Critique
Returnal
Développeur
Housemarque
Éditeur
Sony Interactive Entertainment
Date de Sortie
30 avril 2021
Prix de lancement
70 €
Testé sur
PlayStation 5
Exclusivité PlayStation 5 de son état, Returnal est le dernier jeu du studio Housemarque. Si ce nom ne vous dit rien, rappelez-vous que ce sont ces demomakers Amiga ayant créé Stardust qui ont repris des couleurs avec la bulle indé de 2010 avec entre autres Outland, Resogun ou Nex Machina. Pas trop habitués aux succès publics, les voilà sur une grosse production nommée Returnal qui, pour le coup, va rester dans les mémoires…
À travers l’espace et le temps
Selene est une astronaute. Après un accident de parcours, elle s’écrase sur la planète Atropos. Celle-ci semble tout droit tirée de certains croquis d’HR Giger pour le film Alien de Ridley Scott et pour sûr, les amateurs de la saga y retrouveront certaines inspirations. Le monde est froid, sombre, effrayant et en même temps teinté de mystère. Mais ce qui va davantage rendre l’exploration et la survie de Selene absolument originales, c’est lorsqu’elle fera face à l’hostilité de cette planète et qu’elle y succombera. Car la mort n’est qu’un recommencement : Selene est bloquée dans une mystérieuse boucle temporelle.
Mélange malin de gunfights à la troisième personne qui empruntent autant au monde du beat’em all que du shoot’em up, Returnal est aussi et surtout jonché de salles plus ou moins générées procéduralement qui donnent un aspect « roguelike » au tout. Chaque salle aura, selon l’icône affichée sur la carte, une fonction particulière. Des ennemis à vaincre pour obtenir des ressources et/ou de nouvelles armes, des salles d’armement pour améliorer votre équipement, des endroits bonus, des mécanismes originaux rendant la progression plus amusante, des points de sauvegarde temporaires (et très rares), des salles de Boss et autres fioritures feront donc partie de votre quotidien dans Returnal. Vous apprendrez vite à les reconnaitre, à les chercher et à vous en servir intelligemment dans votre périple et sa progression.
A chaque fois que vous mourez, vous recommencez depuis le début. Vous perdez 99% de votre équipement et de votre « argent », à l’exception d’une monnaie rare (permettant entre autres choses d’obtenir des améliorations et des armes à certains points du jeu pour optimiser votre nouvelle partie) et de quelques artefacts améliorant votre personnage : des parasites qui vous donnent des bonus, mais peuvent aussi vous blinder de malus à faire disparaitre en effectuant quelques micro-missions. C’est très malin.
On va essayer de ne pas trop spoiler la progression mais en termes de bonus « uniques » que vous garderez pour toutes vos parties futures, vous obtiendrez du boost de santé ou de nouveaux types d’arme à « looter ». Comme tout roguelike qui se respect en somme, mais si c’est votre premier jeu du genre vous risquez d’être surpris.e.
C’est un rogue-like… Mais pas que !
Clairement, vous expliquer ce qu’est un rogue like et percer les mystères des complexes mécaniques du jeu ne m’interesse pas dans cette critique, car cela fait partie de la découverte. Ce qu’il faut dire par contre, c’est à quel point Returnal a du style dans tout ce qu’il entreprend.
Du style visuel déjà, c’est indéniable : plusieurs biomes seront connectés, que vous découvrirez au fil de votre progression. Chaque biome fait un peu office de « nouveau niveau » et vous ne verrez pas vraiment de mélange d’ambiance : leur séparation est nette, via un portail dimensionnel ou une porte à ouvrir. Quoi qu’il en soit, chaque découverte de biome est un grand moment, puisque cela inclus une ambiance, des ennemis, des mécaniques de level-design et bien d’autres choses nouvelles à chaque fois. Un réel bonheur toujours inspiré, même en fin de parcours, pour que rien ne vienne gâcher l’aventure.
Returnal a aussi beaucoup de style manette en main. Blindé de mécaniques de gameplay intelligentes qui s’interconnectent avec délice, Returnal réussit surtout à rendre leur découverte logique et bien rythmée pendant les 10 premières heures de jeu. Ainsi, vous découvrirez au fil de vos morts et de vos nouvelles parties quelles sont les armes que vous pouvez porter. Il y a aussi cette idée d’enchaîner les ennemis tués pour augmenter un combo d’utilisation des armes qui, à chaque palier, augmente votre niveau d’armement. Seul ce niveau fait office de « gap » de compétence pour votre personnage qui, par exemple de niveau 4, pourra enfin « looter » des armes du même niveau. C’est galvanisant et c’est sans aucun doute la mécanique qui rend le plus accro dans Returnal.
L’aspect shoot’em up est surtout là quand vous commencez à tirer avec une gachette droite, lancez un coup spécial avec une seconde gachette (coup spécial différent sur chaque arme apparaissant dans le jeu) et que vous vous mettez à jouer de l’esquive pour éviter les boulettes ennemies. Housemarque a toujours été un studio qui savait maitriser le shoot’em up et les voir placer cela dans un jeu de tir à la troisième personne est assez délicieux. C’est réussi et les sensations sont franchement bonnes.
Autre effet de style : le scénario. Cryptique et malin, il parvient à rendre cette boucle temporelle plus personnelle et passionnante que prévu, loin du gimmick un peu classique des jeux du genre. Ici, on a le droit à un vrai scénario de science-fiction… qui malheureusement laisse quelques réponses en suspens. C’est une habitude dans les expériences modernes : cela permet aux joueurs d’en discuter, d’avoir plein de théories à partager mais si clairement passer votre temps sur Reddit après avoir vu la cinématique de fin n’est pas votre tasse de thé, peut-être que vous pouvez vous attendre à être un peu déçu.e. Cela reste intelligemment proposé, mais ça ne plaira pas à tout le monde.
Avare en récompenses
Au final, Returnal c’est quand même du très haut niveau, qualitatif, qu’on n’attendait pas si intelligent et passionnant. Les « gamers » vous diront que c’est exigeant et qu’il vous faut « juste prendre votre mal en patience, apprendre de vos erreurs » et ce n’est pas faux : mais si vous détestez galérer dans un jeu vidéo, alors Returnal n’est pas pour vous. Car au-delà de sa difficulté (qui n’est d’ailleurs pas si horrible que cela passé les 5/6 heures de maîtrise), Returnal est surtout un jeu qui ne vous récompense que trop rarement de vos longues parties. Il arrivera souvent que vous mourriez après une heure ou plus de jeu intense, de nouvelles salles découvertes, sans que vous reveniez au début avec un « je ne sais quoi » de bonus, d’amélioration ou autre qui vous motiverait à repartir à l’aventure. Et c’est, au-delà de la difficulté donc, son plus gros défaut.
Vous débloquerez de nouveaux biomes et c’est bien là les seuls rares moments où vous serez d’attaque pour repartir au combat si vous êtes du genre à jouer pour la découverte des univers et non pas pour le « skill » et la performance personnelle. Returnal est dramatiquement avare en petits bonus et améliorations qui vous donnent envie de partir à l’aventure et c’est clairement en cela qu’un mode facile (qui accélérerait l’obtention de toutes ces améliorations définitives, placerait très tôt des téléporteurs vers certains biomes, etc) serait intéressant. Sans toucher au gameplay, juste en rendant la progression moins laborieuse pour quiconque n’est pas venu pour souffrir, ok ?
Returnal est une prouesse artistique au service d’un melting-pot de gameplay maitrisé qui force le respect à tous les instants, mais c’est aussi un jeu qui ne parvient pas à gérer son rythme afin de ne pas abandonner des joueurs moins téméraires sur le bas côté d’une PlayStation 5 qui a pourtant tout intérêt à dédier ses exclusivités au plus grand nombre. Beaucoup vous diront qu’il est difficile : ce n’est pas si vrai. Il demande juste beaucoup d’abnégation pour relancer des parties en ayant clairement peu ou rien n’appris de la précédente, aussi longue eut-elle été. Si le défi ne vous fait pas peur, vous allez adorer. Les autres : n’ayez pas honte de le lâcher en cours de route. Ce n’est pas vous, c’est lui.