Les premières heures d’Outward sont une véritable invitation à l’aventure. Alors certes, il ne fera pas se retourner les têtes avec sa technique d’un autre âge, ses personnages taillés à la serpe et ses animations rigides comme un redressement fiscal. Mais une fois que l’on met de côté nos aprioris le concernant, il est fort possible de se laisser envoûter par cette promesse de l’inconnu et au-delà qu’il semble nous promettre, aidé en cela par une bande-son aux rythmiques enjouées, parfois inquiétantes, souvent enthousiasmantes, signées par Jean-François Racine.
Un début prometteur…
C’est naufragé que notre protagoniste se retrouve la tête dans le sable des côtes mitoyennes d’avec – comme c’est pratique – son village. Ayant cependant tout perdu dans ce naufrage, nous voilà sans le sou et malheureusement pour nous, il ou elle doit s’affranchir d’une dette qui servira de point de départ à notre première quête. Dans le cas présent, il s’agit d’une dette de sang contractée par un de nos ancêtres étant donné que celle-ci se transmet de génération en génération au sein d’une même famille. Il suffit que l’un des membres d’une famille donnée se soit fourvoyé en ayant commis un acte irréparable – accidentel comme volontaire – pour que le poids des conséquences qui en découlent, soit reporté sur toute la cellule familiale, condamnée à payer un tribut monétaire aux familles des victimes. Bien qu’arbitraire et même injuste selon le point de vue que l’on aura décidé de prendre vis à vis de cette situation, on peut comprendre aussi l’existence d’une telle loi dans un monde qui se veut dangereux et nécessitant sans doutes des mesures extraordinaires pour instaurer un semblant d’ordre.
Cela étant dit, Outward nous donne aussi l’occasion de répondre à ce premier problème de plusieurs façons : il est alors possible de rembourser cette dette en allant chasser du monstre ou du bandit, ou de visiter forteresses ou grottes au risque de notre vie, et ce afin d’accumuler suffisamment d’argent pour la payer et éviter dans notre cas que notre maison ne soit vendue en compensation. Tout en sachant qu’il faudra réunir la somme nécessaire dans le délai très court de cinq journées. A l’opposé de cette solution, il est aussi tout à fait possible de dire merde à tout ce petit monde et de partir à l’aventure en laissant toutes responsabilités sociales derrière nous.
Quoiqu’il en soit, au bout du compte il faudra bien partir à un moment donné, sachant que la trame principale du jeu est en vérité constituée de trois quêtes. Il s’agira alors de choisir entre trois factions, ne pouvant en explorer qu’une seule par partie. Heureusement, il existe un coffre permettant de transmettre une partie de son équipement aux nouveaux personnages que l’on créera par la suite. Tout cela n’est guère évident au départ car Outward n’est pas du genre à nous prendre par la main, ni à explicitement nous dire quoi faire, notre journal de quête restant particulièrement pauvre en instructions.
Comme c’était le cas dans des jeux de rôle plus anciens, Outward se fait avare en informations et en indications. Il a plutôt une approche indirecte nous demandant d’être curieux et perspicace. C’est une manière de fonctionner qu’on ne retrouve plus trop de nos jours avec tout ces jeux hyper balisés, si ce n’est dans ceux de survie ayant eu le vent particulièrement en poupe ces dernières années auxquels Outward emprunte beaucoup d’idées. On se retrouve ainsi à devoir gérer sa faim, sa soif, sa fatigue et toutes les altérations de santé possibles comme l’empoisonnement ou le saignement suite à une blessure prise lors d’un combat.
C’est peut-être là que Outward s’en sort le mieux. S’il faut se nourrir et boire, cela n’est jamais complètement une corvée, car la faim et la soif sont correctement inscrites dans le rythme normal d’une journée. Il faut en général manger à minima un repas par jour et boire une à deux fois une once d’eau pour éviter d’entrer en désaltération et en malnutrition. Il n’est d’ailleurs pas le plus contraignant en la matière ; il reste positivement réaliste sur les besoins nécessaires pour survivre sans trop en faire. C’est pour cela qu’il faut aussi dormir un certain nombre d’heures pour éviter une trop grande fatigue. Si un sac de couchage suffira au début, une tente deviendra vite nécessaire pour s’assurer confort et efficacité de notre repos, sachant que la tente permettra aussi de réparer nos armes en laissant passer du temps. Elle est aussi centrale dans notre protection vis à vis des éléments extérieurs, sachant que selon l’endroit choisi, notre sommeil pourra parfois être perturbé par un événement dangereux aléatoire comme des animaux sauvages ou des bandits.
Il est aussi possible de dormir n’importe où, même dans un grotte infestée de monstres, ce que je recommanderai tout de même de ne pas faire. Dans toute sa phase de survie et d’exploration, Outward est un jeu qui nous laisse libre de gérer notre survie comme bon nous semble. C’est à nous de réfléchir et de nous préparer en conséquence. Cela se traduit par des phases de préparation avant de s’attaquer à une forteresse par exemple, en prévoyant suffisamment de bandages, de flèches mais aussi de pièges. Le système de combat est assez simple à comprendre et plutôt direct, bien qu’un peu rigide et répétitif à terme. Une fois l’ennemi ciblé, il s’agit de le contourner et de l’esquiver comme dans un Dark Souls sans pour autant aller aussi loin que le jeu de From Software en terme de varité de styles de combat. Il faut cependant prendre en compte notre endurance et celle de l’ennemi, car avec suffisamment de coups bien placés, il est possible de l’étourdir l’espace d’un instant crucial pour notre victoire.
Outward n’est pas ouvert au bourrinage à proprement parler. Il demande une finesse inédite dans ce monde de brute et chaque combat se doit d’être abordé comme un problème avec subtilité sous peine de trépas. Un trépas par ailleurs géré de manière unique ici, vu qu’il n’y a pas de sauvegarde manuelle mais un système entièrement automatisé. Mourir dans Outward ne veut pas dire que l’on revient au dernier checkpoint. Non ici, c’est scénarisé sous la forme d’un texte expliquant par exemple que l’on aurait été sauvé in extremis par une jeune femme nous ayant ramené à notre village de départ, bien évidemment sans notre équipement resté sur le lieu de notre défaite.
Rattrapé par une trop grande ambition
Combat, tactique, survie, quand on explore le monde d’Outward de façon libre, tout semble à priori fantastique malgré son enrobage technique à première vue quelconque. La magie du titre s’estompe par contre peu à peu à cause d’une certaine fatigue qui finit par s’installer. Si je ne peux que louer son désir de nous plonger dans une expérience jusqu’au-boutiste, Outward souffre aussi de son système de quêtes principales. A côté de l’exploration laissée libre à notre envie, il faut se coltiner des quêtes au fonctionnement linéaire qui ont tendance à nous balader d’un endroit à l’autre nous faisant souffrir du syndrome bien connu des jeux en monde ouvert : les allers-retours incessants.
Or il n’offre aucun réel moyen de transport véloce en retour et encore moins de fast travel (voyage rapide) d’une ville à l’autre, obligé que nous sommes à supporter notre personnage à l’endurance neurasthénique. Comble du comble, les cartes consultables des différentes zones du monde explorable sont statiques et n’indiquent jamais notre position. Ce qui ne serait pas un mal si les quelques lieux indiqués sur celles-ci pouvaient être au moins différenciés les uns des autres de manière un peu plus précises, ou au moins nous permettre d’ajouter des annotations nous-mêmes comme sur une véritable carte d’explorateur.
J’ajouterai que la traversabilité des cartes en question n’est pas toujours facilitée entre des collines infranchissables et des murs invisibles qui ne permettent pas vraiment de s’y repérer comme d’y naviguer avec aisance, rendant chaque voyage d’un point A à un point B particulièrement lourd quand ce n’est plus la première fois qu’on doit le faire. L’histoire elle-même a du mal à motiver pour se rendre aux différents endroits nécessaires pour accomplir les missions de la faction que l’on aura choisi tant celle-ci manque un peu de corps à cause de personnages peu marquants et d’un monde riche au premier abord, mais à l’exécution narrative trop légère en dialogues suffisamment passionnants pour réellement nous y investir.
Ainsi, de manière compréhensible, quand on aborde cet aspect plus linéaire de Outward, on s’ennuie un peu, contrastant clairement avec le plaisir ressenti les premières heures en l’explorant librement dans ce mélange de jeu de rôle/action et de survie. Il s’agit d’un jeu clairement déséquilibré sans pour autant être inintéressant. On déplorera aussi que certains des ses lieux les plus beaux soit souvent vides de vie. L’accessibilité aux différentes compétences de notre personnage est aussi assez cryptique jusqu’au moment où on se rend compte qu’il faut parler avec beaucoup de monde afin de rencontrer les personnes qui nous « entraîneront » pour les acquérir en échange de fortes sommes d’argent. Quand à l’aspect survie, quand on comprend que nourriture et eau sont facilement trouvables un peu partout, il perd à terme un peu de sa superbe. Cela étant dit, Outward reste souvent un jeu difficile et surprenant sur bien des aspects. Une promesse d’avenir pour un studio qui a encore un peu de chemin à faire mais semble parfaitement capable de produire de jolis choses.
Dernier point à souligner est la présence d’un mode coopératif, jouable soit en ligne, ou encore en local en écran partagé, fait assez rare pour être souligné. Ce mode souffre cependant de quelques imperfections dans son fonctionnement, le principal souci restant dans le fait que seul le joueur hébergeant la partie verra sa progression sauvegardée tandis que le joueur secondaire est plus traité comme une aide temporaire dont aucune progression ne sera elle, sauvegardée. Un choix qui peut être compréhensible pour des raisons logistiques mais qui pourrait en refroidir certains vraiment désireux de jouer à deux du début à la fin. Sachez aussi qu’il y a quelques soucis de pathfinding en ce qui concerne les ennemis du jeu.
Outward sait être magique. En passant au-delà de son apparence parfois sommaire, il saura offrir de quoi émerveiller. Malheureusement, il manque aussi d’équilibre. Ainsi, bien que l’exploration très libre de son monde aura su se révéler fascinante par moment, son aspect narratif pêche en restant moyennement engageant. Il ne convaincra pas tout le monde, notamment à cause de son interface à l’ergonomie d’un autre temps qui passera difficilement à côté de jeux plus modernes dans leur approche. Cela dit, c’est un bon début, il a de bons côtés, notamment son aspect survie dans un monde totalement ouvert à notre curiosité d’explorateur. Il faudra juste accepter ses autres limitations, le côté rébarbatif de certains allers-retours répétitifs et parfois même de son système de combat, ainsi que son aspect technique dépassé.