Critique

War Hospital

Nyam Hazz
Publié le 30 mars 2024
War Hospital

Développeur

Brave Lamb Studio

Éditeur

Nacon

Date de Sortie

11 janvier 2024

Prix de lancement

29,99 € (PC), 39,99€ (consoles)

Testé sur

PC

Avec War Hospital, Brave Lamb Studio se propose de vous envoyer sur le front de la Grande Guerre. Mais si Enemy of the State, l’autre titre de ce petit studio indépendant polonais, aborde classiquement la guerre à travers un jeu de tir solo comme coopératif, c’est un angle plus original qui a été choisi ici. Il s’agit en effet d’un jeu de gestion stratégique qui vous met à la tête d’un hôpital de campagne. Des titres comme Theme Hospital ou Two Point Hospital proposent déjà de gérer un hôpital, me direz-vous, mais ceux-ci se concentrent uniquement là-dessus, alors que War Hospital vous met dans des conditions de guerre extrêmes, juste derrière la ligne de front, ce qui n’est pas si courant. Il rappelle, par contre, This War of Mine, mais lui se penche sur la situation des civils en temps de guerre. L’objectif est ici de rendre hommage aux services médicaux de toutes les guerres, même si c’est à la Première Guerre mondiale, celle avec ses 9 millions de morts et ses 22 millions de militaires blessés et leurs gueules cassées, celle qui devait mettre fin à toutes les autres, qui a été retenue.  

Des dilemmes, des dilemmes, que de dilemmes

L’histoire se déroule en 1918, alors que la fin de la guerre approche, mais où les morts et les blessés continuent de s’entasser. Après avoir signé l’Armistice avec la Russie, au mois de mars, l’Allemagne a en effet lancé l’opération Michael, dans un dernier espoir bien vite stoppé. La bataille de la Marne comme la défaite de l’Allemagne ne vont plus tarder, mais, en juin 1918, les affrontements continuent et les soldats doivent tenir le front. Les hôpitaux de campagne sont donc toujours indispensables pour accueillir les blessés et tenter de les sauver. Membre du corps médical britannique, le Major Henry Wells est ainsi chargé de prendre la tête d’un de ses hôpitaux de guerre, juste derrière les tranchées. Son objectif est de sauver le plus de monde possible. Malheureusement, on le sait bien, il ne peut pas sauver tout le monde et doit donc faire des choix cruciaux, souvent délicats sur le plan humain. Vaut-il mieux sauver ce soldat émérite qui peut renverser le cours de la bataille une fois renvoyé au front, ou ce veuf sans grande valeur militaire, mais qui laissera derrière lui trois orphelins ?

Affecter les patients aux médecins pour qu’ils les soignent ou refuser de les soigner faute de place ou de moyens médicaux, comme humains, tel est votre rôle délicat, en priorisant ceux qui doivent être pris en charge, au risque que l’état des suivants se dégradent et qu’ils ne puissent plus être sauvés. Il vaut mieux tout de suite refuser un patient dont le coût en termes de matériel et d’épuisement du corps médical est trop élevé, qui plus est avec un risque de réussite faible. Cela permet en effet de se faire à l’idée et à avoir moins d’impact négatif sur le moral que s’il meurt en pleine opération. Le moral est ici primordial et s’il tombe à zéro, c’est le game over. Ne pas dépenser inutilement les ressources trop rares dont on dispose permet aussi d’assurer la possibilité de soigner d’autres soldats, voire des civils que l’on peut aussi accueillir. Choisir l’amputation pour économiser des ressources est une autre option. Même si elle n’est peut-être pas indispensable, elle peut permettre de soigner plus de monde. Un choix encore une fois difficile à faire.

Mais votre rôle ne s’arrête pas là, vous devez aussi prendre de nombreuses autres décisions, à commencer par assurer la sécurité de l’hôpital en renvoyant régulièrement des patients guéris dans les tranchées afin de rejoindre la 36ème division et pouvoir ainsi faire face au prochain assaut de l’armée allemande. Si le front craque, l’hôpital est en effet condamné à être évacué, et c’est là encore le game over. De surcroît, votre aide est constamment sollicitée pour donner un coup de main en envoyant des médecins, des infirmières ou des ingénieurs, ce qui vous prive alors de leurs services le temps qu’ils accomplissent la mission qui leur a été confiée. Et lors de leur retour, ils doivent se reposer avant de pouvoir retourner à leur tâche habituelle. C’est d’ailleurs à vous d’affecter chaque membre du personnel (brancardiers, infirmières et ingénieurs) à un poste bien précis, en faisant attention aux préférences et aux capacités de chacun, capacités qui évoluent avec trois traits possibles en prenant de l’expérience. Et vous devez régulièrement réorganiser les services pour leur permettre de prendre un peu de repos et éviter qu’ils ne s’écroulent de fatigue, entraînant alors un temps de récupération accru. Il faut donc surveiller cela en permanence et veiller à remplacer ceux qui partent se reposer.

Il faut sauver le soldat Ryan

Il faut assurer le bon fonctionnement du centre de secours, du centre d’évacuation sanitaire, de l’aile opératoire, du centre de rééducation, sans oublier le cimetière, puisqu’aucun rapatriement n’est organisé face au nombre de dépouilles qui doivent, du coup, être enterrées sur place. Et une fois les patients guéris et rééduqués, il faut décider s’ils sont renvoyés sur le front, au QG ou libérés de leurs obligations militaires. La première solution permet d’assurer la défense, alors que la seconde est un moyen d’obtenir des lettres de change militaires et la dernière d’améliorer le moral. Les lettres de change militaires sont nécessaires pour améliorer les équipements médicaux ou s’agrandir afin de pouvoir disposer de plus de personnel, mais aussi pour commander les ressources nécessaires. C’est effectivement aussi votre rôle que de contrôler l’état des stocks qui sont approvisionnés par les différentes productions dont sont chargés les ingénieurs et par le réapprovisionnement régulier par voie ferrée. Mais ceci n’est pas toujours suffisant, il faut parfois combler le manque en passant de nouvelles commandes, en priant que le train n’ait pas de retard et arrive bien avant que la rupture de stock ne survienne.

En dehors de certains patients guéris qui proposent leurs services, c’est par voie ferrée qu’arrive aussi le nouveau personnel que l’on peut recruter à condition de disposer de suffisamment de place et d’autorisations de recrutement en nombre suffisant. Ces dernières sont obtenues en répondant favorablement aux demandes émanant du QG. Parmi celles-ci se trouvent en particulier celles demandant de s’occuper en priorité d’un patient. Il peut s’agir d’un prisonnier allemand détenant des informations cruciales, mais aussi d’un militaire à même de galvaniser ses camarades sur le front, ou encore du fils d’un gradé qu’il tient à sauver, vous promettant en retour d’être généreux avec vous. Des cas de conscience sont alors inévitablement soulevés. La question se pose également de savoir si l’on accueille plus de civils ou non, sachant que ceux-ci exerceront alors une pression accrue sur les réserves en nourriture. Il est certes possible de ne distribuer que des demi-rations en cas de manque, mais cela joue sur le moral. À l’inverse, on peut choisir de distribuer des rations nutritives pour accroître le moral, mais cela fera descendre d’autant plus vite, non seulement le stock de rations alimentaires, mais aussi d’alcool qui risque de manquer pour la chimie ou les antiseptiques.

Les médecins gèrent en effet trois ailes opératoires : la chirurgie pour les plaies ouvertes, les blessures par balles et les fractures, la traumatologie pour les troubles mentaux et les problèmes psychologiques, et la chimie pour les problèmes respiratoires notamment dus aux attaques par gaz de combat. Cela se traduit concrètement par des fiches de patients à placer face aux médecins désignés pour s’en occuper, en choisissant et en modifiant l’ordre de traitement en fonction de l’état des blessés (bon, stable, grave, critique, phase terminale), de la difficulté et du coût des opérations en ressources et en fatigue, ou en les classant en refus. Enfin, il y a aussi à gérer les éclaireurs que l’on peut envoyer en mission de reconnaissance autour de l’hôpital pour en savoir plus sur ce qui se passe et se prémunir de toute surprise. Cela consiste en de petites opérations découpées en plusieurs étapes pendant lesquelles il suffit d’attendre que la mission (et donc le temps pour la remplir) soit achevée pour en connaître le résultat. Là encore, des choix sont à opérer, généralement entre prendre des risques pour un meilleur résultat ou éviter les risques pour un résultat moindre. Cela se traduira par plus ou moins de pertes en hommes et plus ou moins de ressources récupérées.

Dr. Ross, on a encore une urgence

Le titre s’étale sur trois chapitres, où l’objectif est de tenir bon jusqu’à une certaine date clé. À chaque début de chapitre, on recommence avec les acquis de la fin du précédent, mais avec le moral remis à 50% et les ressources en stock remplies. Sachant que tout ceci est long et laborieux, un peu comme ce qui devait être ressenti en conditions réelles, le titre est tout de même assez long, surtout si vous essuyez des game over, d’autant plus que des évènements comme le pilonnage de la ligne de chemin de fer et autres épidémies telle que la fièvre espagnole, viennent compliquer les choses. Il est bien entendu possible d’accélérer le temps, mais il faut régulièrement faire des pauses pour checker si tout va bien : affecter les nouveaux patients, choisir les réaffectations après rééducation sachant que chacun n’a pas le même poids, mettre au repos le personnel fatigué, réorganiser les équipes en conséquence en vérifiant que celles-ci soient le plus fonctionnelles possibles, compte tenu des affinités ou non entre les différentes personnes, passer des commandes si nécessaires… Débloquer le système de quart simplifie un peu le travail en faisant tourner automatiquement le personnel, mais il faut tout de même garder un œil dessus.

Bref, vous l’aurez compris, c’est assez complet, avec pas mal de micro-management en continu. Et il s’agit généralement d’agir dans l’urgence, en situation de crise permanente. Cela se déroule à travers différentes fenêtres et différents onglets entre lesquels il n’est malheureusement pas toujours facile de passer (je pense au choix entre les brancardiers, les infirmières, les ingénieurs et les éclaireurs) mais entre lesquels il faut aussi jongler de manière peu pratique. Pour savoir qui mettre, où et avec qui, il faut consulter les fiches qui se trouvent dans l’onglet personnel, puis dans le sous-onglet de la catégorie concernée, puis revenir sur l’onglet affectation et le sous-onglet ad hoc pour l’affecter. Il aurait été plus pratique de consulter directement ces informations lorsque l’on en a besoin, sans avoir besoin de mémoriser les noms entre les deux écrans… Pour le reste, cela fonctionne assez bien, mis à part le fait que l’arrivée d’un évènement au cours d’un autre coupe celui en cours en plein milieu, et quelques bugs. Les commandes de nouveaux éclaireurs peuvent par exemple ne pas aboutir, les camions censés permettre de récupérer les ressources récoltées par les éclaireurs ne sont pas exploitables, parfois les médecins n’enchaînent pas les opérations sur le patient suivant, obligeant à quitter le jeu et revenir. De plus, le mouvement permanent de la carte sur la table des éclaireurs est assez désagréable pour l’estomac et rend la sélection difficile.

Entièrement traduit textuellement en français, le titre ne dispose que d’une version originale en anglais pour les informations communiquées oralement. Ce n’est pas vraiment un problème, mais c’est à signaler. Graphiquement, on a droit à une palette de couleur très grisâtre, ce qui sied bien à la situation et participe à l’ambiance triste et oppressante, tout comme la musique assez discrète. On reste cependant sur quelque chose qui semble dater, mais on n’attend pas non plus d’un jeu de cette catégorie qu’il soit à la pointe de la technologie. Par contre, les fiches paraissent tout de même remplies de clones, et les cinématiques d’attaque sont tout le temps les mêmes, dommage. Mais la répétitivité est bien la principale critique du jeu, enfermé dans une boucle de gameplay qui se répète à l’infini et peut vite devenir indigeste pour les moins adeptes du genre. Ceci dit, le soft offre une belle immersion intéressante dans la Grande Guerre, en l’abordant sous un angle original, sans rien cacher des horreurs et de la cruauté. Bien que monotone, l’hommage est donc réussi, avec une représentation crédible et réaliste de la situation. Par contre, curieusement, malgré la collaboration avec Imperial War Museums, il n’offre pas vraiment de documentation sur l’époque, à l’image de Soldats Inconnus par exemple, en dehors du lore apporté par les missions des éclaireurs, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, ce qui peut en décevoir certains.

Original, War Hospital l’est incontestablement en mélangeant gestion d’hôpital et situation de guerre. Très complet, avec beaucoup de micro-management (patients, personnel, stocks, tranchées…), il demande une attention permanente avec de nombreux choix complexes et de décisions difficiles à prendre. Assez réaliste, il offre un bel hommage aux services médicaux de guerre en montrant les difficultés auxquels ils sont confrontés. Le moral et l’épuisement sont des variables dont il faut autant tenir compte que la nourriture et le matériel médical. Il demeure cependant assez austère, avec quelques bugs, et surtout une grande répétitivité, ce qui ne l’empêche pas d’être prenant et intéressant, mais peut facilement lasser.

Neva
Neva

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