Critique

Dordogne

Nyam Hazz
Publié le 29 juin 2023
Dordogne

Développeur

UMANIMATION, UN JE NE SAIS QUOI

Éditeur

FOCUS ENTERTAINMENT

Date de Sortie

13 juin 2023

Prix de lancement

14,99 €

Testé sur

PC

Petit jeu français indépendant d’UMANIMATION et UN JE NE SAIS QUOI, soutenu par la branche Indie de Focus Entertainment, Dordogne vise votre corde sensible et fait tout pour vous séduire en titillant la nostalgie des bons moments simples de votre enfance perdue. Sorti le 13 juin 2023 sur PC, PS4, PS5, Switch, Xbox One et Xbox Series, ainsi que dans le Game Pass, ce jeu d’aventure narratif à la direction artistique qui ne peut qu’interpeller, vous ramène en effet dans le sud de la France pour vous remémorer les vacances d’été que vous passiez en toute insouciance chez votre grand-mère lorsque vous étiez encore enfant. Et il le fait plutôt bien puisque, même si ce n’est pas votre véritable histoire, chacun s’y retrouve malgré tout.

Souvenirs, souvenirs

Nous sommes en 2022 et Mimi, comme tout le monde l’appelle, vient de perdre son boulot, et surtout sa grand-mère Nora. Coincée sous la pluie dans sa petite 2CV, entre deux énormes camions, celle-ci est en route pour la maison de la défunte dans la ville de Sarlat-la-Canéda, en Dordogne, pas très loin à l’est de Bordeaux. Méchamment brouillé avec elle, son père a rompu les ponts il y a vingt ans de cela et a même caché le décès de sa mère à sa fille. Mais Mimi a trouvé le courrier dans lequel sa grand-mère dit lui avoir laissé une boîte de souvenirs ainsi qu’une lettre à son attention dans sa maison.

Elle est donc, contre l’avis de son père, en route pour la Dordogne à la recherche de réponses sur son passé, avant que les déménageurs ne vident la maison. Elle n’a en effet aucun souvenir d’avant ses 13 ans et son déménagement aux États-Unis en 1982. Mais en retrouvant ce lieu où, enfant, elle venait durant les vacances, elle va peu à peu se remémorer son dernier été avec sa grand-mère, tout en cherchant cette fameuse boîte léguée par son aïeule. Elle n’était jamais très contente de venir ici, loin de Paris et de ses amies, mais à chaque fois elle finissait par s’y plaire, subjuguée par la douceur de vivre locale et la gentillesse de Nora.

La Dordogne en cathéter

L’essence même du jeu consiste à nous faire revivre la délicatesse de ces moments passés et retrouver ces sentiments candides que l’on avait étant enfant. Au cours des trois à quatre heures seulement que dure l’aventure, étalée sur sept chapitres et un épilogue, on alterne période présente (en 2002) et flashback dans le passé (en 1982). Et à chaque fois, on est enthousiasmé à l’idée de retrouver la petite Mimi insouciante qui court partout. On visite ainsi les mêmes lieux aux deux époques avec quelques réflexions répétées de la part de Mimi sur divers points que le jeu a l’intelligence de renouveler à chaque chapitre pour éviter la redondance des propos.

Notons d’ailleurs que le titre, à la fois textuel et sonore, est entièrement doublé en français (c’est un minimum), avec un jeu d’acteur correspondant tout à fait au style recherché, à savoir très animé. Il y a bien quelques ratés d’animation, mais rien de bien méchant. Les personnages qui évoluent en 3D isométrique, dans des décors parfois en carton-pâte, sont charmants, tout comme l’intégralité de la direction artistique très colorée et peinte à la main. Les magnifiques aquarelles tout en couleurs pastel rappellent les tableaux d’un certain Paul Cézanne. C’est une déclaration d’amour ouverte faite à la Dordogne.

Retour en enfance

Nous sommes donc avant tout devant un jeu narratif contemplatif. Dordogne est très efficace dans ce domaine. Même lorsqu’il faut faire des choix, cela s’opère via des mots efficacement intégrés dans le décor, à l’image de ce que proposait également The Wreck qu’il rappelle en partie. De même, quelques plans originaux sont proposés, comme le focus coloré sur Mimi pendant qu’elle laisse libre cours à ses pensées en se déplaçant, avec un contour tout en nuances grisâtrres, ou encore le passage au marché vu du dessus avec des personnages représentés de manière symbolique. Même s’il est empreint de nostalgie et de tristesse, vu le point d’accroche, le titre suinte la joie de vivre, et ça fait du bien.

Nous sommes dans le monde de l’enfance et cela se sent à bien des égards. Qu’il s’agisse des propos, de la direction artistique choisie, de la bande-son calme et reposante, tout a un côté enfantin. Et c’est peut-être justement là que certains pourront tiquer, concernant le gameplay. Celui-ci relève en effet plus du casual game qu’autre chose et semble même parfois viser un jeune public. En dehors des déplacements permettant de cliquer sur certains éléments, à condition d’être bien placé, ce qui n’est pas toujours très intuitif, il s’agit de vaquer à des activités du quotidien à travers des mini jeux : se laver les dents, jardiner, cuisiner, faire des courses, naviguer en kayak… rien de bien folichon, mais toujours avec beaucoup de charme enfantin, ce qui se tient. Cela passe par des mouvements cherchant à reproduire le geste effectué (ouvrir une boîte, pousser une porte, verser du lait, craquer une allumette, couper des légumes…).

Il y a aussi un peu d’escalade (uniquement en cliquant), quelques puzzles très faciles à résoudre, et un côté créatif avec des photos que l’on peut prendre avec notre Polaroïd et des sons que l’on peut capturer avec notre magnétophone. Il s’agit également de collectionner des stickers éparpillés un peu partout, tout comme des mots et des cassettes pour, en fin de chapitre, se constituer une page de classeur en sélectionnant un sticker, un son, une image et un poème à base de 3 mots récoltés. Il va donc falloir explorer et fouiller de partout, ce qui oblige à quadriller encore et encore les mêmes lieux, au cas où. Des éléments apparaissent en effet d’un chapitre à l’autre, sans raison. Si vous souhaitez jouer le jeu à fond, ceci peut s’avérer un peu répétitif, surtout que ça manque de cohérence, à l’image de cette vieille cassette de Nora et son mari retrouvée sur une table en plein milieu du marché sur laquelle des gens se trouvaient.

Dordogne est peut-être un peu court et quelque peu répétitif si vous vous amusez à tout fouiller à chaque fois, et il souffre d’un certain manque de cohérence et d’un gameplay un peu trop enfantin et casual, mais il est tellement séduisant. Sa direction artistique entièrement peinte à la main, dans un style animé, est délicieuse, avec un doublage et une bande-son tout à fait à propos. Il nous ramène à la douce période insouciante de l’enfance pour notre plus grand bonheur et éveille plein de sentiments mélancoliques. Très joyeux et contemplatif, il se révèle être une expérience calme et apaisante, un peu comme la vallée de la Dordogne.

Fledge
Fledge

La force de la répétition

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