Une bien belle surprise pour l’été !
Critique
ARMORED CORE 6 : Fires of Rubicon
Développeur
FromsSoftware
Éditeur
Bandai Namco Entertainment
Date de Sortie
25 août 2023
Prix de lancement
69,99€
Testé sur
XBOX SERIES X
Il est important d’être clair tout de suite : je n’y connais rien en Armored Core. J’ai joué à une démo sur ma 360 il y a plus de 15 ans, très heureux de faire BOOM avec mes gros robots sans jamais pousser plus loin. On est en 2023, depuis FromSoftware a fait une évolution fulgurante dans sa philosophie de game design, la qualité de ses productions sont devenues en quelques instants des exemples dans l’industrie et Elden Ring s’est hissé dans le top 50 des jeux les plus vendus au monde. Mais voilà que Masaru Yamamura, l’une des grosses têtes du studio à qui l’on doit notamment Bloodborne, souhaite réanimer la licence avec un sixième épisode, en essayant de ne pas subir la comparaison avec ses cousins Dark Fantaisiste et de mettre à profits tout ce qu’ils ont appris depuis que Demon’s Soul est sorti, afin d’apporter un peu de fraicheur à un genre souvent réservé à un public de petite niche.
Robospierre
Vous savez ce qui est le plus satisfaisant quand on lance Armored Core 6 pour la première fois ? Son gigantisme déjà, avec ses mégastructures qui nous paraissent si titanesques, alors que le jeu nous rappelle régulièrement avec ses décors qu’on fait facilement 30 mètres de haut. Mais son vrai atout, c’est qu’il a une progression très old school. Pas de monde ouvert (ou semi-ouvert), que des petites zones denses. Pas d’aller-retour pour aller voir des PNJ ou de suivi de multiples quêtes pour aller collecter un quelconque bidule pour on-ne-sait-qui. Ici, on est surtout là pour piloter des GROROBOTS et quoi de mieux qu’un menu de sélection de mission ? C’est devenu quelque chose de rare et précieux, qu’on voit plus souvent dans des petites productions indés avec la volonté de se centrer avant tout sur le gameplay. Les missions sont entre-coupées de dialogues qui oscillent entre référence à Dune et blabla tech philosophique, j’ai eu un peu de mal à suivre, mais au final, ce n’est pas très grave. Le jeu n’a pas besoin de détails ni d’attache pour être 621, le mercenaire dans son mecha qu’on incarne. On a besoin d’une cible et c’est tout. Encore en pleine partie de Baldur’s Gate 3, il était plaisant de me dire que, dans le cas où je n’avais pas forcément 3h devant moi, je pouvais juste lancer une mission ou deux, afin de passer le temps.
Et quand je dis passer le temps, ce n’est pas comme celui que je passe aux toilettes en jouant à Marvel Snap, je parle vraiment d’un passe-temps qualitatif, sur un jeu qui nécessite de s’investir si on veut venir à bout de toutes ses délicieuses excursions, où l’on devra souvent détruire des robots. Mais sous ses airs de jeu très arcade se cache tout de même des subtilités dont certes, je m’y attendais vu la philosophie du studio au cours des 15 dernières années, mais qui reste plutôt abordable pour quiconque a joué à un Action-RPG « exigeant » dans ce dit laps de temps.
Digital Love
Il n’y a pas tellement de termes pour précisément définir ça, mais Armored Core 6 possède une interface qui rappelle l’esthétique des animés des années 90, que j’aime bien définir par analog futurism. Celle-ci se ressent beaucoup sur les interfaces en jeu, avec des barres de chargement, pleins de fenêtres et la sensation que tout ceci s’affiche sur un écran CRT. On apprécie quand ça bouge bien et ça permet de facilement s’immerger dans la peau du robot. Il ne manquerait plus qu’une vue cockpit.
La première réflexion qu’on aura au contact du jeu, ce sera évidemment « Ah bah oui, Dark Souls, je connais » mais il est clair que les œuvres de Miyazaki n’ont pas la même philosophie que celles de Yamamura. En revanche, on peut déceler plutôt çà et là, des mécaniques de Sekiro (c’est normal, c’était la tête pensante dessus) : tous les robots ont une jauge de « stance » qui pourra être plus ou moins remplie en fonction des points faibles de chacun et ce sera à vous d’équiper votre mecha en conséquence. C’est assurément très léger, suffisamment pour qu’on évite la comparaison facile, mais assez pour rajouter un peu de subtilité à un gameplay qui, si j’en crois les critiques de l’époque, avait tendance à stagner. Mais comme le disait ce bon vieux Nostalgeek, les dernières productions de Fromsoft étaient surtout des jeux de lecture de mouvement demandant patience et rigueur. AC6, lui, est un jeu d’adrénaline, où tout s’enchaîne très vite et on se place constamment dans de la réaction et de la prédiction de mouvement.
Une jauge d’énergie est aussi présente, qui s’utilise lorsqu’on fait des actions « épuisantes » comme les dash ou quand on plane. Elle se recharge quand on reste au sol tranquillement, et sa capacité et son temps de recharge vont dépendre de comment vous construisez votre mecha. Ah oui, et la caméra est toujours aux fraises quand on lock un ennemi un peu trop proche ou dans un endroit étriqué (heureusement que les zone sont souvent dégagées). Le jeu garde certains stigmates de toutes ces années de développement continues sur une formule et un genre.
Sort le Macross Volé
Mais vous savez quoi ? je n’ai jamais fini un seul jeu FromSoftware. J’ai essayé pourtant, d’abord par curiosité, ensuite par ego et pour finir, simplement par la frustration de ne pas participer à la fête des cool kids, ceux qui ne jurent que par la roulade et le « Git Gud » (entre-temps, on a surtout vu que c’étaient des tocards, aucun regret). Mais, j’ai suffisamment joué à chacun de ces jeux pour comprendre le génie derrière, même si je reste encore cet enfant terrorisé dans un coin dès qu’il voit un boss avec une barre de vie qui prend tout l’écran et que des chœurs se mettent à me hurler dans les oreilles.
Cependant, Armored Core 6 est devenu ma benzodiazépine. Les défaites ne me font plus peur vu qu’elles sont, pour la plupart, accompagnées d’un check point généreux qui nous fait revenir avant un combat (à moins de mourir en début de mission). Mais son gros avantage, c’est que le jeu n’est pas un RPG, vos caractéristiques dépendent avant tout ce que vous achetez et installez sur le robot. Chaque partie peut être revendue au même prix d’achat et vous avez également la possibilité de changer votre robot à la volée, entre deux morts (tant que vous les avez en votre possession). En fait, le jeu nous rabiboche avec l’envie d’expérimenter, de ne pas avoir peur d’être exotique et de faire quelque chose de visuellement chaotique, mais diablement efficace. Toute cette mobilisation envers votre créativité fait que la peur de perdre n’existe plus. Mieux encore : elle fait partie intégrante du plaisir.
Décalco-mania
Il était évident que dans une époque où le gunpla est au sommet de sa forme, un jeu avec de grorobots soit livré avec son menu dédié au style. Vous allez pouvoir changer les couleurs des différentes pièces de manière groupée ou individuelle, en plus de régler la rugosité, la réflexion et même l’usure de la matière. Pour couronner le tout, un fantastique menu lié à des stickers est présent et incorpore quelques stickers liés à l’univers que vous pourrez appliquer. Mais la cerise sur le gâteau, c’est qu’il propose aussi un menu de création, qui permettra aux grands artistes de faire ses meilleurs stickers liés à d’autres univers ou juste pour rajouter des détails supplémentaires, le tout pouvant être partagé (pas entre plateforme malheureusement). Le genre de détails qu’on apprécie et qui nous rappelle les meilleurs moments de Forza Horizon.
N’y voyez pas un nouveau kink débloqué, mais plus une satisfaction d’être challengé par le jeu. Je suis assez content de mon robot agile comme un kangourou sous speed, équipé de deux fusils à pompe et de lance-roquettes d’épaule, car dans la grande majorité du temps, tout se passe pour le mieux. Mais dès qu’il y a un boss, il y a une ambiance Shonen qui ne me déplait pas, où on se dit qu’on va pouvoir réellement éprouver son setup et peut-être même switcher sur un autre, moins agile mais plus armé. On peut aussi, simplement, faire quelques ajustements, comme augmenter sa batterie pour pouvoir rajouter un canon laser, efficace contre les boucliers, ou changer ses propulseurs pour plus de temps de vol. Il ne manquerait plus que le menu-ing soit bien plus fluide et clair, et on serait probablement pas loin d’un beau chef-d’œuvre de robotique.
J’ai vu de-ci de-là que beaucoup de gens reprochaient le rythme en dents de scie des missions. Le début est en crescendo jusqu’au fameux boss qui définira si, oui ou non, vous êtes prêt à continuer. Mais ensuite, les missions s’enchainent sans aucune logique, certaines dureront deux minutes et d’autres une heure et vous feront plusieurs fois hurler. C’est peut-être une excuse un peu facile, mais par la nature « mercenaire » de notre protagoniste, je trouve ce rythme cohérent. Chaque mission est accompagnée d’un briefing et peut nous aider à définir quel est le meilleur type de mecha à prendre pour la route, mais il y a des choses imprévisibles et, fort heureusement, entre chaque mort vous pouvez mettre à jour votre véhicule avec les différentes parties que vous possédez. Ceci renforce le message clair du jeu : faites des tests, prenez de risques, rien n’est inscrit dans le marbre. Si vous n’êtes pas assez fort, allez faire les anciennes missions pour vous entrainer.
Si on m’avait dit que FromSoftware me ferait apprécier leur formule exigeante avec un jeu de mechas, je pense que je n’y aurais pas cru. Pourtant, malgré quelques défauts de lisibilité et un rythme en dents de scie, Armored Core 6 se place très facilement dans ce qui se fait de mieux quand on parle de robots gigantesques, mais aussi de jeu d’action exigeant. Avec son aspect « labo de test », même les moins fans de robots parmi vous devraient y trouver leur compte. C’est clairement ce qu’on peut appeler un retour en force pour la licence, ça mérite bien une sélection de notre part.