Critique

Cadence of hyrule

Crypt of the NecroDancer Featuring The Legend of Zelda

Développeur : Brace Yourself Games – Éditeur : Nintendo – Date de Sortie : 13 juin 2019 – Prix : 24,99 €

Sans titre

Lorsqu’ils ont contacté Nintendo afin d’intégrer des personnages de The Legend of Zelda à l’univers de Crypt of the Necrodancer, leur dungeon-crawler rythmique sorti en 2015, les développeurs de Brace Yourself Games ne s’attendaient pas à se voir offrir les clés du château. Ils se sont pourtant retrouvés à développer un spin-off officiel, un grand pas en avant de la part de Nintendo qui confie là une de ses plus grosses licences à un petit studio indépendant. Et la réussite du titre ne peut que les inciter à renouveler l’expérience.

Tactical Arpéger

La jeune Cadence est transportée au royaume d’Hyrule et va devoir aider Link et Zelda à combattre Octavio afin de rétablir la monarchie de droit divin, parce qu’à un moment faut arrêter de déconner. Elle traine avec elle dans ses bagages un système de jeu directement tiré de Crypt of the Necrodancer. Le cœur du gameplay est, dans les grandes lignes, le même : vous vous déplacez cases par cases au sein d’un environnement où héros, ennemis et décors sont synchronisés sur la musique. La surcouche Zelda est ici une adaptation libre de A Link To The Past, avec un overworld moins vaste mais différent à chaque partie. La direction artistique est propre au possible, et n’est pas sans rappeler un Minish Cap qu’on aurait remis au goût du jour. Quatre instruments sont à aller chercher dans quatre donjons, et certains zones restent inaccessibles tant que vous n’avez pas trouvé les objets correspondants (placés ici au hasard sur la carte). Quelques armes du précédent jeu du développeur font leur apparition, mais la plupart des objets et monstres sont un mélange de plusieurs titres de The Legend of Zelda. Les objets proposés pour vous aider à survivre ont été choisis intelligemment, puisant çà et là entre les deux licences. L’équilibre atteint vous permet de parer à quasiment toutes les situations, mais aussi parfois d’outrepasser ce qui était prévu par le jeu. La génération aléatoire des donjons empêche malheureusement une utilisation très poussée de ces objets, reléguant régulièrement au second plan les énigmes qui font l’apanage des jeux Zelda. Il est par ailleurs possible de rater complètement certains objets facultatifs en n’explorant pas une cave ou deux.

Les terrains eux se retrouvent par contre enrichis par une dimension supplémentaire très plaisante : il est possible de grimper sur des promontoires ou d’en descendre pour sauter sur des ennemis. Tout une série d’énigmes souvent intéressantes en découle, ainsi que des attaques sautées qui apportent un peu de diversité. La perspective étant cependant assez plate, il est parfois difficile, malgré l’aide visuelle, d’estimer la position d’un ennemi en bas d’une falaise. Un problème qu’on retrouve aussi en passant derrière certains blocs.

Carpe Dièse

La progression se fait par tableaux plus ou moins grands. C’est un choix cohérent avec l’intention du jeu : chaque écran est une zone générée semi-aléatoirement, avec des ennemis répartis généreusement sur les différentes hauteurs de terrain. L’ensemble agit comme une énigme vivante qu’il faut démêler au fil des notes, avec une marge assez fine laissée aux erreurs. Il y a bien sûr un temps d’apprentissage propre à l’assimilation des déplacements des ennemis. Cet apprentissage laisse ensuite place au cœur du gameplay, c’est-à-dire à l’improvisation en temps réel, ces phases où vous devez broder avec ce que l’on vous donne, slalomer entre trois Bokoblins et décider de ce que vous allez faire des deux flèches qu’il vous reste. Le jeu vit pour ces instants de grâce où vous valsez d’un bout à l’autre de l’écran au gré de la partition, vous adaptant à la volée à vos assaillants et aux obstacles. Tout est fait pour récompenser le joueur virtuose, à la fois musicalement et mécaniquement. Lorsque vos combos se multiplient, les envolées lyriques sont les plus belles des médailles, mais les ennemis lâchent également davantage de récompenses, et les armes en obsidienne (dont les dégâts augmentent lorsque vous enchainez proprement les monstres) vous poussent à jouer avec une certaine prudence agressive.

Gare à vous cependant, les handicapés du rythme, le jeu vous fera assez peu de cadeaux. Libre à vous d’aller fouiller dans les options pour y trouver un bouton qui désactivera la partie rythmique du jeu, mais vous y perdrez au change. Vider entièrement un tableau de toutes ses menaces est le seul moyen de se défaire temporairement de la cadence musicale, de souffler un peu et d’en profiter parfois pour résoudre une petite énigme. Vous serez aussi récompensé par des diamants, sorte de monnaie permanente que vous pouvez dépenser après votre mort ou dans certains magasins, afin de reprendre votre vie suivante avec quelques bonus.

Dissonance punitive

C’est dans la mort que l’on comprend d’ailleurs l’ampleur rogue-lite du titre : adieu rubis, flèches et autres bombes. Vous repartez presque à zéro ; presque, car vous conservez tout de même les objets clés trouvés, mais aussi et surtout vos armes. Toute progression est donc sauvegardée, les zones explorées le restent, mais vous devrez farmer quelques piécettes si vous souhaitez refaire votre stock. 

Cadence of Hyrule est bien moins punitif que Necrodancer sur le long terme, puisqu’une run est un véritable jeu solo de plusieurs heures. C’est là aussi sa faiblesse : vous mourrez des dizaines de fois au début, la conséquence des trois cœurs initiaux et de l’assimilation initiale des déplacements des ennemis et du rythme, puis vous deviendrez bien trop puissant d’ici la fin du jeu. Là où dans Necrodancer les vies supplémentaires se font rares, elles finissent ici par devenir trop abondantes, et la prudence du début de jeu laisse place à une certaine allégresse à foncer dans le tas, histoire de laisser les seize cœurs éponger le gros des dégâts. Il en va de même pour les armes, permanentes, que vous pourrez par exemple infuser d’obsidienne pour les rendre plus puissantes, voire beaucoup trop. On se retrouve face à une courbe de difficulté en chute libre, qui rend presque risible les derniers boss du jeu.

Des modes de jeu bien plus spécifiques sont cependant disponibles pour les petits masochistes, comme un permadeath des familles qui aura vite fait d’assagir la plupart des joueurs.

Il est au demeurant possible de jouer avec Zelda, Link ou Cadence, chacun ayant ses spécificités de gameplay et ses restrictions d’armes utilisables. Si vous terminez le jeu avec les trois dans le mode single character, il est possible de débloquer un petit quelque chose qui n’est pas sans rappeler les parties avec Aria ou Coda sur Necrodancer, et toute la souffrance qui vient avec.

Gamme stram gram

Il est impossible de ne pas parler de la bande-son du jeu, qui reprend tous les thèmes iconiques de la saga, et les incorporent à de délicieux medleys, comme si les musiques des deux licences étaient faites pour se rencontrer un jour. C’est le père Baranowsky qu’on retrouve aux commandes, le papa des OST de Super Meat Boy, The Binding of Isaac (premier du nom) ou encore Crypt of the Necrodancer (justement, tiens). A ses côtés, de multiples artistes qui aident la musique à sublimer cette grande et belle lettre d’amour. Les sonorités jonglent savamment d’un genre à l’autre, réagissant à vos performances lors des combats et soulignant la détente et la sérénité des villages. On pourra avoir une petite larmiche à l’œil en réalisant que la plupart des musiciens du jeu se sont fait une réputation à coup de reprises sur Youtube, pour finalement obtenir la reconnaissance et le droit d’ajouter leurs petites notes à des années d’histoire musicale. L’hommage est fait à The Legend of Zelda, mais aussi et surtout au 4ème art, en laissant s’exprimer des personnes qui ont grandies avec des morceaux qu’ils transportent avec eux, et qu’ils ont passé des années à vénérer et à peaufiner. C’est ici une occasion unique de voir des musiciens passer de l’autre côté et toucher un public différent avec une passion et un respect communs.

C'est lorsqu'on se demande pourquoi on n'y avait pas pensé plus tôt que l'on reconnaît les bons mélanges. Les développeurs de Brace Yourself Games réussissent à extraire l'essence-même de The Legend of Zelda, tout en lui appliquant ce qu'ils savent faire de mieux. Comme pour Crypt of the Necrodancer, il n'y a cependant pas de miracle : votre sens du rythme sera mis à rude épreuve, ce qui peut très certainement en rebuter certains. Ceux qui se laisseront amadouer y trouveront leur compte, entre vénération de la licence culte et envie de proposer leur propre vision. Et même si la rejouabilité sur le long terme est à réserver aux fanatiques, le voyage vaut le détour, ne serait-ce que pour déguster une belle mornifle musicale.

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Tmnath

Passionné de jeux de plates-formes et de crème anglaise.

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3 réflexions au sujet de “Cadence of Hyrule”

  1. Ça donne envie !
    Par contre, remarque peut-être bête, mais il n’est précisé nulle part la console… Nintendo a bien voulu laisser fureter Link et Zelda sur un autre jeu, mais hors console Nintendo aussi ?

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      • Je m’en serais douté ! M’enfin, comme mentionné dans l’article, c’est déjà une prouesse que Nintendo ait accepté de mêler les personnages d’une de ses licences à des « petits » dévéloppeurs.
        A la manière de Link dans WindWaker, et au vu du positionnement de la switch niveau catalogue de jeu, ils se disent peut-être que le vent commence à tourner…

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