Critique

Jusant

Nyam Hazz
Publié le 31 octobre 2023
Jusant

Développeur

Don't Nod

Éditeur

Don't Nod

Date de Sortie

31 octobre 2023

Prix de lancement

24,99 €

Testé sur

PC

Le studio français Don’t Nod, que l’on connait surtout pour la licence Life Is Strange, mais aussi Rember Me, Vampyr ou Tell Me Why, s’est également lancé depuis quelques années dans l’édition. Il soutient en effet désormais les productions de développeurs tiers, à l’image de PortaPlay l’année dernière, avec Gerda : A Flame in Winter, et finance lui-même ses propres jeux : Twin Mirror pour commencer, Harmony : The Fall of Reverie tout récemment, et maintenant Jusant. Banishers : Ghosts of New Eden, sera en revanche édité par Focus Entertainment. En attendant, Jusant arrive sur PC, PS5 et Xbox Series, ainsi que sur le Game Pass. Et, pour une fois, il ne s’agit pas d’un jeu narratif, mais plutôt d’action, même si l’ambiance narrative est bien présente. Point de combats au programme toutefois, rassurez-vous, mais de l’escalade avec un petit côté puzzle game.

À la recherche de l’océan perdu

L’univers de Jusant est très particulier. Tout commence dans une plaine aride où nous nous dirigeons sous un soleil de plomb vers une étrange tour rocheuse qui se perd dans les nuages. Même si la sécheresse est très marquante, et que le sable recouvre tout, il n’empêche que des épaves de bateau, des ancres et autres éléments marins sont disséminés un peu partout. Arrivé au pied de l’immense tour, il s’agit alors d’entreprendre son ascension. Et l’on découvrira ainsi, en gravissant les différents étages en direction de son sommet, les vestiges d’une ancienne civilisation qui vivait autrefois ici, montant vers les hauteurs de l’édifice ou redescendant au gré des marées, car oui, l’océan rythmait alors la vie des habitants de la tour. Puis le jusant est arrivé et il s’est retiré très loin sans jamais revenir, laissant les occupants des lieux dans le désarroi, d’autant plus que la pluie a, elle aussi, cessé de tomber.

Et comme sans eau, point de vie, les habitants de Basse-Mer comme les Hauts-Perchés ont progressivement déserté les lieux, préférant tenter leur chance dans la Grande Plaine, afin de rejoindre l’océan ou, à défaut, trouver une oasis où s’installer tant qu’il y a de l’eau. Mais d’autres ont préféré écouter les légendes des ballasts gorgés d’eau vivant au-dessus des nuages et du sonneur de pluie qui savait faire venir le liquide salvateur. Ils ont alors entrepris une expédition vers le sommet de la tour dans l’espoir de trouver les mystérieuses créatures et l’eau si précieuse qu’elles renferment. Armé de son coquillage et assisté d’un étrange compagnon qu’il transporte dans son sac, notre héros se lance alors dans une incroyable ascension, découvrant au passage la vie des gens qui vivaient ici avant le jusant. Doté de belles animations, le titre bénéficie d’une direction artistique séduisante. Son style animé, avec un héros qui n’est pas sans rappeler Captain Spirit lorsqu’il s’équipe de son masque solaire, donne un côté féérique à l’ensemble. Et les cinématiques que l’on trouve en introduction et en conclusion du jeu, ainsi qu’entre les chapitres, sont particulièrement soignées.

L’eau de là-haut

Afin de mener à bien votre mission, plusieurs voies semblent s’offrir à vous, mais le chemin à suivre reste tout de même bien tracé. Vous pouvez, certes, vous en écarter, mais uniquement à des fins d’exploration annexes, notamment pour fouiller les lieux et découvrir les nombreux collectibles semés ici et là. Il y a des coquillages à écouter pour avoir un aperçu de la vie qui régnait ici antan, mais aussi des cairns sur lesquels rajouter une nouvelle pierre, ou encore des fresques relatant le passé à activer, des manèges à faire tourner, et de nombreuses lettres dans lesquelles vous découvrirez le ressenti des gens après la disparition de l’eau, y compris celles de Bianca, qui habitait autrefois le phare et qui décida de rejoindre l’expédition partie vers les cimes, à la recherche des ballasts. Tout est bien entendu disponible en français et le titre est dépourvu de toute parole, mis à part quelques onomatopées ou cris de douleur en cas de chute brutale.

On notera d’ailleurs l’utilisation d’un étrange langage par les habitants de la tour, empreint de nombreuses références à l’univers marin, au même titre que l’environnement local. On ressent en effet un sentiment étrange à traverser tous ces anciens lieux de vie abandonnés. Cela contribue grandement à l’ambiance particulière du soft, à la fois poétique et mélancolique. Ambiance mise en exergue par une bande son aux petits oignons, toute en douceur. Sereine et reposante, elle est particulièrement envoûtante et appuie à la perfection chaque moment clé. Mais il n’y a pas que les mots et les lieux qui se révèlent dépaysants, la faune et la flore sont tout aussi originales. Un univers onirique qui nous entraîne dans une étrange quête méditative. Jusant est un jeu qui fait efficacement preuve d’originalité, chaque chapitre apportant son lot de nouveauté dans la zone visitée (paroi vertigineuse, à l’ombre, sous un soleil ardent, ou encore balayée par le vent, tunnels remplis de champignons luminescents, sommets enneigés), mais aussi dans le gameplay.

Coquillages et crustacés

Si le titre repose bien entendu beaucoup sur de l’escalade basique, accroché à la roche, avec des devers à franchir de temps en temps, on peut aussi utiliser quelques installations laissées par les anciens locataires (échelles, cordes, filets de pêche, ascenseurs à corde, tyroliennes…). Il y a également les sauts, et les doubles sauts, pour aller saisir une prise un peu trop éloignée. Descendre en rappel ou remonter le long d’une corde, ainsi que se balancer pour rejoindre un lieu plus distant, ou encore en courant sur la paroi, sont d’autres options possibles. Mais il faut de plus compter sur des possibilités moins prévisibles, comme utiliser des bestioles se déplaçant sur la falaise, voire des « étincelles » ou des courants d’air pour aller encore plus haut lors des sauts. On peut par ailleurs exploiter la flore que réveille le chant de notre ballast pour créer de nouveaux points d’accroche. Mais attention, les graines fanent très vite au soleil. De nouvelles idées viennent ainsi régulièrement insuffler un peu de nouveauté dans le gameplay, ce qui permet de ne jamais se lasser, sans parler des solutions nécessitant de combiner plusieurs de ces capacités pour arriver à ses fins.

Jusant prend en effet parfois un aspect de puzzle game lorsqu’il s’agit de trouver comment rallier un point précis. Il faut alors savoir faire preuve de créativité. Précisons qu’il faut aussi gérer son endurance pour éviter de chuter, et que celle-ci descend encore plus vite en plein soleil. Relâcher de temps en temps ses muscles permet d’en récupérer un peu, mais pour la recharger au maximum, il faut retrouver la terre ferme ou accrocher son baudrier à un relais lorsque l’on en croise un. Trois pitons peuvent également être fixés un peu n’importe où pour éviter de redescendre trop bas en cas de décrochage, ou pour créer un point de rappel. Notons qu’il est préférable de jouer à la manette, car c’est avec les gâchettes gauche et droite que l’on effectue les saisies des mains correspondantes, le stick gauche servant à diriger la prochaine prise. C’est plutôt bien vu et très efficace. On prend vite le coup et on se surprend à grimper de plus en plus rapidement, ce qui peut s’avérer grisant.

Jusant n’est pas très long, comptez 6 à 7 heures pour traverser les 6 chapitres qui le composent, voire moins si vous tracez tout droit sans explorer les alentours et fouiller un peu partout, mais ce serait dommage, car c’est ce qui enrichit le lore. Cependant, vous aurez compris qu’il a su nous séduire par son originalité et les sensations qu’il procure. De plus, si vous avez accroché, vous pouvez poursuivre l’expérience au-delà, puisqu’une fois le générique de fin passé, chaque chapitre affiche les collectibles qu’il contient et ceux que vous avez récupérés, ce qui vous pousse à chercher ceux qui vous manquent et prolonge ainsi la durée de vie du soft. Nous avons bien connu quelques crashs, mais le jeu fonctionne globalement très bien. Le principal reproche que nous lui ferions est la présence de murs invisibles. Impossible d’aller au-delà du précipice si l’on n’est pas encordé, étrange. Aucun risque de chute donc. De plus, si notre personnage se propulse sans problème d’un point d’accroche à un autre le long de parois verticales, de manière parfois impressionnante, il ne sait faire que de ridicules saut sur la terre ferme, curieux.

Avec son lore si particulier et son ambiance calme et reposante, réhaussée par une bande-son délectable, Jusant a clairement su nous emporter dans son univers féérique. On regrette certes la présence de murs invisibles qui empêchent de tomber, et, en partie, un chemin balisé, mais la présence de collectibles disséminées sur les à-côtés pousse à s’en écarter et à explorer chaque recoin, ce qui permet d’ailleurs de rallonger une durée de vie sinon assez réduite. De plus, la technique d’escalade reposant sur l’utilisation des gâchettes de la manette s’avère particulièrement intuitive et efficace pour rapidement transmettre de bonnes sensations. Avec ce nouveau titre à la direction artistique séduisante, dans la lignée de ses autres productions, Don’t Nod nous offre une expérience à la fois originale et prenante qui sait de surcroît se renouveler régulièrement avec de nouveaux environnements et de nouveaux éléments de gameplay. Et le temps passe alors très vite…

Neva
Neva

Blanc c’est blanc

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