Areia : pathway to dawn
Développeur : GILP Studio – Éditeur : GILP Studio – Date de Sortie : 15 janvier 2020
Une mer de sable habillée du rougeoiement d’un soleil couchant. Une cascade scintillante qui semble prendre sa source dans le ciel lui-même. Puis notre avatar qui s’éveille au beau milieu de vents puissants et bruyants, comme un nouveau-né prenant vie dans un concert de hurlements. Les doutes s’estompent, nous sommes bien en présence d’un jeu narratif mettant l’accent sur un univers symbolique riche. Plus habitués à développer des jeux fast-food pour les possesseurs de smartphones, les Brésiliens de chez Gilp s’attaquent à leur premier gros morceau : Areia – Pathway to Dawn. Avec sa plastique sablonneuse qui fera invariablement penser au magnifique Journey, Areia s’apprête à nous faire vivre une expérience contemplative et introspective, sur fond de méditation et de culture bouddhiste. Vous pouvez dès lors vous asseoir en Padmasana, ouvrir vos chakras, et vous plonger dans la lecture de cette preview qui sent bon le sable chaud, l’eau fraîche et la découverte de soi.
Aummm !
Areia nous lâche au beau milieu d’un désert intriguant dont on ne sait rien. Derrière nous, des bourrasques soufflent rageusement, nous obligeant à avancer vers le crépuscule. Au sol, des bris de verre rendent douloureuse notre progression ; mais inexorablement, notre avatar – créature humanoïde bleutée aux jambes fines et gracieuses – se meut vers un objectif incertain. Puis rapidement, le décor change : des lagons émeraude parsèment à présent les étendues ensablées, et des structures mystérieuses s’érigent vers le lointain. On se surprend alors à contempler ces panoramas vertigineux quelques minutes, avant de reprendre tranquillement notre route. Évidemment, on ne retrouve pas la finesse graphique d’un Journey, ni une direction artistique aussi aboutie (les budgets sont, en même temps, incomparables), mais Areia se montre tout de même capable de nous offrir quelques doux moments propices à une rêverie diurne.
Une bonne chose puisque la narration se déploie avant tout visuellement, laissant la part belle à la libre interprétation du joueur. En effet, tout au long de notre court vagabondage (d’environ deux heures) le scénario restera volontairement nébuleux, et à aucun moment on ne saura précisément la raison de notre voyage – comme si notre avatar lui-même l’ignorait. On finit donc par se laisser porter par cette obscure fuite en avant, où l’histoire se raconte principalement au travers des mutations que subit notre environnement, qui interviennent après les rares moments où notre personnage médite et se connecte au cosmos tout entier. La transformation ponctuelle du monde reflète donc symboliquement chaque étape de notre crapahutage spirituel, et ce de manière cohérente. Alors, mission réussie pour les développeurs ? Pas tout à fait.
Car si certains plans sont esthétiquement assez convaincants, la mise en scène reste quant à elle trop minimaliste, trop rigide, pour susciter des émotions profondes chez le joueur. Il est alors difficile de se détacher de cette fâcheuse impression d’observer de jolies photographies, auxquelles il manquerait un soupçon de vie ainsi qu’un plus grand souci du détail pour les rendre inoubliables. D’autant que la deuxième partie du jeu est bien moins accompli d’un point de vue artistique, comme si elle était victime d’un essoufflement créatif malvenu qui sera, on l’espère, corrigé dans sa version finale. Dommage, car la musique qui accompagne nos pérégrinations, crée à partir de chants sacrés indiens, se montre belle et envoûtante, clairement à la hauteur de l’atmosphère onirique que souhaitait instiguer les développeurs.
Et ça finit en eau de Bouddha
Généralement, les jeux vidéo narratifs s’émancipent d’un gameplay trop imposant, qui viendrait desservir l’errance contemplative. Ce n’est hélas pas le cas de Areia, dont le studio brésilien a cru bon d’y intégrer quelques mécaniques maladroites de jeu de plates-formes, saupoudrées de puzzles ennuyeux. Notre héros est ainsi capable de contrôler ponctuellement l’eau et le sable pour construire des ponts, qui l’aideront à franchir pas mal d’obstacles et à résoudre quelques puzzles. Ces derniers sont tous calqués sur un même schéma dont la très relative difficulté s’accentue au fil du jeu, et font preuve d’un classicisme barbant. Il est regrettable que ces agaçantes phases de gameplay viennent saccader une progression qui aurait dû être plus fluide, ce qui va à l’encontre même de l’aspect relaxant qu’est censé incarner Areia. C’est là le mal qui atteint certains studios indépendants inexpérimentés, s’éparpillant entre la mise en place d’une atmosphère particulière et la volonté de rendre l’expérience ludique, là où il aurait été préférable de mettre plus en valeur l’une des deux composantes.
Agréable à parcourir, mais jamais transcendant : voilà qui résume bien Areia – Pathway to Dawn. Servi par une direction artistique plus que correcte, le jeu échoue dans sa capacité à faire rejaillir nos émotions les plus enfouies à la lumière de notre conscience, la faute à une mise en scène manquant d’envergure, ainsi qu’à des mécaniques de gameplay malhabiles, trop peu intéressantes pour justifier leur présence. La sortie d’Areia étant annoncée pour janvier 2020, il reste encore quelques mois aux Brésiliens de Gilp pour rectifier le tir.
Gattu
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