Le passé est enfin respecté.
Critique
Stranger of Paradise: Final Fantasy Origins
Développeur
Koei Tecmo/Team Ninja
Éditeur
Square Enix
Date de Sortie
18 mars 2022
Prix de lancement
60€
Testé sur
PC
Pour commémorer les 35 ans de leur série phare, Square Enix a décidé de faire quelque chose d’étrange. En effet, là où on aurait pu penser à un remake, une compil ou encore un nouvel épisode, ils sont allés chez Koei Tecmo, ont vu un bureau marqué « Team Ninja », ont cassé la porte et foutu un cahier des charges tenant en une feuille écrite gros : « ON VEUT NIOH, mais en moins Nioh, voyez ? »
Ils se sont pas démontés n’empêche chez Team Ninja, et ont donc sorti un jeu conforme au devis, c’est à dire un jeu d’action, avec des ennemis nombreux, de tailles variables et contre lesquels on peut et doit utiliser une pétrachiée d’armes et de techniques récoltées au fur et à mesure tout en triant son inventaire toutes les dix minutes. L’aventure est découpée en petits niveaux, avec différents objectifs à accomplir, mais en général ça se résume à aller au bout du bout et castagner le méchant machin qui empêche d’avancer plus loin. Nioh avec une moustache quoi. Non, attendez, c’est un peu réducteur, Stranger of Paradise Final Fantasy Origins n’est pas juste Nioh avec une fausse moustache, c’est Nioh avec une fausse moustache, un chapeau rigolo, et un nez rouge qui fait pouet pouet. Et les jambes amputées. Oui on peut pas tout avoir.
Trois bonhommes avec des œufs
Déjà, bon alors, j’ai fini le jeu. Parce que c’est important de le signaler, je n’ai pas passé un mauvais moment sur SOPFFO, mais après, bon ben j’ai quand même l’impression que j’aurais pu passer du temps sur autre chose. C’est comme le grec chelou du quartier où tu vas pas souvent, tu trouves l’odeur bizarre, la première bouchée est pas comme d’habitude, mais finalement avec la sauce, ça passe et t’es rassasié. Et le lendemain t’as mal au bide. Bon ben le jeu c’est ça. Mais entrons dans les détails, un peu plus.
Je pense que si vous vous êtes intéressé un peu à Stranger of machin truc vous avez dû voir l’intro proprement hallucinante où trois gus en tee-shirts et bottes de chantier, débarquent dans un monde médiéval, se montrent leur œuf noir qui brille et pif pouf fistbump, ils sont copains à la vie à la mort. Et ben restez un peu plus dans le jeu, la suite va vous étonner. Se voulant être une relecture et en même temps une préquelle au premier Final Fantasy (d’où le Origins du titre), le jeu va donc nous entraîner globalement dans son histoire mais avec des petits twists. Par un truchement scénaristique jamais vraiment expliqué, les différents niveaux du jeu vont entraîner Jack (oui le héros s’appelle Jack et est un gros gros benêt) et ses potes dans des donjons, forêts, tombeaux, etc. inspirés des 15 Final Fantasy existants (oui, même le XI), où ils devront tenter de restaurer l’éclat des cristaux élémentaires mis à mal par le Chaos qui n’existe pas, mais non, mais en fait si, ah d’accord, on fait quoi là déjà, j’ai oublié, cassons le gros machin là-bas.
Malheureusement, à part les niveaux inspirés de Final Fantasy XIII et VII, il n’y aura pas grand-chose à se mettre sous la dent d’un point de vue fan service, et le level design malgré quelques petites surprises est souvent un peu plan plan et consiste en des petites arènes reliées entre elles par des couloirs vides où parfois se détache une pièce un peu incohérente qui cacherait un coffre, mais sans aucune logique. Rien à voir donc avec les niveaux intriqués d’un Nioh ou d’un Souls, on est sur du basique. On va aussi avoir droit aux feux de camp de service, sous la forme d’une sorte de cube bizarre, qui permettra évidemment de refaire le plein de potions, de faire réapparaître les ennemis, et bien sûr de remplir des petites cases pour débloquer des trucs. Ce qui change un peu c’est le système de progression.
ça rame et le Chaudron Magique
Contrairement à un Souls, les personnages gagnent de l’expérience dans leur job, et si au début Jack n’a accès qu’aux classes basiques, au fur et à mesure de l’expérience acquise sur les différents jobs, on va pouvoir en déverrouiller d’autres, de plus en plus variées et modulables. Une fois le niveau 20 atteint dans une classe, on peut déverrouiller la suivante, qui nécessite d’avoir une autre classe au niveau 20 pour se déverrouiller, et ainsi de suite. Cependant, à part obtenir des compétences, des attaques spéciales, et d’autres trucs comme ça, la puissance et la résistance des personnages s’acquiert surtout par l’équipement. En effet, si le personnage est niveau 1 de Paladin mais a une moyenne de matériel équipé de niveau 100, ben il est niveau 100. Comment récupérer du matériel ? Simple, la moindre chauve souris, en mourant vous donnera des bidules au pif correspondant au niveau du niveau (oui c’est pas très clair désolé) et il sera possible de commencer une mission niveau 50, mettons avec du matériel 20, et comme, contrairement aux jeux dont il s’inspire, mourir ici n’a strictement aucune conséquence, à part perdre la progression vers le boss du niveau, on peut tenter de tabasser les bestioles proches du point d’entrée et quand elles explosent en piñata, récupérer le matos nécessaire pour se stuffer et tout péter dans la suite de la mission. Les combats d’ailleurs, après avoir débloqué quelques actions et compétences gagnent en furie et en dynamisme assez vite, et finalement on se retrouve à faire exploser les différents ennemis avec panache et puis, ben malgré l’enrobage moyennou et la répétitivité des situations, en fait, on s’amuse pas mal.
Enfin, on s’amuse si on a le matos qui suit, parce que bizarrement, et malgré une config’ de bourgeois (oui, j’me la pète, et alors) la technique n’est pas vraiment au rendez-vous. Malgré une qualité graphique qu’on va qualifier, pour être poli, de datée, le jeu se permet régulièrement de faire chuter le framerate de manière assez incompréhensible, dans des phases relativement peu riches en effets, tout en étant parfaitement fluide à d’autres endroits. Après quelques recherches il s’avère qu’une phase cruciale du développement a été oubliée (ou laissée de côté) qui permet de faire en sorte que les différentes bestioles du jeu aient moins de détails. Dans les faits, certains personnages et ennemis ont autant de polygones qu’une scène entière de Yakuza Kiwami, par exemple, et comme on a souvent à l’écran les trois héros, et cinq ou six ennemis en même temps, voire plus, avec des effets, des particules et tout, les pauvres consoles et PC arrivent assez vite à devoir tirer la langue. De fait l’action effrénée perd énormément en lisibilité, mais comme le jeu est beaucoup plus permissif que les autres jeux du genre, en réalité ce n’est que rarement gênant.
Barre de choc, Ola !
L’action du jeu peut être qualifiée d’un peu, euh, bourrine. Jack n’y va pas de main morte, c’est le moins qu’on puisse dire. Les combats consistent avant tout à faire tomber la barre de choc des ennemis pour ensuite les faire cristalliser et exploser (comme une piñata, je l’ai dit plus haut, avec plein de machins qui en sortent) dans des animations qu’on pourrait rapprocher des glory kills de Doom, un peu. Pour se faire, on peut évidemment tabasser les malandrins et autres nuisibles volants, issus du bestiaire de Final Fantasy, leur lancer des sorts (avec les classes appropriées, d’ailleurs la magie est, comme souvent un peu pétée dans le rapport puissance/coût) et aussi parer leurs attaques voire les leur voler en sacrifiant un peu de notre propre barre de choc. Cette mécanique, utilisée depuis Final Fantasy XIII est vue et revue un peu tout le temps partout (même dans les Gardiens de la Galaxie, c’est dire) et commence à montrer ses limites cependant, mais reste un moyen appréciable d’écourter les combats si on sait bien s’y prendre. Les stratégies et les faiblesses de ennemis sont véritablement à prendre en compte si on joue dans les modes de difficulté les plus élevés. Mais bon, comme finalement tout se ressemble un peu tout le temps et que le scénario risible et indigent ne force pas spécialement à pousser plus loin les aventures, on ne reprochera à personne de s’arrêter avant la fin. Moi, j’ai pas pu, comme mû par une irrésistible force, je me devais de continuer, pour savoir pourquoi les œufs noirs absorbent les nuages.
En fait c’est compliqué. Le jeu est bourré de défauts, il n’a aucune cohérence dans ses environnements, parfois trop sombre, parfois trop clair, les niveaux n’ont aucune véritable fantaisie et sont tous véritablement oubliables malgré quelques grand moments. Techniquement à la ramasse alors qu’il affiche une qualité à l’écran digne des jeux de lancement de la PS4, un scénario risible qui n’a de sens que si on connaît déjà Final Fantasy 1, et encore. Une musique trop discrète et à la fois trop présente. Bref un jeu à défauts, quoi. Et pourtant, je suis allé jusqu’au bout, parce que ses défauts et ses qualités en font un jeu très satisfaisant au final. On sent bien que c’est une commande avec des mécaniques pas très abouties mais qui auraient leur place ailleurs (au pif dans NIOH 3 ?), mal équilibré, avec un mode multijoueur mal fagotté, des doubleurs en roue libre sur un scénario écrit par un enfant de cinq ans qui vient de découvrir le voyage dans le temps et les dimensions parallèles. C’est un jeu vidéo qui nous crie à la gueule tout le temps « je suis abominable mais généreux, achevez-moi, mais le plus tard possible ». Bref, j’ai bien aimé, mais j’avais mal au bide à la fin quand même.
Stranger Of Paradise Final Fantasy Origins est une véritable curiosité. Une série Z qui se prend pour un lauréat des Oscars, mais qui le fait avec tellement de naïveté et de premier degré qu’’il en devient touchant. Un Nanar Vidéoludique, c’est rare, et bien en voilà un parfait exemple. Attendez des soldes quand même et/ou des patchs parce que l’aventure est un peu brute quand même sans le matos qui suit derrière