Critique

The Crimson Diamond

CactusSinger
Publié le 7 septembre 2024
The Crimson Diamond

Développeur

Julia Minamata

Éditeur

Julia Minamata

Date de Sortie

15 août 2024

Prix de lancement

12,49 €

Testé sur

PC

Le jeu d’aventure est plutôt en forme cette année, et une bonne partie de ses auteurs ont fait le choix du rétro pour leur titre. Si l’on est habitué aux jeux reprenant le style des années 90, c’est tout de même moins fréquent pour les années 80. Hasard du calendrier, moins d’un mois après la sortie sur Steam de Tachyons Dream Anthology, voici qu’un autre jeu d’aventure utilisant un analyseur de texte (ou text-parser en anglais) arrive dans nos bibliothèques avec une esthétique époque EGA qui parlera au moins jeune. The Crimson Diamond nous avait de plus montré de belles promesses dans une récente démo, et l’on était impatient de mettre les mains dessus.

Lorsqu’en 1914, un pêcheur du trou paumé de Crimson, Canada, découvre un énorme diamant dans le ventre d’un poisson fraichement pêché, la nouvelle fit vite la une des journaux et attisa la curiosité de nombreuses personnes. Tout d’abord celle du Royal Canadian Museum, qui décida d’envoyer notre protagoniste Nancy Maple, jeune aspirante étudiante, sur place pour investiguer sur la possible présence de diamant dans le sol et les mines environnantes. Une fois arrivée à Crimson, et ayant perdu ses bagages, elle et Kimi Kishiro, une ornithologue tout juste rencontrée dans le train et voyageant à Crimson pour observer les cormorans, se voient inviter avec réticence à passer la nuit dans la seule auberge locale. Enfin, ancienne auberge, celle-ci n’étant malheureusement plus en activité. Le propriétaire, Mr Richards, ne voulant plus recevoir d’invités depuis longtemps. Celui-ci convient tout de même de loger les deux ladies pour la nuit, et seulement une nuit, avant de les reconduire à la gare le lendemain. Voyez-vous, Mr Richards a lui d’autres soucis à régler. Ayant lu la une des journaux sur le diamant trouvé, sa sœur a décidé de revenir au bercail accompagné de son avocat afin de retrouver le testament de leur père et demander sa part du butin, s’il s’avère qu’un gisement de diamant se trouve bien à Crimson. Le minéralogiste Mr Rena a d’ailleurs été commissionné pour s’en assurer, et est arrivé sur place en même temps de Nancy. Tout ce petit monde, et bien d’autres, vont donc se retrouver sous le même toit, dans une tension, on ne peut plus palpable.

true detective

Cette rapide présentation du contexte vous aura surement mis la puce à l’oreille, mais on est bien dans une histoire à la Agatha Christie, et un classique Whodunit (ou “qui l’a fait” en français, ça sonne moins bien) qui se prépare. Évidemment, dans un tel genre de récit, chacun semble avoir leur propre agenda et griefs contre d’autres personnages, et notre Nancy Drew… Euh Maple, va alors assez vite devoir se transformer de minéralogiste en herbe à détective amateur. Intelligemment, The Crimson Diamond prend son temps pour bien introduire tous les personnages, leurs personnalités et leurs relations afin de mieux vous familiariser avec eux et vous immergez dans cette histoire. Celle-ci, et les révélations qui l’accompagnent, vont d’ailleurs se distiller ensuite au compte-goutte, au fur et à mesure de vos découvertes, vos réussites et indiscrétions. Nancy ayant le vilain défaut, bien utile aux détectives, d’écouter aux portes, littéralement. 

C’est d’ailleurs une des grandes réussites du titre, celle de vous mettre dans la peau d’un détective cherchant le moindre indice pour essayer de comprendre et déterrer tous les secrets des personnages, et bien évidemment l’affaire en cours. Dans cette optique, The Crimson Diamond se montre plutôt intelligent dans son game design en offrant, via l’inévitable bloc-note de notre enquêtrice, une liste d’objectifs à remplir afin de progresser. Il s’agit cependant des minimums requis pour avancer dans la trame principale, se contenter de les remplir vous fera passer à côté de beaucoup d’indices et d’informations, qui non seulement pourraient ne pas vous donner une compréhension complète de tous les mystères du jeu, mais également venir affecter le déroulement et la fin de l’histoire. Un système qui pousse à la curiosité et à l’expérimentation, et permet surtout de ne pas frustrer les joueurs en les bloquants, car ils n’auraient pas tout découvert. On peut voir ça presque comme un mode de difficulté, ou différents niveaux de complétion.  

Encore plus surprenant, le titre viendra tester vos connaissances et découvertes à la toute fin, de manière diégétique, ce qui une fois encore influera légèrement sur la conclusion. C’est extrêmement bien pensé, et il n’est pas possible de tricher non plus, car le jeu saura si oui ou non, vous avez réellement glané le ou les indices nécessaires lors de votre aventure. Puisque oui, The Crimson Diamond, grâce à ces indices cachés et ses différentes fins possibles, vient offrir une réelle rejouabilité pour un titre de ce genre, pour peu que vous ayez envie de tout découvrir. C’est appréciable dans un jeu déjà généreux qui prendra bien 8-10 heures à terminer une première fois. 

Si l’on voulait chipoter, on aurait peut-être apprécié un twist supplémentaire à la toute fin pour une résolution plus surprenante. Néanmoins, on a bien compris que le sel du jeu résidait principalement dans la découverte des mystères, mobiles et secrets de chaque personnage plus que dans la résolution du Whodunit principale que les détectives amateurs auront vite découvert. 

EGA, c’est plus fort que toi

Au niveau de son gameplay, The Crimson Diamond est un jeu qui rend hommage aux titres d’aventure des années 80s au style EGA (Enhanced Graphics Adapter), et on pense notamment à The Colonel’s Bequest de Sierra. Mais, fort heureusement, il a la bonne idée de tout de même moderniser le tout avec des améliorations de qualité de vie indispensables de nos jours. Si l’analyseur de texte est bien toujours présent, les actions devant être tapées au clavier (look around, ask about…), celui-ci est tout de même bien plus permissif, et prévoit par exemple plusieurs termes pour un même objet. Pratique, et surtout cela évite de se retrouver bloqué simplement parce qu’on ne tape pas le mot spécifique voulu par le jeu. « Bottle » marchera pour « decanter » si vous êtes assez proche de l’objet par exemple, idem pour « boat » et « canoe ». Ça donnera également plus de facilités aux personnes dont l’anglais n’est pas la langue maternelle. On notera néanmoins certaines exceptions et petits ratés, comme un peu plus tard dans l’aventure, où le jeu ne semble plus reconnaitre « bottle » pour le même « decanter », étrange…

Autre fait marquant, le jeu proscrit l’utilisation du verbe fourre tout « Use ». ll faut donc ici être un peu plus créatif et utiliser le verbe approprié afin de donner les bonnes instructions. Là encore, l’analyseur de texte reste assez souple et souvent plusieurs solutions sont possibles. Quelques problèmes persistent tout de même. Notamment si on veut être trop précis. « Take ice with pick » ne fonctionnera pas, alors qu’un simple « Take ice » fonctionnera lui parfaitement avec notre personnage utilisant pourtant automatiquement le pic à glace de l’inventaire… c’est un peu dommage. « Open with key » ne fonctionne pas, il faut le verbe « unlock ». On finit généralement par trouver, mais vu le nombre de pièces et d’interactions possibles, on peut facilement passer à côté de quelque chose simplement parce qu’on a essayé sans succès avec le mauvais verbe. Mais dans la grande majorité des cas, ça reste très maitrisé et une belle réussite. 

Autre amélioration de qualité de vie, l’analyseur de texte possède aussi son bon lot de raccourcis très pratiques afin de vous éviter de devoir tout taper encore et encore (voir capture d’écran). Le jeu vous offre également plusieurs types de déplacements, dont un à la souris si vous le souhaitez. 

Pour finir, artistiquement aussi, The Crimson Diamond fait le choix de l’hommage au style graphique EGA. Attendez-vous donc à des gros pixels, et une palette de couleur extrêmement limitée (16 pour être précis). Malgré tout, pour peu qu’on adhère, le titre est visuellement très réussi avec un sens du détail impressionnant et propose des personnages aux expressions saisissantes. On retiendra aussi une bande son, qui, si pas toujours présente, est de bonne qualité et vient souvent se déclencher au bon moment pour venir dynamiser une scène et augmenter la tension.

The Crimson Diamond nous offre un véritable Whodunit Agatha Christie-esque en huis clos. Le titre de Julia Minamata un vrai jeu d’enquête nous mettant dans la peau du détective et vient nous challenger pour découvrir tous les mystères entourant la galerie de personnages du jeu. Avec son gameplay à base d’analyseur de texte remis au goût du jour, grâce à une palanquée d’améliorations de qualité de vie, The Crimson Diamond est une très belle réussite et un véritable hommage au jeu d’aventure des années 80. Une superbe porte d’entrée pour découvrir ce pan de l’histoire du jeu-vidéo.  

Pixel Noir
Pixel Noir

Du JRPG, du Polar, et des bugs

Laisser un commentaire