Critique

Dirt 5

Développeur : Codemasters – Éditeur : Codemasters – Date de Sortie : 6 novembre 2020 – Prix : 70 €

Critique Dirt 5

Quelques mois après l’excellent F1 2020 – qui méritait largement une Sélection s’il ne s’agissait pas d’un jeu annuel – Codemasters revient avec sa licence dédiée aux courses arcade, fun et sans prise de tête. Nous avons parcouru le monde à bord de bolides en tous genres, survécu à la boue et la neige, mais Dirt 5 survivra-t-il à notre jugement ?

Carnet d'entretien

En 2007, Codemasters s’écarta de la piste du rallye pour rejoindre l’écurie de la course arcade. Bien que de nombreuses épreuves de la discipline reine soient encore jouables, la saga Dirt annonçait un virage serré vers des courses plus accessibles au grand public. Deux ans plus tard, Dirt 2 enfonçait le clou dans les pneus de la concurrence avec un magnifique jeu – j’hésite encore à le qualifier de « meilleur de la série », en ballottage avec le 3 – où le divertissement était maître. Le 3 faisait encore plus fort avec une tonne de compétitions différentes avec, notamment, l’arrivée du gymkhana propulsé par le sympathique Ken Block – ancien patron de DC Shoes, connu pour ses vidéos. Le jeu était cependant un peu lourd avec son narrateur à la cool et décontracté qui nous poussait à constamment téléverser nos rediffusions sur YouTube… Quant à Dirt 4, je n’ai pas d’avis (mais Bestio a donné le sien), car je suis passé à Dirt Rally – oui le studio britannique est reparti à ses premiers amours et quel jeu ! – et il m’a suivi quelques années. Nous sommes en 2020, une grosse année de merde et Dirt 5 sort enfin pour égailler notre vie morose et confinée.

Révision des 13 ans

Voilà 13 ans que Dirt suit ma passion du jeu automobile. Si la première version était un digne héritier de la saga Colin McRae, la formule a peu à peu changé au profit de courses à la cool dans des environnements variés, avec un ton très arcade, proche des succès comme Burnout, Need for Speed ou plus tard Forza Horizon. Cette cinquième édition nous emmène dans des pays comme la Grèce, l’Afrique du Sud ou la Chine et ça fait du bien de voyager en ce moment. À chaque endroit, son propre style de décor et de piste. Dirt 5 se targue aussi d’avoir plusieurs modes comme l’Ultra Cross, l’Ice Breaker, le Sprint, le Rally Raid ou le Stampede, qui, soyons honnêtes, n’ont de variété que le nom. Que vous soyez sur la boue, la terre ou la neige, les voitures ont exactement le même comportement. Seuls la glace et le bitume apportent une sensation de savon ou d’accroche sur la route.

On peut noter cinq modes qui sortent de l’ordinaire : le Sprint avec la Jupiter Hawk 410 – une voiture puissante et légère que je déteste, je n’ai jamais fini une course autrement qu’en dernière position – ; le Land Rush qui consiste à gravir une voie composée de sauts – avec une physique totalement pétée qui vous fait valdinguer pendant de nombreuses secondes – ; le Gate Crasher où il faut passer des checkpoints sur des circuits loufoques (une seule course dans le mode carrière) ; le Smash Attack où il faut détruire des ballons dans une arène (une seule aussi dans la carrière) ; et le gymkhana où il faut réaliser des figures pour engranger des points.

En plus de ces modes de jeu, Dirt 5 propose de jouer avec des amis en local (via un écran séparé) ou via internet. L’autre ajout très appréciable vient d’un éditeur de niveau pour le Gate Crasher, le Smash Attack et le gymkhana. À l’instar de Trackmania, vous avez le champ libre pour placer des éléments de décor et de circuit dans une arène prévue à cet effet. Une fois votre création terminée, vous pouvez la partager à l’aide du système intégré. C’est plutôt bien fait et apporte du contenu bienvenu, car c’est là que le bât blesse.

Permis B comme bof

Dirt 5 nous accueille presque comme… je m’étais juré de ne pas faire de comparaison, mais c’est impossible… Forza Horizon. Vraiment ! Deux hommes nous parlent à travers un podcast fictif dont le sujet est un championnat automobile dominé par un certain AJ. Vous, joueur ou joueuse, êtes un rookie dont le but sera de gagner ledit championnat. Des personnalités comme Alex Janicek (AJ) ou Bruno Durand viendront de temps en temps vous tacler dans ces enregistrements au goût douteux et aux propos sans saveur.

Votre carrière se résume très rapidement : il y a 130 épreuves et vous allez les enchaîner. Les courses rapportent une à trois médailles (votre classement en gros) et en terminer une débloque la prochaine. L’arbre du championnat est découpé en gros morceaux où chacun est accessible contre un minimum de médailles. Et pour les courses, ça se passe comme cela : vous choisissez une course disponible, vous sélectionnez une voiture parmi celles autorisées – vous pouvez acheter celles qui sont bloquées à l’aide de l’argent gagné précédemment – ainsi que sa livrée, vous roulez, vous réussissez les objectifs secondaires (faire 3 drifts par exemple) ou pas, vous regardez les écrans avec des tonnes de trucs inutiles défiler et vous recommencez. Vous ferez cela pendant 15 à 20 heures. Et vous aurez terminé le jeu. Ensuite, à vous la joie du multijoueur ou de refaire les mêmes courses en mode libre en boucle et en boucle. Heureusement qu’il y a les arènes partagées et l’éditeur pour améliorer l’expérience sur le long terme.

Équilibrage et parallélisme

D’aucuns pourraient me dire qu’il s’agit d’un jeu de bagnole et qu’enchaîner les courses comme on enchaîne les soudures à l’usine n’est pas un défaut. Oui, c’est effectivement le cas, d’autant plus que je mettais en avant Dirt 2 et 3 plus tôt dans cette critique. Je pourrais même citer F1 2020, Dirt Rally ou Grid (le premier hein) qui sont d’excellents jeux, peut-être les meilleurs dans leur catégorie, et qui utilisaient exactement le même principe d’enchaînement de courses. Mais eux avaient un petit quelque chose en plus qu’on ne retrouve pas dans cette cinquième édition.

Loin de moi vouloir à tout prix un monde ouvert comme Horizon ou Heat, mais le manque d’âme du mode carrière est affligeant. Il n’y a absolument rien qui nous pousse à aller de l’avant ou prendre du plaisir. Le déroulement des courses est identique du début à la fin même s’il y a parfois quelques épreuves qui sortent de l’ordinaire. Il y a bien les Throwdowns, des challenges à débloquer contre des rivaux, mais ils sont optionnels et pas du tout promus. C’est comme s’ils avaient été développés, mais sans savoir quoi en faire. Un système de rivalité avec des hommes et des femmes avec du charisme et de la prestance dans le podcast fictif aurait été une idée géniale. La concurrence fait mieux – Codemasters a déjà fait mieux – depuis de longues années.

Mettons cet aspect secondaire de côté, car, avouons-le, nous n’avons pas lancé Dirt pour son scénario, mais pour son fun. Désolé de vous l’apprendre, mais le fun est resté au garage. Le premier fautif est son équilibrage et donc sa gestion de l’intelligence artificielle. Et là, c’est une faute grave avec obligation de contre-visite. Sauf que les contre-visites sont loupées, les correctifs actuellement déployés n’ont rien amélioré. Je n’ai jamais ressenti cela dans un jeu du genre. J’ai littéralement roulé sur le championnat en difficulté moyenne. Je termine avec 359 médailles sur les 375 possibles sans forcer et sans recommencer une seule course a posteriori. L’IA n’offre aucune opposition en mode intermédiaire si vous avez un bagage de conduite virtuelle.

En tant que journaliste total d’investigation et de l’extrême (non), je me suis alors forcé à désactiver le peu d’aide à la conduite : le jeu s’est transformé en Trophée Andros et ma voiture en compote. Et soyons francs, les voitures utilisent l’anti-dérapage lors des compétitions officielles, je ne vois pas donc pas l’intérêt à le désactiver. Marche arrière donc sur ce choix. La dernière option était alors d’augmenter la difficulté : le jeu s’est transformé en Destruction Derby. C’était d’une violence effroyable. À cela s’ajoute un comportement d’IA incompréhensible où les voitures se mettent de temps en temps à la queue leu leu, comme si elles étaient sur un rail de tramway. Tous ces menus détails font que Dirt 5 n’est pas aussi fun que ses prédécesseurs.

Un petit coup de polish

Le manque d’amusement est dommageable d’autant plus que Dirt 5 avait de grandes qualités à faire valoir. Et ce tout d’abord par sa plastique. Même sur PlayStation 4 “Fat” avec le mode performance activé – mode qui privilégie la fluidité à la qualité – nos rétines s’émerveillent lorsque les lumières ont été réglées avec parcimonie. Que ce soit le soleil au petit matin ou les néons qui bordent les pistes de nuit, l’éclairage a bénéficié d’un travail d’orfèvre. On sent que tout a été pensé pour la génération qui arrive en cette fin d’année. Et je dois avouer que même sans le ray tracing – technologie à la mode qui annonce simuler parfaitement la lumière et ses reflets – l’effet waouh est bien présent. Avec une météo dynamique bien foutue – même si le soleil se couche en 2 minutes, c’est bizarre, mais pas pénalisable – les effets changent en temps réel et apportent un vrai plus lors des courses.

Proche des yeux se trouvent les oreilles et malheureusement celles-ci ont été un peu oubliées lors du développement du jeu. En effet, le mixage sonore est catastrophique sur une installation 5.1 moyenne (haut ?) gamme (3 000 € entre les enceintes et l’ampli). Malgré une configuration « Audio 3D », on ne ressent aucunement les adversaires autour. On entend notre moteur en course et c’est tout. Le plus malheureux est que la musique est absente sauf lorsqu’on s’approche de la ligne d’arrivée ou d’installations physiques du championnat (des tribunes par exemple), comme si elle était diffusée aux spectateurs situés en bord de piste. Spectateurs invisibles cela dit en passant. En même temps qui voudrait voir un championnat sans saveur et sans enjeux ? Je me le demande encore.

Critique réalisée sur une version PlayStation 4 avant la sortie du jeu. Le test s’est continué après la sortie du patch 1.03, quelques jours avant la sortie, qui ne semble pas avoir corrigé les problèmes majeurs du titre. Aucun patch n’a été diffusé le 6 novembre, jour de sortie de Dirt 5 (le 7 novembre non plus). Test réalisé en mode performance (60 FPS) plutôt que Qualité (j’ai joué une heure en mode Qualité et j’avoue ne pas avoir vu de grandes différences). Le multijoueur n’a pas été testé, faute d’abonnement au PS+.

Dirt 5 joue un travail d'équilibriste délicat. D'un côté, on a un top modèle hyper beau et élancé, et d'un autre une créature de Frankenstein grise, pâle et peu intelligente. La carrière s’enchaîne tel un salary man japonais qui n'a même pas le droit de s'amuser au karaoké avant de rentrer chez lui. Les épreuves annexes se comptent sur les doigts d'une main estropiée et les courses, malgré leurs libellés sortis d'une école de commerce, se ressemblent toutes. Moi qui aimais de tout mon cœur la saga Dirt, je suis extrêmement déçu par ce manque de risque de ce jeu sans âme dont le seul souvenir restera que j'ai relancé Dirt 3 en souvenir du bon vieux temps.

Image de Zhykos

Zhykos

Touche à tout, mais toujours avec plusieurs mois de retard ; tellement de retard que mon PC n'a pas évolué depuis 2008 quand j'ai commencé à parler de jeux vidéo sur le net.

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