Days GonE
Développeur : Bend Studio – Éditeur : Sony – Date de Sortie : 26 avril 2019 – Prix : 60 €
La sortie de Days Gone aura provoqué son lot de réactions divergentes. Certaines furent justifiées en raison de ses nombreux bugs et de performances en dents de scie. D’autres peut-être moins même si de loin, la somme de ses banalités les plus évidentes pouvait donner l’impression d’un jeu de zombies de plus et sans originalité. Pourtant, plus j’avançais et plus j’étais impatient de poursuivre mon aventure en compagnie de son motard de héros, Deacon St John. Ce jeu est monté comme un moteur diesel : il lui faut un peu de temps avant de trouver son rythme de croisière. Il faut s’y investir. Si cela sera peut-être un problème pour certains, pour d’autres, il en sera une récompense et un jeu pour lequel il sera difficile de décrocher.
Oregon Trail
Au premier abord, il sent le déjà-vu comme n’importe quel jeu de tir à la troisième personne reposant sur des mécaniques d’infiltration et de craft sans grande innovation. Sa prise en main est familière et quasi-immédiate, et ses défauts, en dehors de ceux touchant à sa réalisation technique, sont les mêmes que dans beaucoup d’autres jeux d’action en monde ouvert sortis avant lui. Par conséquent, on y retrouve la même forme de répétitivité ; quand on s’attaque à un camp de bandits, on a l’impression de les avoir tous fait. Et bien que le contenu de Days Gone soit copieux, il ne m’aura pour autant pas fait ressentir la même fatigue comme d’autres l’auront fait avant lui à cause d’une trop grande redondance de leurs activités répétées ad nauseam.
Son intelligence est d’avoir lié la majeure partie de son gameplay à une motivation répondant à une tout autre logique que celle de simplement rayer une icône de la carte. En se débarrassant d’un camp de maraudeurs, on réduit ainsi la chance que ces derniers ne nous tiennent une embûche le long de la route. Il en est de même pour les freakers, le nom donné aux zombies du jeu qui n’en sont pas réellement au passage. Ces derniers ont pour habitude de construire des nids où ils vont se réfugier le jour, puisqu’ils ne raffolent pas du soleil et préfèrent la nuit ou un temps pluvieux et grisâtre pour sortir. Détruire ces mêmes nids réduira leur présence dans les alentours et dégagera ainsi les routes permettant d’avoir recours au voyage rapide. De plus, en complétant ces activités, on obtiendra des crédits au sein du camp de survivants de la région concernée, tout en augmentant le niveau de confiance qu’ils auront en Deacon.
Les crédits en question sont limités en usage au camp que l’on aura aidé et ne seront pas accessibles dans un autre. Un système économique intéressant qui pousse à aider chacun de ces camps individuellement en remplissant des missions secondaires, notamment en tant que chasseur de prime la majeure partie du temps étant donné que c’est ce qu’est devenu Deacon dans ce monde post-apocalyptique. Et vu que chaque camp propose ses propres armes ou améliorations pour sa moto selon le niveau de confiance obtenu, nous avons en tant que joueur une certaine motivation à les aider, outre la simple envie de continuer à jouer. Cependant, Days Gone n’est pas un jeu aisé, et c’est là-dessus qu’il compte faire le sel de son expérience ludique. Il existe à ce jour trois modes de difficulté, en attendant un mode de survie qui devrait arriver aux alentours du mois de juin par le biais d’une mise à jour gratuite.
En attendant, il est possible de choisir entre le mode difficile ou la difficulté moyenne/facile. Commencer une partie en mode difficile ne vous permettra pas d’en baisser la difficulté par la suite. Alors qu’il est possible de passer de moyen à facile et vice-versa à tout moment. La principale différence entre ces modes se résume principalement aux dégâts occasionnés par les ennemis autant que ceux nécessaires pour les éliminer. Mais intrinsèquement, le défi reste le même peu importe la difficulté choisie. Même en facile, un moment d’inattention pourra très vite entraîner la défaite, les freakers représentant une réelle menace de par leur agressivité autant que leur rapidité, si on met de côté une intelligence artificielle qui sera parfois complètement aux fraises. Surtout qu’en se cachant dans un buisson, il est rapidement possible de leur faire perdre toute trace de Deacon.
Riders On The Storm
La plus grande menace apparaît cependant très vite sous une autre forme et représente un défi réservé principalement à la fin de jeu, ce une fois armé en conséquence. Il s’agit de la horde mise en avant plusieurs fois dans les présentations de Days Gone. La horde est bien plus impressionnante et effrayante que les quelques freakers spéciaux qui s’inviteront petit à petit à la danse. La horde est présente dès le début du jeu et il y en a plusieurs sur toute la carte. On la croise en général la nuit, au hasard de nos pérégrinations à moto, alerté par sa présence quand elle se met à notre poursuite attirée par le bruit de notre engin mécanique. La horde est un conglomérat de parfois plusieurs centaines de freakers pour les plus imposantes d’entre elles. En éliminer une représente un véritable tour de force et demandera une certaine finesse pour en venir à bout.
Affronter une horde implique toujours de se préparer en amont et de faire des repérages sur le terrain. Il arrivera souvent que soit disposés généreusement un peu partout des engins de nature explosive, impliquant à minima de faire l’appât afin d’en attirer la horde dans leur direction. Deacon n’étant pas surhumain, il sera nécessaire de prendre en compte son endurance aussi limitée que les ressources diverses mises à sa disposition. À l’image de l’aura écrasante des hordes, derrière le classicisme de son gameplay, la qualité de Days Gone est d’apporter une expérience à couteaux tirés, dans une ambiance de film d’horreur tenue par une sensation de danger presque permanente. Le simple fait de se balader dans une mine souterraine et de tomber sur une horde sortie de nulle part est raison suffisante pour provoquer une crise cardiaque.
Effectuer une balade dans le no man’s land n’est pas non plus toujours chose aisée entre les bandits, les animaux sauvages et leur version contaminée par le virus et bien évidemment de nombreux monstres. L’Oregon de Days Gone est parsemé d’arbres et de nivelés comme autant de reliefs, obstacles naturels à toute navigation sans accroc. La nuit a ses avantages stratégiques tout en augmentant le risque de tomber sur de nombreux freakers à moins qu’il ne s’agisse carrément d’une horde. Étant donné qu’il n’est possible de sauvegarder ou de faire un voyage rapide qu’en étant proche de la moto de Deacon, on se sent vite petit dès qu’on s’éloigne de cette dernière. Cette moto n’est pas non plus invincible. Son essence tout comme sa résistance aux coups sont limitées et nécessiteront d’être pris en compte avant chaque déplacement.
Days Gone ne réinvente par conséquent en rien la roue (de moto), mais parvient à trouver une forme d’équilibre entre un gameplay classique et un rythme à la tension palpable, surtout dans une difficulté élevée qui rendra chaque rencontre impromptue potentiellement mortelle pour Deacon. Sa force est aussi de proposer un scénario, ou plutôt des scénarios particulièrement intéressants. Là où d’autres jeux en monde ouvert vont vous emmener d’un personnage à l’autre sans forcément nous laisser le temps d’apprendre à les connaître, le titre de Bend Studio se repose pour sa narration sur un sentiment de familiarité, favorisant soit l’attachement, soit la colère pour les traîtres, les lâches et j’ai envie d’y ajouter des sentiments plus compliqués que cela encore. En vérité, Days Gone réussit à être ce que des séries comme The Walking Dead ont depuis longtemps oublié d’être.
Freaks
Le propre d’une œuvre de fiction prenant place dans un monde post-apocalyptique est en grande partie d’observer à la loupe la nature humaine. Il s’agit alors d’étudier les comportements de nos semblables dans des situations extrêmes qui iront soit faire ressortir le meilleur d’eux-mêmes, ou au contraire, le pire. The Walking Dead comme d’autres ont eu tendance à oublier cela pour se concentrer sur une volonté de choquer plutôt que d’interroger nos valeurs et notre morale. Sans pour autant s’élever à un niveau shakespearien, Days Gone parvient à retrouver cette part d’humanité passée au microscope.
Pour cela, il maintient des lignes narratives sur la longueur avec une bonne partie de ses personnages. Cela lui laisse alors le temps de nous donner une idée plus aboutie de leur personnalité et des relations qu’ils entretiennent aussi bien avec Deacon que tout autre personne. Ce n’est pas forcément le cas pour tous, et je regrette justement que certains de ces mêmes personnages rencontrés en cours de route se limitent à une première impression. Mais il faut comprendre qu’il y en a déjà pas mal et forcément, tous n’auront pu bénéficier d’une plongée en profondeur dans leur psyché.
C’est ainsi que se construit le design des missions de Days Gone. Autour des personnes faisant l’entourage de Deacon. Son meilleur ami Boozer qu’il appelle son frère et ayant fait parti du même club de motards, a ainsi toute une série de missions rattachées à sa personne du début à la fin du jeu. Ces missions mises une à une derrière l’autre vont témoigner tour à tour de la relation spéciale qui unit Boozer à Deacon, et des obstacles auxquels ils feront face ensemble le temps de cette aventure. Il y a bien sûr du gameplay plus classique dans tout ça qui impliquera un peu d’exploration, d’être un enquêteur du dimanche comme dans les jeux Batman, de l’action et parfois un côté horreur à cause des freakers, mais tout cela s’articulera autour d’une ligne narrative elle-même toujours rattachée à un personnage spécifique. Il y en a ainsi une pour Sarah, la femme de Deacon dont il commencera par en faire le deuil, une autre liée à un camp avec lequel il eut une histoire compliquée par le passé et ainsi de suite.
La narration sert de liant entre les missions et introduit un semblant de progression linéaire dans un monde pourtant ouvert. Ça sera le fait de passer d’un fil narratif à l’autre qui apportera une forme de renouvellement dans l’histoire, puisqu’il arrivera de laisser une de ces trames narratives de côté pour mieux la retrouver plus tard en passant le relai à d’autres en attendant. C’est ainsi que peu à peu pourra s’installer un sentiment de familiarité avec ce monde car il s’agit d’un jeu qui aura pris le temps de le permettre. Et c’est ce pourquoi on ne s’ennuie pas au bout du compte malgré le classicisme avéré de celui-ci. Days Gone a compris que ce qui faisait le sel d’une bonne aventure post-apocalyptique, ce sont ses personnages. Il en garde même de côté pour une suite, étant donné que certaines questions restent toujours en suspens, notamment en ce qui concerne l’avenir de ce monde et des freakers. Il était d’ailleurs étonnant de voire que ces derniers n’étaient pas simplement des monstres arriérés comme des zombies de base, mais bien plus en explorant le cadre de leur nature et de leur comportement au travers de certaines missions étoffant un peu plus le lore de ce monde.
Bien évidemment, Days Gone souffre aussi et toujours de quelques soucis de performance et de bugs persistants, notamment celui où mon jeu s’est figé l’espace de quelques très courtes secondes à quelques occasions. Rien de véritablement frustrant, mais après les réussites techniques de God of War et Spider-man, c’est un peu triste. Heureusement pour moi, l’Oregon de Days Gone fut un endroit magnifique aux décors riches en détails et bien plus variés que je n’aurai pu le croire. La nature y est dominante, superbement rehaussée par un système de rendu climatique des plus réussis, surtout quand il s’agit de reproduire une pluie torrentielle à vous en tremper jusqu’aux os. La musique n’est pas en reste entre balades folk à la guitare ou morceaux aux cordes stridentes pour mieux appuyer le stress de certaines situations inextricables.
Globalement, Days Gone est une réussite de plus dans le catalogue des jeux first party de Sony, malheureusement gâchée par des bugs et de gros soucis de performances, et surtout la présence de trop nombreux temps de chargement avant et après chaque cinématique. Cela dit, il reste un jeu exigeant sans "véritable mode facile" dixit l'un de ses développeurs et saura vous offrir un vrai challenge sur la longueur, le tout agréablement aidé par une histoire se renouvelant sans cesse et qui doit beaucoup à ses personnages matures et très humains.
Vasquaal
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1 réflexion au sujet de « Days Gone »
Très bonne critique, sans spoiler, qui donne une idée juste du jeu. Après la comparaison avec The Walking Dead est un peu dure : la série développe des persos sur 8 saisons (pour certains), tandis que Days Gone s’apparente (en événement/persos) à une saison je trouve, deux peut-être au plus.
Et concernant les bugs t’as eu de la chance : j’ai déjà du éteindre ma PS4 Slim car le jeu avait freezé (et j’ai eu un ou deux « Le jeu a été interrompu suite à une erreur interne »). Penser à Sauvegarder !