Rapide Critique

Jennifer Wilde : Unlikely Revolutionaries

Gattu
Publié le 1 novembre 2022

Développeur

Outsider Games

Éditeur

Outsider Games

Date de Sortie

18 octobre 2022

Prix de lancement

12.99 €

Testé sur

PC

Une batterie qui donne le tempo, une trompette qui envoie des sons éclatants et enjôleurs, l’esquisse d’une femme coiffée d’un chapeau en forme de cloche ; dès qu’on accède à son menu principal Jennifer Wilde : Unlikely Revolutionaries nous transporte directement au milieu des années folles parisiennes. Une époque propice à l’extravagance, à la débauche et au faste démesuré, alors que la populace essaie tant bien que mal d’oublier les affres traumatiques de la Grande Guerre. C’est dans ce contexte vivace que le studio irlandais de Outsiders Games nous met aux commandes de Jennifer Chevalier, une artiste peintre capable de communiquer avec les esprits, dans un point&click aux allures de bande dessinée.

D’emblée, le trait de crayon monochrome de Jennifer Wilde surprend. Dans l’appartement de notre héroïne, le Paris des années vingt se dévoile noblement. On s’amuse à scruter ce gramophone vieillissant dans le salon, cette bouteille de vin vide qui se cache derrière une pile de livres vêtue d’une fine pellicule de poussière, ou tout simplement la tour Eiffel qui surplombe toute la capitale de sa carcasse d’acier. Sur le canapé, des gens nus prennent la pose avec désinvolture, comme pour nous rappeler que passé n’est pas toujours synonyme de bienséance coincée. On sent que les dessinateurs de chez Outsiders Games ont pris plaisir à forcer la caricature d’un épisode déjà très fantasmé de l’histoire française.

Cependant, la beauté peut avoir un prix, puisqu’une fois l’ébahissement initial passé, on se rend compte que cette Paris censée être folâtre peine à prendre vie et à engager le joueur. La faute à une animation aux abonnés absents — tous les personnages rencontrés paraissent dépossédés de leurs émotions — et, plus surprenamment, à une bande sonore d’une discrétion assourdissante. Les rues de la capitale semblent figées dans un silence mortuaire, seulement rompu par le ronronnement lointain des voitures et autres bruits d’ambiance désincarnés. Mais où diable est passé l’orchestre qui nous offrait un rythme si enivrant lors de l’introduction ?

D’autant que ce n’est pas la narration de Jennifer Wilde qui risque d’attiser notre passion. Alors que son père vient de mourir dans des circonstances louches, Jennifer Chevalier fait appel à ses dons de médium pour parler avec le défunt. Mais à la place du paternel attendu, apparaît le fantôme d’Oscar Wilde – introduit, il faut le dire, à la truelle – qui décide d’assister notre protagoniste dans son enquête. Un Oscar Wilde bien essoufflé qui, au-delà de quelques traits d’esprit plus ou moins bien sentis, se contente avant tout de nous servir des platitudes en pagaille ne faisant pas honneur au génie de l’auteur britannique. À l’instar de son graphisme, l’écriture du titre irlandais souffre d’une absence de fougue qui peine à impliquer, qui fait que l’on suit l’aventure d’un œil morne et fatigué.

Bien entendu, l’apparition d’un second protagoniste permet le déploiement d’une mécanique de jeu attendue : la possibilité de passer d’un personnage à un autre pour résoudre les énigmes qui se dressent devant nous. En effet, grâce à sa condition d’ectoplasme, Oscar Wilde se montre capable de franchir certains obstacles, afin de récolter quelques indices inaccessibles pour Jennifer. Si la sauce prend bien initialement, Jennifer Wilde nous met ensuite face à des puzzles maladroits, dont on a parfois du mal à cerner la logique, comme si les développeurs avaient oublié de nous distiller certaines informations indispensables pour progresser. Parlons enfin brièvement d’un écueil de jouabilité malheureux : le fait de devoir rester appuyé quelques secondes sur une option de dialogue pour que ce dernier s’enclenche. Un choix de game design incompréhensible brisant le rythme de nos péripéties.

Beau, Jennifer Wilde l’est sans doute possible. En revanche, tout le reste est au mieux médiocre, au pire raté. Ainsi, le titre irlandais se montre desservi par une écriture sans panache, une atmosphère étrangement inanimée, mais aussi un gameplay réchauffé et maladroit. Dommage, car on sent chez Outsider Games un réel amour tant pour les années folles parisiennes, que pour le jeu vidéo.

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