Sort pas sans ton casque.
Critique
Star Wars Outlaws
Développeur
Massive Entertainment
Éditeur
Ubisoft
Date de Sortie
30 aout 2024
Prix de lancement
79,99€
Testé sur
PC
Pendant plus de 15 ans, la formule « jeu solo open world » a été considéré comme ce qui se faisait de mieux, où bon nombre de studios ont pu passer dans la cour des grands en sortant leurs grandes cartes. Des jeux bourrés d’artifices, qui permettent aux joueurs d’avoir la sensation de liberté et de rentabilité sans vraiment faire autre chose que bourrer les quêtes et les collectibles. Évidemment, je généralise, surtout que certains jeux ont pas mal rabattu les cartes et amorcés des changements dans la façon de faire, mais disons-le clairement, la formule ne fait plus trop illusion de nos jours. En ce 30 août 2024, Star Wars Outlaws est sorti, avec comme belle phrase d’accroche « le premier monde ouvert pour la licence » (alors que KOTOR 2 existe, les communicants malhonnêtes, on va vous retrouver), comme si on était en 2007. Personnellement, je note quelque chose de bien plus important : Après avoir mis de côté la publication de jeux à licences dans les années 2000, Ubisoft en sort deux d’affilée en moins d’un an, tous développés par Massive Entertainment (avec des renforts de chez Ubi). Si Avatar : Frontiers of Pandora a laissé tout le monde un peu de marbre (sauf les gros nerdz qui mangent des cartes graphiques au déjeuner), Outlaws est le premier AAA non-Electronic Arts sortis depuis que Disney a arrêté l’exclusivité Star Wars avec eux. Autant dire que les attentes sont grandes, tant pour les fans, les joueurs et le groupe Ubisoft, qui semble mettre beaucoup de pièces sur Massive pour développer du jeu en dehors de leur écosystème (NDLR : ça ne se passe pas très bien).
Plus solo que Bruno
Avec le travail abattu par Respawn sur la série Star Wars Jedi, il a été rappelé aux gros investisseurs que faire un jeu solo à succès, c’était possible (et rentable). Il est donc tout à fait appréciable de voir qu’Outlaws est de cette trempe-là, sans une goutte de mécaniques multijoueurs, quelles qu’elles soient. Le titre à même le bon goût de se placer chronologiquement entre l’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi, judicieux quand on veut parler de Star Wars sans y inclure du sabre laser et autre magie noire ; Les rebelles ont perdu sur Hoth et sont en déroutes, l’Empire continue son expansion et les syndicats criminels prolifèrent en masse dans la galaxie. C’est dans ce contexte qu’on incarne Kay Vess, une voleuse à la petite semaine qui va se retrouver dans de sales draps après un coup qui tourne mal. Avec son esprit à la Dutch Van Der Linde, aka « Après ce contrat, on prend notre retraite », elle et Nix, son petit compagnon, vont fuir continuellement Sliro, un ex-directeur Imperial devenu chef d’organisation criminel à la solde de l’Empereur et qui aimerait bien remettre la main sur le vaisseau que vous avez piqué (qui visiblement, est plus qu’un bout de ferraille qui traine dans un hangar).
Il me semble important d’indiquer rapidement que le contexte de voleur de l’espace implique que l’infiltration sera de mise. Mais attention, pas comme l’est un Hitman ou un Splinter Cell. D’ailleurs, on retrouve les fameuses Herbes Magiques® digne des plus grands jeux Ubi et l’IA générale ne donne clairement pas envie d’en faire un élevage. Mais c’est important, n’oublions pas que le jeu est destiné au grand public et que les joueurs peu habitués doivent quand même s’amuser. Surtout que, au début, le combat au pistolaser est plutôt un plan B (beaucoup moins une fois votre personnage amélioré) et il arrivera régulièrement que votre infiltration se solde simplement par un échec si vous êtes pris la main dans le sac, vous retrouvant au point de départ (voire avec un échec de contrat). Heureusement, Massive a eu la bonne idée de rendre Nix plus actif qu’un Hugo de Rune. Sur simple pression d’un bouton, il peut ramasser des choses, faire diversion, exploser des trucs, saboter des alarmes, ou juste attaquer le visage d’un ennemi pour passer sous son nez, ni vu, ni connu. Cette petite créature (qui fera vendre des milliers de peluches, j’en suis sûr) est le protagoniste principal de l’infiltration, car il n’est plus question de passer sans un bruit, mais plutôt faire du bruit au loin, que les regards aillent dans la direction opposée à la vôtre. Certes, ça semble peu intuitif vu qu’en infiltration, on souhaite que personne ne sache qu’on soit là, mais il est bon de voir une manière différente de faire, dans un genre qui a tendance à s’enfermer sur lui-même (et proposer souvent les pires choses). Mon seul regret réside plus dans la présence assez régulière de bug de collision (surtout depuis le patch day one) qui m’ont causé quelques soucis.
KAY VESStappen
Quand vous n’arpentez pas les conduits d’aérations, vous passerez une bonne partie de votre temps sur des zones plutôt grandes et ouvertes. Ce sont, au total, 4 planètes que vous pourrez visiter sur votre glorieux Vespa-Speeder (Vesspeeder ?) de l’espace. Chaque planète possède aussi une zone dans son orbite qu’on pourra parcourir à bord du Trailblazer, el famoso vaisseau volé au début du jeu. L’expérience de Massive avec The Division sur la création, la composition et la cohérence d’un open world rajoute un petit quelque chose qui donne envie de se balader. C’est peut-être le bon moment pour lancer ma hot take : je trouve qu’un open world avec un système de quêtes secondaire ne fonctionne que dans un contexte de mercenaire. Ici, pas de monde à sauver, pas d’impression que le temps presse, il n’y a que le besoin de se cacher et de faire affaire avec les syndicats du crime locaux pour accéder à des informations ou des ressources (avec ou sans accord). De ce fait, vous pourrez aller jouer au Sabbac (sorte de jeu de carte addictif avec des paires et des dés) sans avoir la sensation d’être en décalage avec le fil rouge de l’histoire.
Toujours dans un souci de cohérence d’univers, quatre factions sont intégrées dans le jeu (dont les Hutts, sans avoir besoin du season pass, promis), et seront vos principaux donneurs de quêtes. Ces syndicats du crime auront quasiment toujours du boulot pour vous et vous permettront de monter la réputation auprès de votre employeur (ce qui procurera équipement, ressources, crédits et quelques passe-droit). La petite subtilité, c’est que les enjeux pourront évoluer, et qu’une simple recherche de cargaisons perdues pourra vous mener à un truc bien plus gros, qui impliquera une des factions, par exemple. Vous aurez le choix entre honorer votre contrat ou retourner votre veste, au profit d’une faction à laquelle vous avez besoin de plus réputation (et qui pourra même vous donner plus d’argent). La mécanique reste limitée, vous vous doutez bien, mais elle renforce l’immersion des factions dans l’univers et permet d’atténuer la routine de gameplay (inhérente aux Ubisoft-games).
Vous aurez surement remarqué que toutes mes captures comportent des barres noires. Rien à voir avec l’acquisition d’un écran en 21:9 (mais j’en rêve). Dès le début du jeu, vous avez la possibilité de l’afficher dans ce format-là, sur un écran 16:9. L’intérêt ? Ajouter un côté plus cinématique à votre aventure, bien plus louable qu’un bridage à 30 images/seconde. C’est aussi un parti pris visuel intéressant pour le média, qui permet d’avoir un effet « grand angle » somptueux (à l’inverse d’un Evil Within, dont le but était au contraire d’étouffer le champ de vision). Attention cependant, sur console, ce n’est pas la même, le 21:9 ne fait que couper l’écran en haut et en bas, ce qui perd beaucoup en intérêt.
Toute cette tambouille de criminel fait que l’univers d’Outlaws arrive à nous impliquer en tant que joueur. On comprend petit à petit les enjeux et les besoins de chaque faction et ceci créé une histoire supplémentaire non essentielle au reste, mais fera l’effet d’une belle cerise sur ce gâteau, pour les amoureux de l’univers. De plus, les villes sont volontairement tentaculaires pour que vous vous perdiez régulièrement afin de tomber sur un p’tit job sympa ou une info importante pour une quête, surtout que le jeu ne vous mettra jamais de gros marqueur au milieu de l’écran en mode exploration (je vous conseille fortement de jouer dans ce mode). Pour vous guider, il faudra suivre les panneaux, repérer les enseignes et les boutiques, tout est étudié pour que vous appreniez à vous orienter dans les rues exigües, renforçant une échelle humaine rarement vu dans un jeu Star Wars, abonné au gigantisme.
Cette densité et cette richesse sont à la fois le point fort d’Outlaws, mais aussi son point faible. C’est peut-être le seul vrai gros problèmes du titre, à mon sens, il peut rapidement dégueuler des missions, on sent les cicatrices que porte un jeu Ubisoft (doublé avec Disney, surement très regardant sur le produit final) qui a toujours peur qu’on s’ennuie. Ça se ressent aussi lors des balades en Speeder ou Vaisseau Spatiale, vous rencontrerez des gens sur la route qui voudront votre peau alors que vous ne faites que passer. Bien que la cohérence générale veuille que, le tête de Kay étant mise à prix, il est normal que les bandits et l’Empire réagissent à vue (en plus des clans dont la réputation est au plus bas), mais j’aimerais bien pouvoir me balader tranquillement dans un monde Ubisoft sans avoir un cahier des charges qui m’arrive en pleine poire. Laissez-moi explorer vos mondes en regardant les nuages, comme un vieux retraité, s’il vous plait.je
C’est un fait, Star Wars Outlaws ne réinvente rien. À la place, il apporte une expérience intéressante pour la licence, où les Jedi, les Skywalker et la Force ne rentrent pas dans l’équation. Ceci favorise une aventure à échelle plus humaine et plus vraisemblable, via le personnage de Kay. Avec son univers cohérent, son système de faction intéressant et sa densité, on ne pourra que lui reprocher d’être trop généreux et d’être trop souvent ramené sous la dictature du fun. Encore et toujours ce cahier des charges.