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Critique
CARD SHARK
Développeur
Nerial
Éditeur
Devolver Digital
Date de Sortie
2 juin 2022
Prix de lancement
19,99€
Testé sur
PC
J’ai besoin de me confesser. Je suis une personne qui ne peut s’empêcher de jouer aux différents jeux de société avec les règles officielles correctement imprimées sur un papier (ou sur un PDF) et à portée de main. De plus, je lis scrupuleusement ces dites règles à chaque mouvement de mon adversaire pour vérifier que les consignes sont bien respectées. Si c’est aussi votre cas, et bien déjà, félicitations, car vous faites partie d’un club très select, détesté par 84,3% des joueurs (précisément). Mais surtout, vous êtes le public parfait à qui présenter Card Shark, votre nouveau cauchemar. En effet, le nouveau-né estampillé Devolver Digital et développé par Nerial (à qui l’on doit Reigns) vous place aux commandes de votre pire ennemi : un tricheur. Mais pas le tricheur qui interprète les règles à sa manière avant d’arborer le classique « non mais on joue comme ça chez moi », non, non. Je parle bien d’un tricheur de la pire espèce, celui qui va jusqu’à utiliser l’arythmie, la ruse et l’agilité afin de dépouiller ses opposants sans qu’ils aient eu le temps de dire « c’est à moi de piocher non ? ».
Laisse pas trainer ton FISC
Quoi de mieux pour incarner notre personnage que le paysage bucolique de Pau, au XVIIIe siècle, dans le sud-ouest de la France. Un pays réputé pour la plupart des jeux connus en occident, se jouant tous (ou presque) avec un paquet de 52 cartes traditionnelles aux portraits royaux. Bataille, Tarot, Belote, Crapette, ici, qu’importe le jeu, puisque notre héros, sans nom ni voix, n’y connait rien ; il n’est qu’un simple serveur dans une auberge. Ce n’est qu’après la rencontre du Comte Saint-Germain que son destin changera. Ce dernier verra en lui toute la candeur et l’agilité nécessaire pour braquer les plus grandes crapules du siècle : les bourgeois et les nobles de France — voilà une quête à laquelle il est facile de s’identifier.
Au début, vos combines seront plus des tours de passe-passe : servir le vin (lentement mais pas trop) afin d’observer le jeu d’un des adversaires puis donner la plus forte carte au travers d’un signe discret comme le sens de nettoyage d’une table ou la manière de saisir un verre. Tout se joue sous forme de mini-jeux parfois aussi rapides qu’un Wario Ware. Mais il faut plus que ça pour dépouiller les plus grands bourgeois très friands des jeux de table. Pour cela, vous allez faire la connaissance de gens du voyage, survivant au travers de différentes entourloupettes (comme le bonneteau) pour grappiller un peu d’argent. C’est surtout le Comte qui vous apprendra le plus de stratagèmes et montera des plans farfelus dont il faudra exécuter chaque étape dans un ordre précis.
C’est à ce moment-là que les problèmes arrivent, tant pour votre personnage (mais pas de divulgâchie par ici), que pour vous, joueur des temps modernes, se retrouvant à apprendre des astuces vieilles comme le monde pour gagner quelques deniers. L’exécution de ces duperies était déjà complexe avec une souris ou une manette (un peu moins au tactile), mais ce qui était un petit jeu d’agilité et de rythme se transforme rapidement en exercice de calcul mental, où vous devrez retenir les étapes d’une machination des plus complexes. Au bout d’un moment, vous allez devoir vous souvenir des huit cartes chapardées d’un paquet, les retirer dans l’autre, et les redistribuer dans le bon ordre pour que votre compagnon, troisième sur la file d’attente, reçoivent son double As. J’ai dû sortir un papier, un crayon et inventer un code mnémotechnique pour écrire rapidement tout ça, car, évidemment, si vous mettez trop de temps, le bourgeois en face se doutera de quelque chose.
Vous l’aurez compris, il y a entourloupe sur le jeu car sous ses airs guillerets, avec sa jolie direction artistique, encadrée par Nicola Troshinsky, et la musique d’Andrea Boccadoro, on se dit que c’est le genre de jeu qu’on va grignoter un peu de temps en temps, comme un succulent paquet de gâteaux apéro. C’est sans compter la quantité astronomique de choses récurrentes à retenir pour exécuter les tours. Résultat : un retour sur le jeu après quelques jours sans y avoir touché se transforme rapidement en défaite (heureusement, celle-ci est très peu punitive). Il existe pourtant un rapide résumé des techniques apprises dans les menus mais les explications sont assez succinctes, on aimerait pouvoir refaire le tuto à n’importe quel moment. Mais le jeu se complète en cinq heures tout au plus, comptez alors sur un bon gros dimanche pour le faire d’une traite, ça devrait vous faciliter la tâche.
Card Shark possède tout ce qu’il faut pour être l’un des jeux indépendants de l’année. C’est beau, c’est malin, ça vous fera un peu réfléchir et vous risquez même d’apprendre des techniques pour gagner à la belote à tous les coups (sauf dans un casino, ils connaissent déjà les combines). Il ne lui manque qu’une sortie sur d’autres supports que la Switch et le PC, ainsi qu’une manière simple de refaire les tutos des différentes fraudes et il deviendra alors difficile de bouder son plaisir.