Aucune raison de le rater une seconde fois
Critique
Pacific Drive
Développeur
Ironwood Studios
Éditeur
Kepler Interactive
Date de Sortie
22 février 2024
Prix de lancement
29,99€
Testé sur
PC
Entre la boucle de gameplay qui repose sur le farm et, pour une bonne partie d’entre eux, le côté PvP, apportant la joie d’avoir sa maison pillée même quand on est loin du clavier, les jeux de survie modernes sont souvent signe d’un frein direct à mon fun. De manière tout à fait subjective, j’estime que la survie est une affaire d’ambiance et de philosophie de jeu, et que le craft devrait être mêlée à une boucle de gameplay plus grande. Ce genre, très populaire, s’est décliné en plusieurs formules sans jamais trouver un chemin vers mon cœur, pas même Subnautica (je m’excuse d’avance). Mais ça, c’était avant que Pacific Drive arrive en freins à main dans ma vie. Un jeu de survie « story-driven‘ (vous l’avez ?), développé par Ironwood Studios et qui nous place au volant d’une fantastique Ford Country Squire (du moins, en est très inspiré) avec une ambiance X-Files/Ghostbusters délicieuse. Ici, pas de gestion de faim ou de soif, mais plutôt de jauge d’essence et de batterie et, surtout, un bichonnage à outrance de son bolide. Un titre dont les gens d’Internet lui ont même attribué un nom particulier : le looter vroomer. On se marre toujours avec les gamers.
reveillez-vous, Dr. freeman.
Pacific Drive nous place dans la peau d’un livreur, en chemin vers la Zone d’Exclusion Olympique, un endroit qu’on dit remplit de phénomène surnaturel. Évidemment, les rumeurs sont vraies (sinon le jeu se finit en 3 minutes) et vous voilà coincé dans une dimension parallèle, exclus du monde qu’on connait et pour seul contact social des scientifiques sur radio, coincés ici depuis la fin des années 40. Ce lien par radio est le bon moyen de planter un d’accord, mais ça me permet aussi de parler de mon premier point important dans cette critique : je n’ai rien compris au scénario. On sent que les développeurs se sont inspirés de la narration de Firewatch, sauf qu’entre la multiplication des interlocuteurs couplés aux sous-titres à lire pendant qu’on doit garder un œil sur la route (où littéralement n’importe quoi peut surgir de nulle part), j’ai eu beaucoup de mal à suivre le scénario. Dans un jeu Rockstar, où le problème est aussi présent, j’ai toujours la possibilité de me garer sur le bas-côté, le temps du dialogue (parfois même, il y a une cinématique). Ici, nos excursions dans la Z.E.O sont limitées dans le temps (il y a petit à petit une zone de danger qui se réduit sur nous) et il est difficile de perdre trop de temps à écouter les gens parler.
Cependant, je ne me vois pas tenir rigueur des problèmes ci-dessus aux jeux. Les développeurs sont américains, ils n’ont pas eu le budget pour faire de la localisation complète, et je pourrais faire un effort pour améliorer ma compréhension de l’Anglais. Tant pis pour moi ! Je me suis donc focalisé sur son gameplay. Une fois familiarisé avec le garage, vous pourrez commencer à partir à l’aventure en consultant une carte où prévoir un trajet. Je m’attendais à la parcourir en temps réel au bord de ce formidable break américain familial en écoutant la trentaine de musiaue de country présente sur la radio. Malheureusement, on a le droit à un simple temps de chargement une fois qu’on a traversé la sortie et, une fois sur place, c’est un terrain généré aléatoirement qui nous attend, parsemé de quelques évènements surnaturels, qui vous mettront des bâtons dans les roues (littéralement). Il faudra donc fouiller les lieux, trouver des ressources pour améliorer votre QG (qui fera progresser l’histoire) et réparer votre véhicule, qui en verra de toutes les couleurs. Mannequins explosifs, zone de gravité zéro, champs électromagnétiques, bloc de béton qui sort du sol, etc. rajoutez à toutes ces embuches une météo souvent capricieuse et des modificateurs de zone aléatoire qui seront rarement de votre côté et vous vous retrouvez avec des balades en voitures à l’opposé d’un long fleuve tranquille. D’ailleurs, en passant par tout un tas de champs électromagnétiques, votre véhicule subira des dérèglements aléatoires. Les phares s’allument et s’éteignent quand vous utilisez le frein à main, l’accélérateur s’enclenche quand vous ouvrez le coffre ou simplement votre capot qui s’ouvre lorsque vous enclenchez la marche avant, etc. Ces aléas créés des scènes plutôt drôles, il faut le dire, mais parfois handicapant et il faudra effectuer le bon diagnostic pour pouvoir retirer le malus dans votre garage.
Qui qu'c'est qui qu'on appelle ?
Le jeu aurait pu simplement être ce looter en voiture plutôt marrant, mais à mon sens, sa force principale réside dans ses interactions intradiégétiques (oui, vous le savez, j’adore ça). Ainsi, pour démarrer la voiture, on va devoir mettre le contact avec les clés, débloquer la voiture en bougeant le levier de vitesse (c’est une automatique, rassurez-vous) et on pourra même déplacer un commodo pour allumer les phares ou l’essuie-glace. La carte du monde sera sur notre siège passager et l’accès à l’inventaire de la voiture se fera via le coffre, qu’il faudra ouvrir. Des actions simples, mais quand elle passe par une action obligatoire du joueur (même si certaines ont un bouton dédié), l’immersion est immédiate (et me donne envie de le faire en VR). Si, visuellement, on reste assez loin du standard de réalisme (notre avatar n’a même pas de corps affiché à l’écran, pas même des mains), il compense largement par sa DA particulièrement réussi qui donne envie de s’immerger dans cet étrange univers.
Vu qu’on parle d’immersion, il y a un autre point très important dans Pacific Drive : le son. Il est très présent et on entend beaucoup de chose partout, tout le temps. Des petits animaux qu’on ne voit pas, des grincements depuis les ruines en tôle, des bruits sourds liés aux anomalies ou même simplement le vent qui siffle, le tonnerre qui s’abat au-dessus notre tête et le torrent de pluie qui s’écroule sur notre pare-brise ; ce jeu est bruyant. C’est la raison pour laquelle je vais grandement conseiller de jouer au casque, tant la localisation sonore a un véritable impact sur votre implication, surtout quand vous voulez revenir à votre QG. À chaque fin de session, vous devez réunir de l’énergie nécessaire pour passer un portail. Déjà, il faut noter que ce portail est une colonne de lumière qu’on voit au loin, ce qui nous permet de nous focus sur la route, sans vraiment regarder la carte. Ensuite, lorsque le portail est ouvert, la zone de danger se resserre très rapidement (un peu comme dans un battle royal). Ceci créé un brouhaha constant, qu’on entend gronder de très loin et qui se rapproche. C’est souvent avec la goutte au front, le fessier serré et un œil dans le rétro qu’on retourne au bercail, mais il arrive aussi qu’on se fasse submerger par la zone pendant notre trajet de retour (la conduite en forêt, c’est dangereux). Dans ces cas-là, c’est un rouleau compresseur qui s’abat sur nos oreilles. Le bruit est assourdissant, la voiture bip de partout et enclenche tous ses mécanismes en même temps, envoie tout un tas de voyant lumineux et votre vision se trouble sur les côtés. À cet instant présent, il n’y a qu’une seule chose à laquelle on s’accroche : sortir de ce bourbier. Pardonnez-moi l’expression, mais bordel de merde, qu’est-ce que ça marche.
D’ailleurs, cette première expérience que j’ai eu avec la zone de danger m’a un peu traumatisé. Chaque fin de mission faisait un effet « souvenir du Vietnam », où je me hurlais de me bouger les miches et de ne pas me planter, parce que je ne voulais plus jamais revivre ça (et en même temps, quand ça m’arrivait, je prenais du plaisir à le subir #NoKinkShame). Le jeu ne s’est jamais vendu comme un jeu d’horreur, mais il réussit à en extraire toute la moelle en provoquant (dés)agréable sensation, quand quelque chose nous suit à toute allure, mais qu’on ne voit pas. Le danger qui peut survenir à chaque instant dans ce monde qu’on doit apprendre par cœur, c’est une belle pirouette, surtout quand on y regarde de plus près et qu’on voit que ce qui nous semble dangereux n’est souvent pas bien agressif. Les quelques ennemis sont plus comme des animaux un peu farceurs que de réels dangers et si on écrase la pédale d’accélérateur en slalomant correctement, rien de grave ne peut nous arriver. Les développeurs ont juste réussi à nous faire peur avec des marionnettes et ça, c’est du génie.
Pour conclure, laissez-moi vous donner quelques infos « behind the door« , comme disent les artistes. Ces paragraphes plus haut ont été écrits plusieurs mois avant celui-ci. Entre temps, j’ai dû le laisser de côtés (la faute à Dragon’s Dogma 2) et le retour sur le jeu m’a quelque peu refroidi. Le moment de découverte et de la lune de miel étant passé, il y a tout un côté épuisant qui m’a frappé. La boucle de gameplay me fatigue, même en parcourant de nouvelles zones débloquées, et mon manque d’accroche à l’histoire me rend très antipathique quand il s’agit de pleurer la mort d’un personnage de l’intrigue. Je n’ai pas arrêté de jouer en suppliant le jeu de se finir (ce qui signe souvent une désinstallation de ma part). Je reconnais totalement les qualités que j’ai décrites plus haut, mais je pense que, malheureusement, sa durée de vie est bien trop grande pour son propre bien, et que la pause a clairement coupé mon élan. Si tout ce que je raconte plus haut vous intéresse, je ne peux que vous conseiller de foncer, mais en gardant à l’esprit qu’il est préférable de le faire d’une traite, sans quoi vous risquer de caler et de vous ranger sur le bas-coté.
Pacific Drive est un OVNI dans le genre looter/survie. La place omniprésente de la voiture ajoute un cachet road trip appréciable et son immersion au travers du son et des interactions intradiégétiques force le respect. On conseille cependant de faire le jeu d’une traite et d’avoir une bonne compréhension de l’Anglais à l’écoute, sans quoi vous risquez de louper le coche.