bugs qui font crasher un jeu – aurait sans doute mérité une alternative plus souple ; même si une partie de bout en bout ne vous prendra rarement guère plus de quatre heures et des poussières.

Pour qui aura envie de retourner explorer la Bowman-Carson après coup, il ne faudra pas compter sur la présence d’une sélection de niveaux absente à ce jour, si jamais elle venait à exister. Un point négatif car il faudra relancer une nouvelle partie pour le faire, ce qui impliquera forcément de se refaire le premier niveau d’introduction qui est justement, seulement introductif et loin d’être aussi passionnant que le reste. Refaire le jeu est fortement recommandé, étant donné que c’est le seul moyen pour découvrir tous les secrets qui aurait pu échapper à toute vigilance la première fois. Ce n’est qu’ainsi que l’on obtiendra le fin mot de chaque histoire. Parce qu’en l’état, la trame principale peine un peu parfois et ne semble pas complète sans ces morceaux de vie volés à leurs propriétaires nous dressant un portrait plus juste de cette société en pleine mutation.

La conclusion finale nous étant en effet un peu balancé à la figure de façon brutale, l’aspect narratif étant souvent relégué à des cinématiques, il ne sera pas trop injuste de penser que parfois, le scénario aura été expédié, si ce n’est plutôt étouffé par le gameplay. Après tout, The Occupation a été conçu comme une expérience courte et concise, alors forcément, cela laisse peu de place pour s’étendre dans de trop longs dialogues, même si dialogues il y a. On obtient véritablement une image d’ensemble de la trame une fois qu’on en aura exploré tous les recoins. La construction du narratif passe par l’accumulation de bouts de dialogues, de textes, de lettres et de mails révélateurs du climat dans lequel ces années 80 très anglaises se passent.

Malheureusement, toutes qualités de ce titre sont mises à mal par une finition technique loin d’être stellaire. La direction artistique n’est pas à remettre en cause. The Occupation est un beau jeu grâce à son style et son flair pour retranscrire une ambiance adaptée à son contexte paranoïaque. Même ses animations sont assez réussies pour faire le taff, accompagnées en cela par de la bonne pop-rock anglaise d’époque. Le doublage des voix anglais est même bon, pour ses personnages principaux en tout cas. Non, le problème tient plutôt dans les nombreux bugs dont il souffre. Depuis sa sortie, ça va un peu mieux, mais il m’est arrivé que le jeu crash me faisant perdre ma progression, appuyant la stupidité de son système de sauvegarde dans ce cas précis.

Je n’ai malgré tout rien eu qui puisse être considéré comme un bug le rendant injouable. Seuls quelques désagréments gérables l’ont parsemé, même si j’avouerai avoir pesté contre sa maniabilité capricieuse quand il s’agit de grimper sur le moindre élément, s’accompagnant de bugs de collision particulièrement énervants.


The Occupation est unique en son genre ou presque. Il ressemble il est vrai à jeu à puzzles plus qu’une expérience strictement narrative où la déduction serait reine. Néanmoins, son approche de l’infiltration le rende très immersif au bout du compte. Ses thématiques qui trouvent une résonance avec les politiques protectionnistes de notre époque en interpelleront certains même s’il ne faudra pas s’attendre à une plongée en profondeur dans le discours politique. The Occupation est un jeu d’ambiance portant sur la réflexion et l’expérimentation dans des niveaux ouverts à notre curiosité. On se plaindra seulement de ses bugs énervants qui nous feront penser que peut-être, il aura été sorti trop tôt pour son bien, ainsi que son système de sauvegardes récalcitrant qui poussera certains à ne pas vouloir explorer plus que de raisons cette intéressante interprétation d’une Angleterre autocratique de 1984. Parfois, on a l’impression que ses ambitions étaient trop grande pour lui.

Laisser un commentaire