Rapide Critique
Développeur : Wales Interactive, Good Gate Media
Éditeur : Wales Interactive – Date de Sortie : 31 mars 2020 – Prix : 12,99 €
Le nom de Wales Interactive ne vous dit sans doute encore rien. Cependant si d’aventure les jeux narratifs méritent habituellement votre attention, il est fort possible que vous ayez déjà posé les yeux ou les mains sur une de leurs productions. Développeur et éditeur indépendant, Wales Interactive se targue à qui veut l’entendre d’explorer à leur façon notre medium numérique favori à l’aide de la réalité virtuelle ou encore de la full motion vidéo. Fort de plusieurs collaborations avec divers développeurs eux aussi indépendants, ils comptent dans leur portfolio des films interactifs tels que The Shapeshifting Detective ou The Bunker, que votre obligé avait fort apprécié, ou bien encore Late Shift qu’il me reste encore à explorer.
Quand bien même la full motion video ait été utilisée auparavant dans d’autres circonstances que celles de jeux narratifs, Wales Interactive s’est majoritairement, voire exclusivement, démarqué dans cette utilisation spécifique du format vidéo. Je me rappelle alors que dans la partie publique d’une très bruyante Gamescom, on me présentait alors The Bunker comme l’accomplissement d’un éditeur aux multiples casquettes ayant cette envie de faire appel aux talents locaux de sa région. De purs produits du terroir gallois en somme.
The Complex, dernière production maison en collaboration avec Good Gate Media, est un film interactif d’environ deux heures et plus, dont les issues seront déterminées par les choix de chacun. L’unique interactivité qu’il propose passe par une série de choix qui interviendront aux moments charnières de son intrigue. Ces choix détermineront ainsi le dénouement final d’un jeu aux fins multiples qui en comptabilisent au moins neuf. Des conclusions qui parfois diffèrent sur un détail, sans jamais nous apporter une fin totalement heureuse. The Complex n’aime pas les happy ending et ce n’est pas un mal.
Le plus intéressant d’un point de vue strictement narratif vient principalement du fait qu’une décision en apparence anodine, prise au début de l’expérience, peut très bien avoir des répercussions sur le long terme en nous revenant dans la figure alors que la conclusion approche à grands pas. Le jeu d’acteur et le rythme à couteaux tirés s’intensifient de plus en plus à mesure que l’on approche du dénouement final, et participent à cette ambiance de tension constante. The Complex aime aussi jouer avec des questions de morale, notamment en matière d’éthique scientifique et sociale, tout en nous mettant par moment face à la nécessité de décider de vie ou de mort.
Ce film interactif doit énormément à ses acteurs dont l’alchimie est palpable, un élément vital étant donné que l’intrigue tourne principalement autour de deux protagonistes partageant un passé commun. Sa première force venant avant tout du Dr Amy Tenant, interprétée à l’écran par Michelle Mylett, délivrant une très bonne performance tout en subtilité. Le reste du casting comprenant des personnalités comme Kate Dickie ou Al Weaver, apporte sa pierre à un édifice plutôt solide. The Complex témoigne d’une certaine sobriété de mise en scène et de jeu qui évite de trop en faire. Sans forcément prétendre à une production hollywoodienne, on évite de loin l’amateurisme des anciennes gloires de la full motion video pour quelque chose de bien plus proche d’une bonne réalisation britannique comme leur télévision nous en a régulièrement abreuvé depuis plusieurs années déjà.
Il reste dommage cela dit que son scénario n’ait eu ou pris le temps d’explorer plus loin ses questionnements en matière de bioéthique et des travers de la science quand son pouvoir est notamment utilisé à des fins néfastes. Celui-ci tend au contraire le plus souvent à jouer sur un registre plus émotionnel qu’intellectuel, ce qui n’est pas un mal mais seulement un choix de style. Ce choix scénaristique trivialise à mon sens les débordements abordés comme l’expérimentation sur l’humain ou encore le détournement d’une biotechnologie pour faire du profit au détriment du plus grand nombre. Ces notions sont là mais rarement abordées en profondeur, s’agissant là de mon seul regret. On appréciera tout de même que chaque fin dresse le (notre) portrait psychologique de notre héroïne selon nos choix pris en cours de route.
C’est un peu complètement par hasard et de façon presque prémonitoire que The Complex nous arrive avec son intrigue sur un virus tueur sur fond de confinement involontaire de ses protagonistes principaux. Etant un film interactif, notre pouvoir décisionnel passera uniquement par le biais de choix à prendre, parfois semblant sans importance, à d’autres étant de toute évidence tout le contraire. Et pourtant, toute décision s’y révèlera de premier ordre. Il ne révolutionne rien mais son écriture et son jeu d’acteur fonctionnent bien ensemble pour nous réserver leur lot de surprises. Un jeu narratif aux ambitions modérées qui a le mérite d’être bien fait à défaut de tout bouleverser.
Vasquaal
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