La vie de libre marchand
Critique
Severance: Blade Of Darkness
Développeur
Rebel Act Studios, Fire Falcom, General Arcade
Éditeur
SNEG
Date de Sortie
7 Octobre 2021
Prix de lancement
12,49€
Testé sur
PC
Il y a des filiations qui sont évidentes dans le monde des jeux vidéo. On parlait facilement de Doom-like ou de Quake-like dans les années 90 pour parler des FPS. Et à présent on parle volontiers de Soulslike pour des jeux dont le gameplay s’inspire de la série à succès de From Software. Et pourtant, il en aurait pu en être autrement.
Severance : Blade of Darkness date de 2001 et était à son époque une petite révolution. Le genre de jeu d’action à la troisième personne mettant l’accent sur les combats précis au corps à corps avait déjà connu quelques bons titres alors, comme Rune (de Human Head, ceux qui ont fait Prey ensuite, mais pas celui d’Arkane, suivez, un peu…) ou Die By The Sword (le premier jeu de Treyarch, ceux qui font les colof, là, mais pas la série principale, suivez un peu), ou encore Heretic 2 (de Raven Software, qui sont aussi en petites mains sur les colof maintenant…). Pourtant, on ne se souvient pas aussi bien de Severance, ni du studio qui l’a développé, en l’occurrence les Espagnols de Rebel Act Studios, dont ce fut en fait le seul jeu.
Mais quel jeu !
Quatre héros plein d'avenir
Le scénario est classique, les forces du mal se réveillent d’un sommeil millénaire et quatre héros vont se lever pour combattre les forces du mal susdites, grâce au pouvoir d’une épée magique planquée quelque part et qu’il faudra retrouver. A travers une petite vingtaine de niveaux farcis de monstres et de pièges divers, il faudra bien entendu explorer, ouvrir des portes, tuer des monstres et espérer ne pas perdre trop de points de vie pendant les combats. Chaque personnage possède des forces et faiblesses (force, vitesse, etc.) ainsi qu’un ou plusieurs types d’armes qui lui convient. On a bien sûr le bon chevalier, qui se bat à l’épée et au bouclier, l’aventurière, qui se bat à la lance et aux bâtons et qui court plus vite, le gnome, qui est plus râblé et lent, mais plus résistant et enfin le barbare qui est sur la couverture et qui fait dans la finesse avec les haches et épées à deux mains. Il faudra bien fouiller les niveaux à la recherche des meilleures armes (et armures, mais celles-ci sont rares) afin d’en découdre avec les armées de méchants qui vont venir s’empaler sur vos jouets piquant coupants et tranchants.
Raideur, deux bras coupés fin
Même si la découverte des différents niveaux (d’un brillant level design d’ailleurs) est une composante importante, les combats sont le sel et le poivre du jeu. Au départ, avec le bagage du joueur de 2020 on pourrait trouver l’action un peu raide et bancale, mais après quelques passes d’armes il s’avère que la jouabilité est plaisante et comme les coups disponibles sont variés (et différents suivant l’arme utilisée et le personnage) on a toute une palette de coups à notre disposition. Et quel plaisir de décapiter un ennemi d’une seule passe bien placée (oui les coups critiques sont possibles, et encouragés), ou de trancher les bras et les jambes d’un chevalier noir récalcitrant. Les combats sont par contre très brutaux, et il n’est pas rare de finir une série d’affrontements avec une barre de vie un peu réduite, et ce même contre le moindre trash mob. Ce qui n’est pas sans rappeler une certaine série de jeux japonaise dont je mentionnais l’existence plus haut.
Oui, hein, voilà, le mot est encore lâché. Rejouer (ou y mettre les pattes pour la première fois) à Severance en 2021 c’est avoir l’impression de jouer à un demake d’un Soulsborne, et c’est extrêmement bizarre. La mécanique des feux n’est évidemment pas présente, mais l’ambiance gothique sombre, les ennemis impitoyables planqués partout, l’environmental storytelling, tout y fait un peu penser. La filiation n’est pas forcément évidente, le jeu n’a eu qu’un succès relatif à l’époque malgré ses qualités et des critiques élogieuses, et From Software faisait déjà dans le gothique mediéval impitoyable avec la série des Kings Field à l’époque donc bon.
Blade of light and shadows
Par contre ce qui avait marqué à l’époque et qui reste relativement impressionnant maintenant est la gestion des éclairages et des reflets. C’est probablement ce qui a demandé le plus de ressources au studio, développer un moteur gérant la lumière dynamique et les ombres. Les environnements du jeu sont éclairés par des sources intradiégétiques, et celles-ci peuvent accompagner le joueur (s’il utilise une torche par exemple). Cela provoque des ombres portées d’un réalisme saisissant (pour l’époque, attention). De même les différentes étendues d’eau renvoient les reflets de l’environnement (et leur éclairage!) de manière dynamique. L’effet était bluffant et l’est toujours un peu, même si on a plus l’impression d’avoir de l’huile plutôt que de l’eau sous les pieds. En bref, ça impressionnait à l’époque mais il fallait une machine de guerre pour faire tourner l’engin et malheureusement comme il s’agissait d’un moteur maison, la compatibilité ascendante n’était pas spécialement garantie. Et faire tourner le Severance d’époque était une véritable gageure. Heureusement la ressortie du jeu est une version parfaitement compatible avec nos machines modernes, et évidemment il ronronne comme un chaton, même sur un PC un peu vieillot.
A noter que même si Rebel Act Studios a fermé après la sortie du jeu, certains des développeurs sont ensuite partis fonder Mercury Steam, qui vient de sortir le dernier Metroid en date.
Un moteur physique impressionnant (pour l’époque), un système de combat bien fichu (mais un peu cassé par moments), une difficulté assez relevée et des environnements variés, voilà ce qui vous attend dans Severance Blade Of Darkness, un jeu de 2001 qui ressort sur les boutiques en ligne (Steam et Gog.com) à un prix véritablement intéressant pour un morceau d’histoire un peu oublié. S’il avait eu plus de succès parlerait-on de Severance-like à présent ? Je ne pense pas, mais c’est en tout cas un jeu à découvrir si le genre (et son histoire) vous intéressent.