Critique

Final Fantasy VII Remake

Développeur : Square Enix – Éditeur : Square Enix – Date de Sortie : 10 avril 2020 – Prix : 65 €

Le 17 novembre 1997, le petit Shutan, 16 ans, se rend à son Stock Games local afin de mettre les pattes sur son premier Final Fantasy. Le voyage fut indescriptible, malgré une traduction bancale ne permettant pas une compréhension globale immédiate du jeu. Mature, spectaculaire, vaste, FF7 devient un titre culte, malgré ses nombreux défauts. 23 ans plus tard, après plusieurs ressorties sur toutes les plateformes, un véritable Remake sort, et 23 ans c’est long. Les artistes de chez Square Enix vont il raviver la flamme ?

Pinaille Fantasy

Alors déjà, on va évacuer l’éléphant dans la pièce : ce n’est pas un remake complet. La jaquette n’en dit pas grand chose (si ce n’est un énigmatique « première partie » en légende d’une photo à l’arrière de la boîte) mais ce jeu ne reprend que les évènements du début de l’aventure, entre l’attaque du réacteur Mako numéro 1 et la fuite désespérée du bâtiment de la Shinra sur l’autoroute en travaux. Des évènements qui prenaient environ 5 ou 6 heures en prenant son temps et qui faisaient office d’introduction : le groupe de PJ est à peu près complet, des évènements ont soudé leur unité et un objectif est défini : arrêter Sephiroth, pour l’empêcher de faire un truc de méchant qu’on sait pas trop encore ce que c’est mais c’est un truc de méchant. Bon. Ben là c’est à peu près pareil, mais en plus long.

"Y'en a un peu plus je vous le laisse ?"

Ce remake va donc nous permettre de retrouver Cloud, Tifa, Barret et Aerith dans les divers environnements de Midgar, la ville dystopique Cyberpunk tentaculaire, où les plateaux ultras modernes et tout confort vivent aux dépens des taudis situés dessous, où règne la misère, la pauvreté, la crasse mais où les gens sont quand même super sympas et s’entraident, s’organisent, et font avec. Dans l’original, compte tenu de sa présentation à l’ancienne, on voyait surtout la ville du dessus, les décors précalculés, pour des raisons de technique et de praticité ne permettaient pas vraiment de se rendre compte du gigantisme et de l’écrasement psychologique que pouvaient subir les habitants des bidonvilles. 

Les plateaux remplacent le ciel diurne et nocturne, et les maigres rayons de soleil qui parviennent jusqu’aux habitants n’éclairent qu’un paysage gris, terne et stérile, composé de maisons montées de bric et de broc, de montagnes de détritus technologiques, de bâtiments en ruine et de paysages désolés peuplés de bestioles affreuses. Ces décors, on va pouvoir les parcourir en long et en large car contrairement au jeu original, ici, l’intrigue prend plus de temps pour s’exposer. Si l’épisode Midgar durait en gros 5 heures, là on va pouvoir quasiment décupler le temps de jeu, permettant alors d’ajouter des péripéties, des nouveaux personnages, souvent dispensables, de rendre les anciens personnages beaucoup plus attachants et développés. 

Le trio Biggs, Wedge et Jessie prend une plus grande importance et a plus de moments intéressants, là où dans l’original ils n’étaient guère plus que des faire-valoir, limite chair à canon et dont le sort importait peu. Chaque quartier visité va avoir droit à ses habitants uniques, et une foule de gens vaquant à leurs occupations, s’inquiétant des évènements, apeurés, stockant du papier toilette, etc. Chaque décor, nouveau ou ancien, fourmille de détails, rendant la ville plus crédible. Les taudis du secteur 7 avant, c’était juste la gare, le bar de Tifa et le parc à l’entrée, là on a vraiment l’impression d’être dans une ville qui vit, meurt souffre, respire.

Rallongez-vous et racontez-moi tout

Alors ajouter du temps de jeu, est-ce une bonne idée ? Oui, bien sûr, quand c’est bien fait. Rallonger la sauce avec plus de sauce c’est une bonne chose. Là on a évidemment de la sauce, mais avec des gros morceaux de remplissage dedans quand même. Parlons de ce qui peut fâcher : les quêtes. Dans l’original, il n’y avait pas ce genre de péripéties, et ce même plus tard. Les quêtes étaient cachées, et permettaient de récupérer des armes ultimes et/ou les limites ultimes. Parfois c’était complètement énigmatique. La dernière limite d’Aerith, par exemple, il fallait parler à un mec dans une grotte après avoir accompli un nombre de combats multiple de 11 pairs ou impairs, puis donner l’objet reçu dans un des deux cas à un collectionneur d’arme planqué à l’autre bout de la carte du monde, puis ouvrir la bonne boîte. Voilà, évidemment rien de tout cela n’était expliqué nulle part. 

De même les affiches qui trainaient un peu partout pour un bar, et qui, si on les avait toutes vues, donnaient accès à un objet spécial, etc. Ici rien de tout cela, évidemment. Les quêtes (il y en a 26, 24 faisables en un seul cheminement) sont beaucoup plus classiques : aller buter un gros monstre, gagner un concours, retrouver des enfants perdus, etc. Malgré leur côté un poil artificiel, leur intégration est souvent bien faite, ajoute un background bienvenu et est représentative de la nature de Cloud : c’est un mercenaire, et à ce titre il peut remplir des missions de ce type. Le souci avec ce système et le fonctionnement en chapitres du jeu, c’est qu’une quête « oubliée » ne peut pas être réalisée ensuite. En effet, elles sont liées à un moment clé du jeu et comme les chemins sont extrêmement balisés, il est impossible une fois l’aventure rendue à un point, de revenir en arrière. Cela peut être frustrant, mais heureusement, le jeu prévient quand on va atteindre un point de non-retour. 

La plupart du temps, les récompenses valent le coup, et comme il n’y a que peu de combats aléatoires, les quêtes sont souvent un bon moyen de gagner de l’expérience et de pratiquer le nouveau système de combat. Et comme dit Biggs au début de l’aventure : « ça te fera de la pub ! »  Et ça permet de remplir les poches et le livre de quêtes… A cela peuvent s’ajouter les requêtes de Chadley, qui sont des rapports de combat classiques. Mais comme les affrontements sont une partie très importante du jeu, ça va.

Midgar à vous, nous voilà

Contrairement à l’original, le système de combat n’est plus vraiment du tour par tour, mais une espèce de semi-temps réel. Très inspiré des MMORPG, tout en étant plus dynamique, les combats sont spectaculaires, grandioses et, quand on les fait pour la première fois, sans être bien préparé, souvent épiques et désespérés. Chaque personnage possède son style de combat, et ses compétences, acquises avec les armes. 

Chaque arme débloque un coup spécial, et l’apprendre permet de l’utiliser avec n’importe quelle arme. De plus elles sont toutes améliorables en y investissant des points d’armes, ce qui fait que même l’épée broyeuse du début du jeu peut être viable à la fin, si on y a investi les « bons » points. À ces caractéristiques s’ajoutent les incontournables matérias, des boules magiques à insérer dans les armes et objets de protection et qui sont de plusieurs types : magie, invocation, effets spéciaux, gains divers, etc. Au fil des combats, les matérias vont gagner de l’expérience et s’améliorer.

Les combats en eux même ressemblent un peu à ceux de Final fantasy XIII, ou Persona, mais où on peut bouger nos personnages librement, à la Tales Of. On peut laisser l’IA bosser avec les autres personnages, mais il est plus intéressant de basculer assez souvent de l’un à l’autre. Les ennemis ont des faiblesses à exploiter qui les mettent en état de choc, permettant alors de déchaîner les attaques les plus puissantes avant que la bestiole ne se relève. Parfois il va falloir utiliser une magie spécifique, parfois c’est une technique spéciale au bon moment qui va faire monter la barre de choc, chaque ennemi a ses spécificités et le bestiaire, assez rempli, permet de beaux combats, surtout les boss.

Malheureusement, le système à première vue semble un poil brouillon et ne permet pas franchement de s’amuser pleinement avant d’atteindre une vingtaine d’heure de jeu, ce qui est un poil long, mais l’avantage c’est qu’il ne fait que s’améliorer sur toute la durée. Les affrontements faiblards et répétitifs du début du jeu ne ressemblent en rien aux ballets de Tifa et Cloud appuyés par la magie d’Aerith et les tirs de Barret de la fin du jeu.

Une Avalanche de péripéties

Revenons un peu sur le déroulement du jeu. Il faut imaginer un peu l’aventure comme l’adaptation en jeu vidéo d’un film, voyez, quand d’une péripétie sans grande importance on en fait un niveau ultra long et relou. Par exemple : Dans Star Wars Episode 1, le moment où Qui-Gon Jinn et Obi-Wan se baladent dans le vaisseau de la fédération du commerce afin de trouver le pont d’envol et descendre sur Naboo, ça dure quoi cinq minutes dans le film ? Dans l’adaptation en jeu vidéo, c’est un interminable labyrinthe de couloirs et de boutons à activer pour ouvrir des portes et pousser des machins. Bon ben là, c’est à peu près pareil, ce qui prenait quelques minutes dans l’original prend des heures ici. Alors par contre, attention, contrairement à l’exemple ci-dessus, c’est vraiment bien fait et bien amené. Même si parfois on sent que des bouts de carte ont été rajoutés vraiment juste pour faire perdre du temps, comme il y a des combats et que ceux-ci sont très agréables, on s’amuse beaucoup à parcourir couloir, coursives, gaines techniques, tuyaux, champs de ruines et bureaux ultra modernes.

Comme on passe plus de temps dans les endroits on en apprécie aussi leur gigantisme. Et évidemment chaque lieu présent dans l’original est présent dans le Remake, améioré, agrandi, beaucoup plus détaillé. Les ennemis de l’original répondent tous présents, même les plus bizarres. Mention honorable pour les quêtes des robes pour entrer chez Cornéo, remaniées et permettant, encore une fois, de sortir Wall Market de l’ébauche de quartier festif qu’il était dans l’original. Ici, il rappelle fortement le Kamurocho des jeux Yakuza, mini jeux idiots, quêtes annexes rigolottes et personnages intéressants inclus. Le contraste entre les bidonvilles du secteur 5 et 7 et cette zone en est encore plus frappant.

Beginning Fantasy 7

J’aimerais encore écrire tant et tant de choses sur ce jeu, j’y ai passé un moment fou, fort et très agréable et ce malgré ses petits défauts. Déjà, le plus important, ce n’est qu’un début. Certes les péripéties forment une histoire conforme, mais plein d’éléments ne sont qu’à peine abordés, et même en ayant fait l’original, on ne peut que se sentir frustré une fois à la fin du jeu qu’il ne s’agisse presque que d’une mise en jambe. Les nouveaux arrivants vont être peut-être perdus par l’avalanche d’histoires secondaires qui ne sont jamais résolues, car ce sont des points scénaristiques importants dans « l’après ». Alors, ce n’est pas la première fois qu’un jeu nous laisse en plan avec un début d’histoire non terminé, mais là ça peut laisser pas mal de gens sur le carreau. Malgré cela, même si elle fait partie d’un grand tout, l’aventure proposée dans cette première partie du Remake est suffisamment longue et développée pour tenir une quarantaine d’heure, et bien plus sur le contenu endgame, donc ce n’est pas vraiment le foutage de tronche que certain sous-entendent. De plus, l’histoire du jeu recèle pas mal de nouveaux rebondissements qui vont surprendre les vieux briscards, et faire partir l’aventure dans une direction qui n’est pas forcément celle dont ils se souviennent. Un pari osé, à voir s’il tient sur la durée.

Pour finir, un point technique : même si le jeu est souvent magnifique et propose des décors grandioses, quand on s’arrête un peu et qu’on regarde d’un peu près certains environnements, on peut constater des textures parfois vraiment crades et en très basse définition (les portes de l’hôtel où logent Cloud et Tifa en sont un exemple typique). Est-ce un manque de temps, une contrainte technique ? On peut aussi ajouter certains pop de textures à certains endroits. C’est du pinaillage, compte tenu du niveau de qualité global, mais ça fait un peu tâche. À espérer une amélioration dans un prochain patch ou pour la sortie PC à la fin de l’exclusivité. Sinon tout baigne. Ah oui, les musiques sont d’excellente qualité, tous les thèmes originaux sont présents remaniés, réorchestrés, détournés, interactivisés (ça existe pas, mais bon) dans une débauche de plaisir pour les oreilles des fans et des autres. Pour les puristes il est possible aussi de mettre les voix en japonais afin de bénéficier de la Sainte Version Originale. Pour ma part, j’ai trouvé que le cast VF faisait un très bon boulot et mérite qu’on les écoute. L’adaptation est évidemment de bien meilleure qualité que la traduction de l’original, et il est enfin possible de comprendre ce qui se passe réellement.

Final Fantasy 7 Remake est un jeu de grande qualité, réalisé par une équipe talentueuse, bourré de contenu, remplaçant l'introduction un peu rapide du jeu original par une aventure épique, riche en rebondissements, en moments de bravoure, rendant les personnages plus "vrais", attachants et complexes. Ce remake est une réussite qu'il serait dommage de bouder. Attention toutefois si vous débarquez dans l'univers de FFVII, la balade risque d'être un poil frustrante, mais bon rien ne vous empêche de refaire l'original ensuite si vous vous sentez perdu.

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Shutan

Rétrogamer dans l'âme, mais ouvert aux nouveautés.

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