Critique
It Takes Two
Développeur
Hazelight Studios
Éditeur
EA / EA Originals
Date de Sortie
26 mars 2021
Prix de lancement
40 €
Testé sur
PlayStation 5
Après Brothers : A Tales of Two Sons (où l’on contrôlait deux personnages avec une seule manette) et A Way Out (jeu uniquement coopératif), deux jeux qui nous proposaient une narration de plusieurs personnages au sein d’un récit jouable, It Takes Two tente de confirmer les idées et le talent de Hazelight Studios en proposant cette fois une thérapie de couple pas comme les autres. Spoiler : c’est une Sélection GSS amplement méritée et à titre personnel, le meilleur jeu coopératif auquel j’ai joué. Rien que ça.
Comment ça, le meilleur ?
Je vous annonce tout de suite la couleur mais franchement, ça ne sert à rien de tourner autour du pot et surtout, ça me permet d’énumérer gentiment tout ce qui est génial dans It Takes Two sans vous faire languir et jouer les effets d’annonce. Parce que je sais que vous venez sur Game Side Story de vous-même, qu’on n’est pas là pour vous attirer et vous scotcher à votre siège. Bien installé derrière votre écran, qu’il soit moniteur, télévision ou smartphone, vous découvrirez dans cet article que si vous ne l’avez pas encore acheté, It Takes Two va bientôt trouver sa place chez vous.
May et Cody sont un couple. Mais un couple qui se brise de plus en plus. Le divorce n’est pas loin et leur fille Rose s’en rend bien compte. De son imaginaire, elle va créer le Docteur Hakim, un livre proposant une thérapie de couple à May et Cody qui se retrouvent… transformés en petites poupées. A travers toutes les pièces d’une maison familiale, May et Cody vont devoir coopérer et retrouver ce pourquoi ils étaient faits pour être ensemble. It Takes Two tente, sans trop le cacher par ailleurs, de nous parler d’amour au quotidien et de comment l’étincelle doit être préservée tout au long d’une vie pour que tout se passe aussi bien que possible. Il le fait à l’américaine, avec de gros souliers et un fil narratif évident. Mais comme pour A Way Out, son écriture un peu clichée sert à merveille une aventure ludique qui, manettes en main, ne manque pas de grands moments.
Exclusivement jouable à deux, en local ou en ligne (un « Pass Ami » est disponible pour ne payer le jeu qu’une seule fois), It Takes Two va diviser ses idées pour chaque niveau proposé. On a le droit à un jeu de plateformes et de puzzle, d’entraide et de coopération, qui reprend cette idée très classique mais effective « d’une idée par niveau ». Que chaque personnage ait un aimant différent dans le dos (attirant ou repoussant), qu’ils se partagent un lance-clous et un marteau ou toute autre combinaison intéressante d’armes complémentaires sur le terrain, il ne sera jamais possible de se sortir seul des situations proposées. En échange de cette volonté de proposer un jeu totalement coopératif, on a le droit à une maitrise de la mise en scène et des niveaux qui frôlent l’indécence. Chaque niveau a son ambiance, ses idées de gameplay, qui seront exploitées crescendo en qualité et inventivité. Dès qu’un sentiment de répétitivité s’installe, un Boss débarque et on passe à un autre niveau qui remet les joueurs dans un autre contexte, avec un autre gameplay, pour toujours plus de diversité de jeu et encore moins d’ennui. C’est de la Maestria qui a quand même son contrecoup : on remarquera une grosse baisse de qualité dans le tout dernier chapitre du jeu (sur la dizaine proposée) qui choque tant le reste était constamment de grande qualité.
Chéri, la gosse nous a rétrécis !
Des décors très réalistes côtoient une mise en scène et des personnages complètement fantaisistes qui semblent provenir d’un film d’animation moderne. Un peu comme un Pixar de 2020 sans le génie de l’écriture malgré tout, it Takes Two parvient à mélanger habilement le réel et l’animation pour donner vie à une narration qui s’y trouve encore plus de sens. Ici, c’est aussi et surtout le gameplay et la coopération qui en sortent gagnants.
Le jeu est très accessible : pas de vies limitées (sauf contre les Boss), un retour au jeu très rapide, une difficulté progressive bien pensée et des indications de boutons à tous les instants (et bien insérés dans les niveaux) permettent à tout le monde de partager cette aventure de la meilleure des façons. Seuls les sticks analogiques, toujours les pires ennemis des nouveaux joueurs, peuvent demander un léger temps d’adaptation si It Takes Two est le premier jeu en caméra libre du joueur ou de la joueuse. Mais j’oserais dire que c’est le jeu parfait pour appréhender ces commandes une bonne fois pour toutes, tant il ne vous juge jamais lors de vos échecs.
Des musiques en retrait (on ne retiendra aucun des thèmes proposés) mettent cependant très bien en scène les meilleurs moments du jeu. C’est de la musique qui fait son job, sans avoir de grande scène qui sorte du lot dans ce domaine. Curieux de voir à quel point It Takes Two ne tire jamais le meilleur de son art pour toujours laisser l’amusement et la coopération au premier plan. Pourtant, certains moments sont visuellement saisissants. Que vous soyez projetés dans les mécanismes d’une horloge, dans un éblouissant jardin à hauteur de fourmi ou dans une salle de jeu gigantesque, ce moment de partage à deux joueurs saura tirer parti de son univers.
Pour autant, il ne fait pas toujours dans le mignon : avec un sous-propos assez simple, It Takes Two met aussi en scène des durs moments de déconnexion totale entre les deux personnages très terre-à-terre et l’imaginaire qu’ils détruisent, par leur incapacité à faire obstruction de la réalité et de la vie de tous les jours. Coincés dans une routine, happés par la société et ses obligations, ce couple se déchire pour des problèmes d’adultes dont les enfants se fichent, ainsi que tous les protagonistes des différents niveaux fantasmés du jeu. Chaque rencontre avec un personnage imaginaire et/ou fabuleux est l’occasion pour les joueurs de remarquer le décalage et d’en tirer, pourquoi pas, des conclusions sur leur propre condition. C’est malin : grossier, à l’américaine encore une fois, mais malin.
12 heures de jeu, c’est trop long. La dernière partie plus laborieuse est en pente descendante, ce qui est dommage et affecte quelque peu l’expérience. Pas de quoi en retirer le génie, certes, mais on en vient toujours à cette idée que pour contenter le joueur, les studios se forcent à gonfler la durée de vie d’une expérience qui ne méritait pas d’être si élastique en durée. Dans le même ordre d’idée, l’expérience ne sera intéressante qu’en fonction de votre partenaire. Si « A Way Out » se jouait beaucoup mieux avec son ou sa meilleur.e ami.e ou l’être aimé.e, évidemment It Takes Two fonctionne bien mieux en couple qu’entre potes. Les jeux de Hazelight Studios demandent, quelque part, de respecter l’œuvre en jouant avec les bonnes personnes pour en tirer les bonnes ondes. Si vous ne jouez pas le jeu (façon de parler, mais pas seulement), vous passerez à côté de plein de choses et en sortirez potentiellement déçu.
Claque Pixarienne, sans la modernité dans l’écriture mais avec beaucoup de talent de mise en scène et de gestion du fun manettes en main, It Takes Two est un excellent jeu coopératif qui plus est très accessible. S’il est sans doute trop long de trois bonnes heures, avec un final pas si parfait que le reste de l’aventure, il n’en reste pas moins une œuvre qui fonctionne, qui offre son lot de baffes visuelles et enchaîne les niveaux maitrisés et les idées de gameplay comme peu d’autres titres du genre. A jouer en couple, forcément, pour un plus gros impact. Une vraie perle !