Qui qu’c’est qu’on appelle ?
Rapide Critique
Kingdom Eighties
Développeur
Fury Studio
Éditeur
Raw Fury
Date de Sortie
26 juin 2023
Prix de lancement
11,79€
Testé sur
PC
Vous ne le savez sûrement pas, mais Kingdom est probablement l’un de mes péchés mignons les plus addictifs. Ce pixel art à la fois doux et complexe, ce subtil mélange entre Tower Defense et gestion minimaliste, ces petites nappes de synthé signées Amos Roddy (que j’écoute premier degré dans la vie de tous les jours), ce bruit délicat de pièces d’or se déposant dans la bourse… tout est là pour me faire rester plusieurs heures collé derrière mon écran, à filer du blé à tous les passants du coin pour la survie de mon royaume. Thomas Vanderberg (ou Noio), l’homme derrière cette brillante idée, est en plus un gars fort sympathique, avec qui j’ai eu la chance de pouvoir échanger quelques mots sur son petit bébé par le passé. Toute cette intro est principalement là pour vous donner un peu de contexte de mon passé avec la série, afin de comprendre pourquoi Kingdom Eighties, la première itération de la licence par Raw Fury et sans Noio, m’a laissé plutôt perplexe.
Knight rider
Delorean, Gremlins, Donjons & Dragons, Les Dents de la Mer, les jeux d’arcade, etc. Si tout ceci vous parle, soit vous êtes vieux, comme moi, soit vous avez vu Stranger Things. Oui, on peut évidemment commencer à parler de l’éléphant au milieu de la pièce : Kingdom Eighties repose beaucoup sur son univers ultra-référencé. Les années 80, c’est grave stylé en ce moment, il est difficile d’en vouloir à Raw Fury de vouloir attirer un grand public sur une licence de niche comme celle-là. Même si j’aime énormément le fait d’être à vélo, je trouve que l’ambiance 80 ne colle pas vraiment à l’univers de Kingdom, même après une pirouette rentrée au forceps en parlant de « descendance » d’une famille de roi perdu protégeant le monde de gobelins cupides et agressifs. Personne n’y croit.
Mais, non content d’avoir tenté un univers en total décalage avec son matériau de base, Raw Fury a décidé de transformer ce jeu de gestion très organique en une « petite extension narrative et indépendante » pour citer la description du jeu. Dans les faits, vous allez devoir faire comme d’habitude : trouver de l’argent, pour agrandir votre territoire, améliorer votre équipement ou vos villageois, et venir à bout du nid à gobelins de la zone. Première subtilité de cette extension, vous aurez cette fois un groupe de personnages, dont chacun aura un nom fonction (genre Leader, Champion, Wizard, ce genre de truc où l’on dirait du Kojima) qui pourront pédaler avec vous pour apporter leur aide lors de construction, de défense ou d’invasion de nids. Tout se passe sur un rail, sur lequel vous allez accomplir différents objectifs qui feront avancer un scénario plutôt mal mis en scène avec des cinématiques plutôt mal animées (sauf l’intro). Dans les faits, ça ne change pas grand-chose si ce n’est que la rejouabilité est proche de zéro : il n’y aucune place à l’aléatoire, le challenge est plutôt léger (heureusement, il existe plusieurs seuils de difficulté, commencez en difficile si vous avez l’habitude) et une fois l’histoire finie, il n’y a plus rien à faire (on peut encore bouger sur la dernière zone, mais je n’ai pas trouvé l’utilité).
Rien de grave, me direz-vous, ce n’est qu’une petite extension, mais on parle quand même de quelque chose d’indépendant (nul besoin du jeu de base pour y jouer), qui retire des mécaniques et réduit la durée de vie à une dizaine d’heures, pour la modique somme de 11,79€. Kingdom New Lands coûte 14,99€ et j’y ai passé plusieurs vingtaines d’heures en découvrant quelques chose de nouveau à chaque partie. On ne parle pas de grosse somme, il n’y a pas mort d’homme, et je suis assez contre l’idée de faire un rapport prix/temps de jeu. Cependant, le fait d’avoir une extension qui fait moins bien que son jeu de base pour se concentrer sur la pluralité de références à la pop culture (les mêmes que l’on se mange dans tous les différents types de média depuis cinq ans) et sans la musique de Amos Roddy, ça me donne envie de me frapper les gonades très fort contre un clocher. C’est dommage ! Parce que ça reste une formule toujours efficace, surtout qu’ils ont rajouté quelques bonnes idées (comme les différents magasins qui produisent de l’argent au lieu de faire de la chasse et des fermes) et les musiques de Andreas Hald mettent dans une bonne ambiance même si c’est (forcément) très inspiré du taff de Kyle Dixon.
Kingdom Eighties fait partie de ces extensions que l’on aurait peut-être aimé ne pas voir. D’ailleurs, j’ai globalement tendance à voir Raw Fury utiliser cette licence pour exploiter des univers à la mode (la dernière fois, c’étaient les Vikings), sans jamais se poser quelques instants pour y trouver un sens, une réelle plus-value. New Lands et Two Crowns sont chacun d’entre eux arrivés avec de vraies nouveautés, et des changements drastiques dans notre façon de jouer. Eighties se place, au mieux, comme une porte d’entrée dans une licence incroyablement riche, au pire, comme du racolage un peu grossier pour les gens qui ont envie de vivre un épisode de Stranger Things interactif (et mal écrit). Je n’ai aucun problème avec ces deux types de publics, en revanche, je ne me situe dans aucun d’eux.