Critique

Broken Lines

Développeur : PortaPlay – Éditeur : Super.com – Date de Sortie : 25 Février 2020 – Prix : 25 €

Un avion qui se fend en deux, des soldats survivants perdus derrière les lignes ennemies, une guerre mondiale historiquement très différente de notre triste Histoire : voilà l’ambiance proposée par ce Broken Lines de PortaPlay ayant pour ambition de proposer du Tactical RPG décontracté (dans l’action) et très sérieux (dans ce qu’il raconte).

8 secondes chrono

Puisque Broken Line est fier de l’histoire qu’il raconte, bien qu’elle soit d’un certain conventionnel pour un scénario à twist, cette critique ne viendra jamais narrer ce que vous trouverez dans ce jeu tactique qui est toutefois bien teinté d’un aspect prétentieux/tristounet qui sied toujours bien à la Guerre, celle qui ne change jamais. Pourtant, celle de Broken Lines n’a rien avoir avec la Seconde Guerre Mondiale de notre réalité. Mais ça, vous le comprendrez bien (trop) vite.

Parlons du gameplay : dans un monde en 3D qui tente de faire du mieux qu’elle peut, cachée par les nombreuses ambiances de brouillard et d’ombre qui envahissent les lieux, il est possible de donner des ordres de mouvements et d’actions précises à vos hommes. Ceux-ci effectueront votre liste, courte ou longue, d’ordres donnés, sur un tour de seulement 8 secondes. Seulement après ces quelques secondes, vous pourrez changer vos ordres, tenter d’autres choses ou continuer la progression du plan élaboré auparavant. Seule condition d’arrêt de ces 8 secondes : si un ennemi est détecté entre temps. Royal, le jeu vous offre alors la possibilité de corriger vos ordres pour ne pas voir cet évènement malencontreux faire échouer toute votre stratégie.

Le risque de ce type de jeu tactique sur quelques secondes données, plutôt que de simples tours à effectuer avec un nombre de points d’action, c’est d’avoir moins l’impression de diriger des troupes que d’assister à une séquence stratégique bien trop morcelée. Moins acteur de votre progression, vous prenez une casquette de réalisateur qui ne sied pas à tout le monde en termes de rythme et d’implication.

Brouillard de guerre

Lors d’une bataille, vous aurez la possibilité d’utiliser davantage que vos armes. Ainsi, chacun des soldats que vous contrôlez pourra utiliser des objets (trousses de soins, grenades) au nombre de deux types seulement par personnage. Des compétences seront aussi au rendez-vous, à débloquer au fil des réussites, pour vous permettre de courir plus vite, de mieux viser, tout cela temporairement et sur validation du joueur lors de la phase d’ordres. Quelques caractéristiques sont enfin proposées pour différencier très légèrement nos hommes et femmes sur le terrain.

Très bourrin, demandant la plupart du temps de déceler des ennemis dans la brume, de se mettre à couvert (derrière tous les objets indiqués d’un liseré bleu, avec pourcentage de chance d’être touché et de toucher l’ennemi en prime), Broken Lines manque clairement de s’intéresser sérieusement à son principe de compétences qui n’est clairement là que dans l’espoir que le joueur s’en serve « pour voir » et qu’il dynamise quelque peu l’action à l’écran. Sans cela, la répétitivité est de mise et fonctionne très bien : on avance, on détecte, on se met à couvert et on tire. De plusieurs façons : les snipers pourront préciser leurs tirs, certain.e.s pourront aussi utiliser leur fusil mitrailleur pour arroser un endroit précis, mais on s’en tiendra à ce genre de petits fioritures bien efficaces, tant pis pour les visées de l’aigle et autres amusants mais désuets bonus.

Un petit drapeau vous guidera vers la zone finale de votre niveau. Chacun de vos personnages devra survivre jusque-là si vous voulez les garder pour les niveaux suivants : il y a donc de la mort permanente, mais elle est plutôt facile à éviter. Si un.e soldat tombe au combat, alors celui-ci git au sol et ne demande que de l’aide d’un de ses coéquipiers pour revenir dans le jeu et tenter de survivre. Attention cependant, car chaque soldat ne peut frôler la mort qu’une fois. S’il est remis à terre dans le même niveau, c’est pour toujours.

Vous débloquerez jusqu’à huit soldats et seulement quatre ou cinq partiront en mission. En les choisissant, vous les équiperez et ferez aussi attention à leur santé. S’ils possèdent une quelconque blessure, alors ils mourront dès la première mise à terre. Pour faire passer ces maux bien handicapants, rien de tel qu’une bonne sieste réparatrice.

Gestion de compagnie au clair de lune

Après chaque mission, vous revenez au camp : l’occasion de discuter de ce qui s’est passé, d’avoir des interactions entre vos soldats qui développerons des traits de caractères et des amitiés (ou non) entre eux. Tout cela forme un ersatz extrêmement timide de « livre dont vous êtes le héros » ou vous ferez des choix qui mèneront les personnages à des embranchements de dialogues différents. Finalement, vous y gagnerez plus ou moins de « sang-froid », qui n’est autre que la jauge de moral de vos troupes.

Si le sang-froid tombe à zéro, c’est l’apocalypse, la tristesse, le désordre et le Game Over. Il faudra veiller à faire les bons choix de dialogues pour ne pas trop en perdre. Voir ses amis mourir au combat fait aussi perdre du sang-froid, comme la perte de civils pendant vos affrontements. Des évènements aux conséquences aléatoires entre chaque mission sont aussi disponibles, que vous pouvez activer ou non par ailleurs. Néanmoins, comme dans toute sa proposition, Broken Lines est très gentillet sur sa difficulté et vous ne devriez pas avoir trop de soucis. Surtout en échangeant toutes les ressources obtenues sur le terrain auprès de votre marchand itinérant, qui vous offrira des rations en contrepartie. Ainsi, aucun sang-froid ne sera perdu entre les niveaux.

Un niveau équivaut à une journée et entre chacune, on dort. Mais une fois bien réveillé, avant de partir en mission, encore faut-il la choisir. C’est sur la carte de la zone que cela se décidera et parfois, vous aurez réellement plusieurs embranchements très différents aux objectifs diversifiés. C’est la promesse tenue de l’originalité du jeu que nous tenons dans cette simple idée : l’ordre choisi des missions mènera à une des quelques fins du jeu, pas toutes heureuses. À vous de faire les bons choix. Une partie se terminant en 6 heures, au grand maximum, vous aurez tout loisir de recommencer le jeu pour en découvrir les autres chemins.

Promesses fragiles

Proposant une tactique facile et excessivement bourrin qui ne propose de la finesse que pour ceux qui viendront la chercher, Broken Lines pêche surtout par un manque cruel d’évolution de gameplay. Les trois premières missions ressemblent aux trois dernières et le récit, triste, sombre, à la limite de la caricature dans son traitement visuel et sonore, manque cruellement de toucher et d’amener le joueur dans ce que le jeu veut raconter. On ne se lie pas vraiment d’affection pour les personnages et quand ils meurent, seuls ceux qui prendront l’absence de raté comme un vrai challenge y trouverons de quoi recommencer les missions pour mieux faire. Les autres n’auront aucun mal à sacrifier un ou deux des héros de ce jeu. Mieux : cela amène un peu de difficulté au tout puisque morts, ils ne peuvent pas servir à échanger un héros blessé pour la mission suivante.

Nous sommes devant un jeu au traitement beaucoup trop simple pour mettre en avant ses ambitions. Le traitement visuel, la façon de raconter les choses à bases de simples bulles de dialogues, l’absence de réels personnages secondaires en dehors du marchant itinérant, rend ce monde froid et sans vie absolument inintéressant. Le twist final arrive, on ne s’en étonne pas et quelle que soit la fin atteinte, ce n’est pas franchement inoubliable. Le plus décevant est dans ce level-design beaucoup trop copié-collé d’un niveau à un autre, ou il vous suffit de longer les bords de la carte et de piquer droit sur l’objectif dès que possible pour esquiver un maximum d’ennemis et vous offrir une victoire facile avec seulement quelques affrontements sur le chemin. Ajoutez à cela de vrais problèmes de mouvements de la part de l’I.A et quelques statistiques et jets de dés incompréhensibles parfois, histoire d’avoir un joli bouquet fané de bonnes idées ayant pris un gros coup de vent lors du transport des troupes.

Volontairement grand public mais beaucoup trop simple dans ses mécaniques, Broken Lines propose une histoire de six heures à rejouer plusieurs fois pour en découvrir tous les tenants et aboutissants. Néanmoins, pas sûr que vous relanciez une partie une fois la première ligne droite terminée, tant les niveaux se suivent et se ressemblent. Il y avait des idées, mais l’exécution est répétitive et n’offre aucune évolution amusante de gameplay. Notons toutefois que le jeu sort sur Nintendo Switch ce qui, pour un public plus large que celui que l'on retrouve habituellement sur PC, est moins ennuyant à découvrir.

Image de SkyWilly

SkyWilly

Rédacteur en chef collectionneur de Skylanders et qui passe beaucoup trop de temps sur ces briques Lego. Heureusement qu'il y a des petits jeux pour s'évader ! Auteur de Le jeu vidéo indépendant en 2015 : Portraits de créateurs

D'autres Critiques

Laisser un commentaire