Critique

Dragon Ball Z : Kakarot

Développeur : CyberConnect2 – Éditeur : Bandai Namco Entertainment – Date de Sortie : 17 janvier 2020 – Prix : 60 €

Pourquoi ai-je voulu à ce point me lancer dans ce KAKAROT qui représente pourtant tout ce que je déteste chez mes amis du même âge ? Petit, je rêvait davantage de Fly (le plus grand des héros), des Chevaliers du Zodiaque, mais Dragon Ball m’a toujours paru moins incroyable, moins compréhensible aussi et surtout, très surcoté. Déjà, à l’époque, j’avais cette envie d’originalité et de choses moins populaires. La franchise Dragon Ball Z, je l’ai adorée sur Super Nintendo (avec ce second épisode au scénario « dont vous êtes le héros » fantastique pour l’époque), mais même si les Budokai de la PlayStation 2 m’ont amusé, je n’en garde pas un souvenir fou. Et pourtant, à la sortie de ce KAKAROT, je voulais absolument y jouer…

Nuage magique, force tranquille

Générique officiel, moteur de jeu qui nous claque des cinématiques réalistes qui sont souvent presque plus belles que le dessin-animé d’origine : pas de doute, CyberConnect2 a vu les choses en grand et on se dit rapidement qu’on est devant un petit bijou de nostalgie. Les premiers pas sont alors très accessibles et facilement amusants : on joue Goku (Kakarot pour les intimes) qui se doit d’aller chercher des pommes pour sa femme, Chichi, accompagné de son fils, Gohan. Ce que le joueur ne sait pas en découvrant ces principes du monde libre qui s’offrira à lui bientôt, c’est que la moitié des quêtes annexes se baseront sur cette recherche d’ingrédients. Mais n’allons pas trop vite !

On découvre ensuite la pêche : en plongeant sa (fausse) queue de singe dans l’eau, Goku peut pêcher (rassurez-vous, les autres personnages jouables auront leur propre canne à pêche, plus conventionnelle). Deux coups bien placés de QTE plus tard, voilà un énorme poisson sur la rive qui se transforme en tranches dans le menu des ingrédients. C’était excessivement simple à jouer et vous le comprendrez vite, ce n’est pas un « mini-jeu dans le jeu » très intéressant. Mais la première fois ? Ça fonctionne parfaitement, surtout en termes de réalisation. On pouffe de rire devant la situation en se promettant de capturer tous les poissons possibles d’un potentiel menu de pêche. Il n’en sera rien, tant l’action se fera répétitive et ennuyante. Mais ça, vous ne le savez pas en début de jeu !

Vite, il faut se rendre à un point précis de la carte. On chevauche le nuage magique et… C’est lent et un peu mou. On peut faire des petites rotations, comme dans le générique de la série. Les fans sont heureux mais moi, bah, je m’ennuie. Rapidement, on aura le droit de foncer et voler dans les airs comme dans les plus belles heures du dessin-animé. C’est là qu’on se rend compte du souci de distances, de vitesse et d’un monde plausible en termes de construction. On ne va jamais assez vite en véhicule (nuage, voiture ou robot bipède à construire auprès de Bulma), on va toujours trop vite en vol rapide et par exemple, s’arrêter sur un point précis alors qu’on file comme le vent est une vraie galère, entre dérapages et erreurs de gâchettes à sélectionner pour empêcher notre héros de faire des allers-retours et traces de chaussures au sol.

Les bases réussies du Shonen

Mais Dragon Ball Z c’est un Shonen, et l’un des plus populaires. Ce genre de manga possède ses propres codes et ceux-ci sont souvent les mêmes : un ancien méchant deviendra le plus fidèle allié, il y a toujours plus fort que soit quelque part dans l’univers mais surtout, rien n’égale la force de l’amitié. C’est ce que nous racontera encore une fois ce KAKAROT qui propose de revivre les scénarios allant de l’arrivée des Sayens sur Terre à la bataille entre Goku et Buu. En passant évidemment par Freezer et ses trop nombreuses « haha ce n’est pas fini » formes de transformation. Tout cela est alors entrecoupé de scènes et de quêtes annexes très décevantes et simples qui racontent des moments qui ne sont pas racontés dans le dessin-animé ou le manga. Que faisait tel personnage entre deux combats, comment tel objet est arrivé dans les mains de tel héros, etc. L’idée est extrêmement sympathique mais la réalisation est décevante, expédiée par des cinématiques aux personnages stoïques et aux nombreuses lignes de dialogue peu inspirées, pourtant entièrement doublées en japonais.

La réalisation de KAKAROT a ses gros défauts, à commencer par l’inégalité de ses cinématiques. Il y a certes les plus belles, qui ouvrent ou concluent les arcs narratifs les plus intéressants, celles qui sont utilisées dans les bande-annonces du jeu pour le faire acheter, mais il y a aussi des scènes extrêmement lentes et sans rythme en plus des nombreuses lignes de dialogues citées plus haut. Bref, sur ce point KAKAROT peine vraiment à convaincre et captiver ce qui rend la chose plus compliquée à supporter si on connait que trop bien l’histoire de base ou si, comme moi, vous êtes venus avant tout pour jouer.

Coté jeu, là aussi il y a plein de soucis, à commencer par des chargements interminables entre toutes les zones d’une jolie carte du monde qui, vous l’aurez compris, n’est absolument pas libre de bout en bout. Vous avez bien des couloirs, des intersections à chargements et de grandes étendues vides de sens qui ne font que proposer des combats aléatoires (toujours mis au niveau de votre personnage) pour y prendre de l’expérience.

Car oui, KAKAROT met en avant un principe de points d’XP et de niveaux pour vos héros qui peuvent en gagner en combattant, mais aussi en mangeant des repas donnant des améliorations définitives à un héros ou toute l’équipe si tant est que vous ayez les bons ingrédients. L’aspect RPG de la chose est donc très simple et sans surprises, mais il y a quelques originalités intéressantes. Comme cette nécessité d’aller s’entraîner et valider une mission de combat à un point précis pour débloquer un coup (le Kaméhaméha par exemple) et ainsi pouvoir continuer à l’améliorer dans un arbre des compétences assez grand. Un arbre à alimenter d’orbes de couleurs, les mêmes qui parsèment le monde libre de bout en bout : bleus dans l’eau et près des rivières, vertes au sol et rouge en l’air. Vous allez passer votre temps à voler pour chopper ces orbes qui n’ont aucun sens réel dans le monde de DBZ et qui nous rappellent bien violemment à chaque seconde que c’est un jeu vidéo.

Baston Sayen 3

Coté combat aussi, on peut se plaindre de quelques soucis. Reprenant le principe de visée automatique et vu de derrière d’un Tenkaichi sur PlayStation 2, ce DBZ : KAKAROT propose des transformations spécifiques qui vous pompent de la vie contre pas mal de force, de la baston à combos simples, de l’entraide avec des commandes amies qui peuvent vous sauver de mauvaises situations mais surtout, de grosses barres de vie adverses bien lourdes à faire tomber. Le souci n’est pas de voir CELL avec si barre de vie à réduire avant de découvrir la cinématique de fin de combat, mais bien d’avoir la même barre à exploser pour chaque personnage, même annexe, du mode Histoire du jeu. Certains combats sont bien trop longs, surtout que les combos à effectuer ne permettent pas de renouveler la découverte et l’amusement au bout d’un certains temps.

On découvrira aussi de vrais soucis de réalisation et de triche de l’I.A qui, par exemple, à toujours priorité lorsqu’elle enclenche un gros coup qui mène à une cinématique. Pendant celle-ci, votre coup chargé actuel sera annulé. Par contre, lorsque ce sera votre tour de jouer les poseurs dans une cinématique qui affirme votre supériorité de coupe de cheveux, la boule d’énergie lancée par l’ennemi vous arrêtera ensuite dans votre élan sans même daigner vous respecter. C’est énervant.

Et malgré tout cela, je l’ai terminé à 100%. Les moindres recoins. Les moindres quêtes. Les moindres bouts de cristaux qui m’ont permis de collecter tous les médaillons de personnage qui, une fois ajouté dans le menu de communauté, me permettait d’obtenir des bonus dans plusieurs catégories. Parce que DBZ : KAKAROT fonctionne parfaitement sur sa nostalgie et que les différentes animations, musiques et voix transforment ce tas d’erreurs de développement en petite sucrerie de fans trop peu habitués à de la liberté, même mal alambiquée. 

Objectivement, DBZ : KAKAROT est proche du ratage, de la déception, mais il y colle tellement d’envie de bien faire côté fan-service qu’il parvient à titiller, à attirer dans son monde fait de bien trop de rustines et de raccourcis créatifs trop faciles. C’est une œuvre bancale et imparfaite, mais il y a ce sentiment de s’y sentir bien le temps de quelques moments, surtout pour quiconque joue peu à ce genre de jeu, par ailleurs. Alors pour quelqu’un de beaucoup trop fan pour être objectif (et on ne lui jettera pas la pierre, on est tous comme ça avec un univers en particulier), j’imagine qu’il est bien trop facile de pardonner l’étendue des dégâts.

Rempli de défauts inexplicables, de débutant diraient certains, ce faux monde libre ultra-répétitif et mou du genou n'en est pas moins le seul qui soit disponible dans le monde de Dragon Ball Z et cela aura suffi à ma nostalgie (pourtant sans amour particulier pour la série) pour m'y sentir bien du début à la fin. Un bonbon framboise quelconque, une pomme de cantine scolaire, ce goûter rance des colonies de vacances, qui nous fait déconnecter de la réalité et nous rappelle à l'enfance. C'est cela DBZ : Kakarot, un mauvais jeu, mais de beaux souvenirs redécouverts avec un certain plaisir coupable. Bien trop coupable, même.

Image de SkyWilly

SkyWilly

Rédacteur en chef collectionneur de Skylanders et qui passe beaucoup trop de temps sur ces briques Lego. Heureusement qu'il y a des petits jeux pour s'évader ! Auteur de Le jeu vidéo indépendant en 2015 : Portraits de créateurs

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