Glaçon maudit
Critique
El Paso, Elsewhere
Développeur
Strange Scaffold
Éditeur
Strange Scaffold
Date de Sortie
26 septembre 2023
Prix de lancement
19,50 €
Testé sur
PC
Depuis qu’est passée la hype Matrix et la sortie du dernier Max Payne, oui ça date maintenant, pour les deux, rares sont les jeux reposant sur la possibilité d’utiliser un bullet-time pour réaliser les plus belles cabrioles tout en canardant ses ennemis. C’est pourquoi l’annonce de ce El Paso: Elsewhere, un retro shooter dans un univers noir surréaliste mettant en avant son action survoltée au ralenti avait de quoi intriguer. Mais est-il à la hauteur de ses références ?
Lo-Fi contre les vampires
El Paso: Elsewhere ne s’en cache pas, il veut reprendre une bonne partie de ce qui faisait le sel des jeux de Remedy. De l’action, une ambiance néo-noire et va même jusqu’à reprendre une esthétique lo-fi, avec notamment des visages qui rappellent les meilleurs moments de la PS1. Ici, le pitch est simple, vous êtes James Savage… Quoi ce n’est pas pire que Max Payne non ? Bref, manque de chance, votre ex n’est autre que Draculea, seigneur des vampires, qui s’est apparemment mis en tête d’effectuer un rituel qui risque de détruire le monde. Rien que ça. James décide donc, pas complètement sûr de ses sentiments pour la dame aux longues dents, de partir à sa recherche et de probablement tenter d’arrêter le rituel avant qu’il ne soit trop tard.
C’est donc après avoir gobé une nouvelle poignée de pilules, assurément pas très bonnes pour la santé mentale de notre héros, que vous rentrerez dans le vif du sujet, un motel plongé dans le vide, où on descendra en ascenseur vers sa cible un étage à la fois. Et c’est là la première différence de taille avec ses ancêtres Max Payne. Ici, les niveaux n’ont pas vraiment de cohérence globale, du moins on n’est pas devant une suite logique comme dans un Max Payne où on progresse avec l’histoire, mais plutôt une suite de niveaux comme on pourrait en avoir dans un dungeon-crawler peu inspiré. S’ils sont en général assez courts, ils se ressemblent tous énormément. Plus exactement, on aura une poignée de niveaux dans un environnement (hôpital, motel, cimetière…) avant de passer à un autre, et bis repetita.
La principale originalité étant l’absence de plafond montrant un ciel psychédélique représentant ce vide cosmique dans lequel on se trouve, qui est visuellement intéressant dans un premier temps, surtout si on est nous-même sous l’influence de LSD, mais on retombe vite sur l’impression de revoir toujours les mêmes choses. De plus, le level design est assez vieillot, un enchaînement de pièces arrangées de façon labyrinthique, où les clés de couleur sont remplacées par des cœurs. Ça reste, contrairement aux boomer-shooter, assez peu inspiré et inspirant, juste un prétexte pour sulfater du monstre. On perd donc l’impression de progression, on enchaîne juste les niveaux un à la fois sans trop savoir pourquoi. On trouvera tout de même quelques secrets à trouver ça et là, souvent correspondant à des logs audio donnant plus d’infos sur la relation Savage-Draculea.
Dans ces niveaux, on y trouvera tout un tas de créatures surnaturelles, telles que des momies, des loups-garous et autres monstruosités. On avancera donc en dézinguant tout ce qui bouge pour libérer les otages d’un niveau, puis on fera marche arrière pour reprendre l’ascenseur et ainsi de suite. De ce côté-là, on a le droit à toute la panoplie promise, un arsenal d’armes, la possibilité de plonger tout en défouraillant à tout-va, et donc d’utiliser le bullet-time. C’est efficace, ça fonctionne bien, et on prend tout de suite beaucoup de plaisir à faire nos cabrioles dignes d’un film de John Woo. On retrouve donc bien les sensations d’un Max Payne… au début du moins…
Payne à convaicre
Le principal souci étant que, le jeu se trouvant assez facile, notamment au début, on se retrouve à passer des niveaux entiers sans même avoir recours au fameux bullet-time. C’est d’autant plus vrai qu’une grosse partie du bestiaire inflige exclusivement des dégâts au corps à corps, et on se retrouve dans une dynamique bien différente de celle d’un Max Payne où il faut constamment éviter les balles. Ici, vous pouvez simplement faire attention, garder tout le monde à distance, et les arroser de loin. Au final, vous n’aurez besoin du bullet-time uniquement lors d’embuscades avec des ennemis littéralement popant autour de vous. En plus des armes disponibles, on pourra également porter des pieux en bois sur nous, qu’on pourra récupérer en cassant des éléments du décor, qui vous permettront d’éliminer des ennemis s’approchant d’un peu trop près.
On notera heureusement une diversité dans le comportement des ennemis venant casser un peu la monotonie des affrontements et vous forçant par moments à changer de stratégie. Si les ennemis de base vous attaquent en ligne droite, les loups-garous, eux, peuvent réaliser des bonds prodigieux pour vous atteindre et il faudra s’assurer de les éliminer d’assez loin. D’autres pourront tout de même vous tirer des projectiles, souvent téléguidés, vous obligeant à vous replier ou à les éliminer avant qu’ils ne puissent tirer. Mais sûrement le plus gênant sera le marionnettiste, s’enfuyant toujours en vous voyant pour créer des ennemis en continu. Il faudra donc le rusher au plus vite, vous forçant fréquemment à tout risquer et vous jeter dans la mêlée, ce qui vous permettra au moins d’utiliser quelques fois de plus votre bullet-time, car c’est quand même pour ça qu’on est là.
Au final, entre un level design peu inspiré, avec des niveaux qui se suivent et se ressemblent, et au global pas autant de cabrioles qu’on aurait espéré, on a tendance à s’ennuyer un peu dès lors que la session de jeu se prolonge. On a donc assez rapidement l’impression de tourner en rond, de juste enchaîner des niveaux machinalement pour peut-être avoir une courte cinématique cryptique nous en apprenant plus sur le lore et le passé de notre couple dysfonctionnel, et de recommencer… Une routine qui a vite fait de remplacer le fun du départ.
Reste que son histoire, si elle sert plus de prétexte qu’autre chose et n’est pas non plus transcendante, est tout de même plutôt réussie, principalement pour son ambiance et sa narration ultra-sombre, presque caricaturale, à laquelle il faudra tout de même adhérer. Néanmoins, le choix de son thème principal, à savoir la relation abusive, est plutôt intéressant, original, et renforce l’ambiance pesante du titre. Quant à la musique, elle est très éclectique, changeant de style d’un morceau à l’autre, et cela dépendra des goûts de chacun, mais peut, pour ma part, osciller entre l’excellent et le limite tapage sur les nerfs où je voulais finir le niveau au plus vite.
El Paso: Elsewhere n’est donc pas tout à fait au niveau du jeu qu’on espérait, peut-être à tort. Il peut cependant être un bon patch pour tous ceux en manque d’une dose de Max Payne. Il faudra cependant bien garder deux choses en tête : se forcer à faire des sessions courtes, afin que la routine ne s’insinue pas au risque de gâcher votre fun, et sûrement aussi, s’obliger à utiliser à outrance le bullet-time, quitte à troquer l’efficacité pour le style.
The Planet Crafter – En-dessous de zero