Rapide Critique

Coffee Talk

Développeur : Toge Productions – Éditeur : Toge Productions –
Date de Sortie : 29 janvier 2020 – Prix : 11 €

La culture populaire nous a habitué à une chose : les bars sont un endroit où les âmes en peine viennent se délester de leurs soucis un verre à la main. La personne derrière le comptoir acquière soit le sacré pouvoir d’écouter et d’exorciser les péchés, soit un diplôme en psychologie. Ainsi devenu docteur ès bobo mental, notre barman se transforme en confident le temps d’une soirée. À lui ou elle de trouver les bons mots et les bons breuvages qui vont permettre de libérer ce pèlerin esseulé. Une belle fiction que l’on rencontre rarement dans la vie et encore moins lorsqu’on parle d’un café et non d’un bar.

Coffee Talk vous place derrière le comptoir, à la direction d’un café un peu spécial, car il n’ouvre que la nuit. De l’aveu du principal protagoniste, vous en l’occurrence, la nuit est une période où les gens ont toujours envie d’une boisson chaude et d’un endroit chaleureux pour être tranquille ou trouver une épaule qui ne nous jugera pas. C’est dans ce contexte bienveillant que commence votre aventure d’une demi-douzaine d’heures.

Le café accueille des personnes de tous les environs, des habitués ou d’autres qui ne passeront qu’en coup de vent le temps d’un espresso. L’univers créé par Toge Productions introduit des races provenant du folklore comme des vampires ou des elfes afin d’exclure toute interprétation de racismes ou autres haines que l’on pourrait faire suite aux dialogues et situations contés.

Coffee Talk est un jeu vidéo extrêmement bavard et non avare en idées bien difficiles à lire. À mesure que les textes défilent comme dans un visual novel, vous allez petit à petit découvrir qu’il ne s’agit pas d’un jeu où vous êtes barman, mais d’un jeu où vous, joueur ou joueuse, allez devenir le vaisseau de tous les maux qui gangrènent la société actuelle. Ce jeu est tout simplement le recueil de tout ce qui peut frustrer, énerver, vexer l’équipe de développement indonésienne et par extension, beaucoup de monde, dont moi.

En vrac et pour ne pas trop vous gâcher le récit, on retrouve des histoires en rapport avec les sites de rencontre, de harcèlement, d’amour impossible à cause de différences de cultures, d’écologie (cette phase m’a totalement retourné le cerveau) et même des plaintes des développeurs eux-mêmes face à la culture du crunch (le fait de travailler très longtemps), des dépressions, des salons et des flots de haine issus de commentaires sur internet.

Entre ces moments lourds de sens, Coffee Talk se reprend en main et propose des moments plus légers avec la confection de boissons chaudes à destination de nos clients et confidents. Avec une base de cinq éléments – café, chocolat, thé, thé vert et lait – et de cinq suppléments – gingembre, miel, menthe, cannelle et citron – vous devez concevoir le remontant souhaité d’après quelques mots ou idées conférés par le demandeur. Parfois la personne saura exactement ce qu’elle veut et si vous connaissez la recette, cela lui fera plaisir. Si vous vous plantez, ce n’est pas grave, l’aventure continuera avec ces erreurs en tête. Si vous avez la chance ou le talent d’un barista, vous aurez la possibilité de découvrir la vraie fin du jeu. Pour savoir si vous avancez dans le bon sens, votre téléphone fictif donne l’état d’avancement par arc de personnage. Un autre onglet liste toutes les recettes connues, c’est plutôt bien fait.

Pour conclure, même si j’ai été bouleversé par certains récits, il est tout de même difficile de conseiller Coffee Talk. Avant de l’acheter, ayez bien en tête que vous n’allez pas assister à une vraie histoire fantastique où, entre autres, une succube et un elfe tentent de tout faire pour rester ensemble malgré leurs familles qui sont contre. Nous avons ici un jugement clair et dur de notre société. Les seuls gants et masques pris pour éviter que ça nous éclate trop évidemment à la figure sont ses superbes graphismes et son univers. La création de café n’est que secondaire, bien qu’elle mène à différentes fins et le rythme global est très lent, à tel point qu’il m’arrivait de jouer sur la Switch en parallèle et d’avoir complètement suivi le récit. Toge Productions a balancé tout ce qu’il avait sur le cœur, l’a enrobé dans un magnifique écrin, mais cela n’en fait pas un bon jeu vidéo pour autant. Mais a contrario, je ne vois pas quel autre medium serait le plus adéquat à recevoir ce postulat. À réserver si vous voulez beaucoup lire et vous énerver encore plus contre cette société perfectible qu’est la nôtre.

Image de Zhykos

Zhykos

Touche à tout, mais toujours avec plusieurs mois de retard ; tellement de retard que mon PC n'a pas évolué depuis 2008 quand j'ai commencé à parler de jeux vidéo sur le net.

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