Critique

STASIS: BONE TOTEM

CactusSinger_
Publié le 6 juillet 2023
STASIS: BONE TOTEM

Développeur

THE BROTHERHOOD

Éditeur

THE BROTHERHOOD

Date de Sortie

31 mai 2023

Prix de lancement

19.50 €

Testé sur

PC

Huit ans après l’excellent STASIS, et après un passage par l’Afrique post-apocalyptique avec BEAUTIFUL DESOLATION, THE BROTHERHOOD revient à ses premiers amours avec son univers de science-fiction « Alienesque » pour une suite officielle sous-titrée BONE TOTEM. L’attente était d’autant plus grande que cette suite nous laissait miroiter une aventure oppressante, plongée au plus profond des abysses. Sous l’eau non plus, personne ne vous entendra crier.

THE BROTHERHOOD, studio composé par les deux frères Bischoff, avait, outre montré leur appétence pour écrire tous les noms propres en MAJUSCULES, frappé un grand coup dans l’univers du jeu d’aventure en 2015 avec leur première production, STASIS. Point & Click atmosphérique en 3D isométrique (pensez à Sanitarium), il avait surtout marqué les esprits de par son ambiance exceptionnelle, dans un univers hard SF rappelant forcément celui de la franchise Alien. On y trouvait de l’horreur aux confins de l’espace, souvent très graphique, où une corporation géante toute-puissante, CAYNE, sorte de Weyland-Yutani, semblait avoir la main mise sur quasiment tous les aspects de la société contemporaine, allant même jusqu’à remplacer la religion. Un jeu gratuit, CAYNE, est d’ailleurs sorti en 2017.

In water, you are powerless

Pour cette suite, BONE TOTEM, on retrouve bien CAYNE et ses manigances, cette fois-ci, non pas dans l’espace, mais bel et bien sur Terre, lorsque nos protagonistes découvrent, au hasard, lors d’une belle tempête, une station de recherche abandonnée en plein océan. Ils vont alors décider de l’explorer, espérant y trouver de quoi éponger leurs dettes. Si le contexte est différent de prime abord, on retrouvera bien ici tout ce qui fait le « charme » de son prédécesseur. L’exploration d’un environnement inconnu dans des décors absolument splendides et perturbants, la découverte de technologies avancées souvent hybrides entre biologie et mécanique, et surtout la sensation de danger quasi permanente pour nos héros. Les évènements passés, que ce soient ceux de la station ou des protagonistes, seront eux de nouveau révélés au compte-gouttes à travers différents dialogues ou logs à lire dans des PDA abandonnés ci et là. 

La principale nouveauté est donc que l’action se passe sous l’eau, amenant un nouveau niveau de claustrophobie. Vous serez en effet rapidement amené lors de votre exploration de la station à prendre la direction des profondeurs. Ça correspond d’ailleurs à la fin de la démo jouable, et l’on n’en dira pas plus sur l’histoire afin de ne pas vous gâcher la découverte. Mais, vous pouvez être certain que vous y trouverez toutes sortes d’horreurs, physiques et psychologiques, avec notamment quelques thèmes forts de la science-fiction, comme les dérives de l’ultra capitalisme et l’exploitation humaine, la volonté de transcender la mort et l’enveloppe physique, et bien évidemment, les intelligences artificielles. Attention cependant, il ne s’agit pas d’un jeu d’horreur visant à faire peur. Ici, l’horreur sert l’ambiance et l’histoire, pas question de venir vous faire sursauter par de viles jumpscares ou autres artifices. Le jeu est cependant extrêmement graphique, comprenez gore, avec un travail artistique saisissant. Vous voilà prévenu (mais un rapide coup d’œil aux captures d’écrans illustrant cette critique vous a surement déjà mis la puce à l’oreille).

L’ambiance générale du titre est d’ailleurs sublimée par le travail de Mark Morgan, compositeur des Fallout, sur la musique et le son environnant. De plus, THE BROTHERHOOD excelle dans l’animation 3D, comme on a pu le voir dans leurs précédentes productions. On retrouve bien évidemment ce savoir-faire dans cette suite avec des scènes cinématiques de qualité. Certaines très courtes, elles servent à ponctuer une scène ou de transition, et dans tous les cas viennent renforcer la mise en scène et la fluidité de l’intrigue. Ça reste, de plus, accompagné par un très bon travail des comédiens de doublage.

Point & Click isométrique aux mécaniques maîtrisées

Niveau gameplay, on retrouve du classique pour un jeu isométrique. Les déplacements et interactions se font d’un clic, alors qu’un clic droit permet d’afficher les zones d’intérêt à l’écran, en vert celles donnant simplement une description textuelle, un peu à la manière des premiers Fallout, permettant d’avoir une idée encore plus détaillée de l’environnement que ce que nous montrent déjà les graphismes du jeu, et en bleu les zones avec lesquelles interagir. Dans BONE TOTEM, vous contrôlez trois personnages, chacun possédant une habilité spéciale qui vous sera utile pour les puzzles/situations. Mac peut utiliser sa force pour tordre ou briser des objets, permettant ainsi de récupérer d’autres composants. Charlie, au contraire, peut combiner deux objets et les réparer. Enfin, Moses, un ours en peluche mécanique doté d’une IA, est capable de pirater les systèmes informatiques et est suffisamment petit pour se faufiler dans des endroits exigus. Il a de plus l’avantage, de par sa condition, de ne pas avoir un besoin vital d’oxygène, ce qui s’avère être fort utile au fond de l’océan.

Vous pouvez bien évidement partager les différents objets récupérés entre vos personnages grâce à votre espace de stockage quantique, ou QSD. Une technologie fort utile d’autant que nos héros seront assez rapidement séparés et qu’ils auront besoin les uns des autres pour progresser. Vous pouvez librement vous échanger des objets, voire observer ceux présents dans l’inventaire d’un compagnon sans avoir besoin de les transférer. Chaque personnage ayant sa personnalité et ses spécialités, il est intéressant de noter que la description des objets change selon le personnage sélectionné. Ainsi, selon qui en fait l’observation, vous pouvez obtenir des indices bien plus pertinents quant à leur utilisation. Une très bonne idée qui vient de plus donner un petit coup de main, sous forme d’indices, au joueur de façon intelligente.

BONE TOTEM fait surtout un excellent travail au niveau de la difficulté et du rythme de la progression, ce qui est probablement un des aspects les plus difficiles à atteindre dans les Point & Click modernes, d’autant que le jeu possède une durée de vie généreuse pour le genre, comptez bien 12 à 17h pour voir la fin. Sans être facile, ici, les énigmes sont très bien pensées pour fournir un challenge adéquat sans jamais rester bloqué trop longtemps et frustrer le joueur, pour peu que l’on fasse un minimum attention à son environnement et aux informations fournies par le jeu lui-même. 

L'art subtil du rythme et de la narration

On a la sensation de progresser quasiment constamment dans l’histoire et il est très rare de se retrouver à tourner en rond. C’est notamment rendu possible, car, la plupart du temps, il est possible de résoudre les énigmes proposées à nos personnages en parallèle, chaque personnage ayant un objectif à court/moyen terme et plusieurs énigmes à résoudre pour y arriver. On évite donc de rester bloqué sur un point en passant à une autre énigme avant d’y revenir plus tard avec une meilleure perspective. Cette maîtrise de la difficulté est d’autant plus remarquable que l’on se trouve dans un monde totalement alien, où la plupart des technologies et autres éléments interactifs nous sont complétement inconnus, et il faut souvent expérimenter un peu pour en déduire la logique. Un léger système d’aide est tout de même intégré au jeu et vous proposera un indice afin de vous mettre sur le bon chemin. Cependant, il reste spécifique à certains puzzles. On notera également que le rythme de progression est parfois coupé par la lecture de PDA qui peuvent être un peu longs à lire et qui, s’ils sont utiles pour la compréhension de l’histoire ou pour fournir des indices sur la marche à suivre, auraient pu être légèrement raccourcis. 

Comme dans le premier STASIS, il est ici possible de déclencher un gameover si la mauvaise action est choisie. Mais, à la différence de la grande époque des jeux Sierra, ici, vous ne serez pas pénalisé, mais reprendrez automatiquement le jeu juste avant l’action qui vous a conduit à la fin tragique de votre personnage. Au contraire, les succès du jeu sont en grande partie basés sur le fait de découvrir toutes ces scènes. On se retrouve donc étrangement à tenter de toutes les découvrir en se jetant volontairement dans la gueule du loup ou en prenant des risques inconsidérés. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne gâche en rien l’ambiance pesante du jeu, qui n’est pas basée sur la peur de mourir, mais bel et bien sur la découverte de son environnement et des évènements passés, souvent tragiques, pour nos personnages également. 

Et c’est bien là un autre point fort du jeu, le traitement de ses personnages. BONE TOTEM parvient à nous impliquer dans ses protagonistes au fur et à mesure de l’aventure, y compris ceux pour lesquels la première rencontre nous laissait penser que c’était peine perdue. Même si certaines ficelles scénaristiques sont apparentes et que l’on retrouve certains tropes de la science-fiction déjà vus ailleurs, force est de constater que le tout possède une cohérence forte, et nous réserve quelques belles surprises. Les dialogues sont pour la grande majorité bien écrits et l’on sent une attention particulière portée aux différentes histoires individuelles, aussi bien celles des personnages principaux que des habitants de la station. On est au final toujours poussé vers l’avant, que ce soit par l’envie d’explorer ces incroyables décors, ou de découvrir le fin mot de cette histoire.  

STASIS: BONE TOTEM parvient haut la main à succéder aux précédents jeux se déroulant dans l’univers créé par les frères Bischoff. L’ambiance horrifique y est totalement maitrisée, et la décision de placer cet épisode sous l’océan fonctionne à merveille, et vous réservera son lot de surprises. Doté d’une DA à couper le souffle, ce nouveau STASIS se permet également un quasi sans faute dans sa maîtrise du rythme et de la difficulté de ses énigmes. S’il n’est pas à mettre entre toutes les mains, du fait de son thème et de ses visuels saisissants, BONE TOTEM vient s’inscrire directement dans les incontournables du genre pour tous les amateurs de Point & Click et d’univers de science-fiction horrifique. 

Pixel Noir
Pixel Noir

Du JRPG, du Polar, et des bugs

Rogue Waters
Rogue Waters

Il est canon mon rogue-lite !

1 réflexion au sujet de « STASIS: BONE TOTEM »

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