Critique

Le Vaillant Petit Page

Gattu
Publié le 19 octobre 2024

Développeur

All Possible Futures

Éditeur

Devolver Digital

Date de Sortie

17 septembre 2024

Prix de lancement

29.99 €

Testé sur

PC

Il y a des jeux qui réussissent grâce à une direction artistique chatoyante, à attirer l’attention des joueurs des mois avant sa sortie. Ce fut le cas de The Swords of Ditto, première production de Jonathan Biddle, dont la plastique suintant l’allégresse avait séduit la populace juste en matraquant ce qu’il fallait de trailers colorés. Sauf que, dès lors qu’il débarque dans les bacs, patatras ! Une jouabilité horripilante lui vaut l’ire de ceux qui, la veille, l’adulaient encore. Pas de quoi décourager Jo’, qui lance un nouveau studio en compagnie de James Turner, All Possible Futures, avant de plancher pendant quelques années sur une suite spirituelle intitulée le Vaillant Petit Page. Rebelote, les premières vidéos de gameplay font étalage d’un graphisme tellement mignon que l’on a une irrépressible envie d’y poser dessus nos mimines de gamers. Mais cette fois-ci, on se remémore la première mauvaise expérience, et on réfrène l’enthousiasme. Heureusement, les développeurs ont réussi à s’appuyer sur les errements du passé, pour parfaire leur savoir-faire.

Tout ce qui est petit est mignon

Il était une fois un vaillant petit page… C’est par ces mots mille fois entendus lorsque nous étions chérubins que le titre de All Possible Futures est introduit. Bien entendu, cette formule qui emprunte au monde merveilleux inspire grandement nos deux développeurs, puisque le Vaillant Petit Page reprend les codes du conte. Il y a d’abord notre héros, Laïus, cet écuyer souriant qui navigue littéralement au sein des pages d’un livre pour enfants. Puis, il y a la voix chaude et bienveillante du narrateur, qui décrit les péripéties de nos protagonistes. Enfin, il y a une douce histoire, qui met en scène des empoignades entre gentils et vilains, ici dans le royaume pastel de Mojo à l’apparence faussement tranquille.

un petit air de zelda et d'evoland

Car, comme tout conte digne de ce nom, un élément perturbateur va bouleverser le quotidien des habitants du royaume. Un méchant, portant le rigolo sobriquet de Ragecuite, sort régulièrement de sa tanière pour abattre sur le monde de Mojo ses sortilèges machiavéliques. Toutefois, on comprend très vite que notre antagoniste est un loser patenté, qui se fait sans cesse terrasser par Laïus et ses amis. Lassé de prendre des roustes, le sorcier se rend finalement compte que les dés s’avèrent pipés, et qu’il est en réalité le personnage d’une série de livres pour enfants, se terminant chaque fois par son inéluctable défaite. Alors, Ragecuite change de stratégie, et expulse d’un coup de baguette magique notre héros du conte, pour en modifier l’issue. Les frontières du monde connu s’élargissent, et l’on passe d’une 2D chiadée, à une 3D qui évoque, de loin, le remake de Zelda : Link’s Awakening.

C’est à dessein que le nom de Zelda est évoqué. En effet, le Vaillant Petit Page s’inspire de la célèbre saga Nintendo dans ses mécaniques de jeu. Comme Link, Laïus dégaine son épée pour abattre ses adversaires, peut s’adonner à l’art ancestral de l’attaque tournoyante ou encore lancer son arme avant qu’elle ne revienne entre ses mains — Link est lui muni d’un boomerang, mais passons. On retrouve aussi des boss très similaires, comme ces chenilles aux mouvements erratiques et dont il faut taper la tête pour les faire rétrécir. Ainsi que quelques passages en vue latérale, tel un clin d’œil appuyé, encore une fois, à Link’s Awakening (qui rendait lui-même hommage à un certain Mario… vous suivez ?).

Le pari de la simplicité

Finalement, ces affrontements restent anecdotiques et se résument bien souvent à foncer dans le tas en agitant son épée dans tous les sens. C’est dans la mise en scène de ses énigmes que le Vaillant Petit Page s’émancipe de l’imposant cousin. Il faudra sans cesse jongler entre l’univers du conte en deux dimensions à celui plus réaliste de son auteur en trois dimensions pour progresser. En outre, Laïus est capable de manipuler les mots du narrateur pour, par exemple, ouvrir des portes closes ou reconstruire des ponts en ruine. Ce principe déjà entrevu dans Baba is You est ici appliqué avec moins de créativité, mais fait sans conteste son petit effet. Enfin, All Possible Futures s’est échiné à varier son gameplay de la première à la dernière page de son aventure. Passages inspirés par nos vieux jeux vidéo de boxe, de shoot’em up ou d’infiltration — et bien d’autres surprises —, ces respirations sont les bienvenues, car le Vaillant Petit Page serait sans quoi enfermé dans une monotonie hypnotique. La faute, en premier lieu, à une difficulté presque inexistante.

Les férus d’un challenge retors resteront sur leur faim, puisqu’il est très difficile d’être mis en échec par le Vaillant Petit Page. Le jeu se trace en ligne droite sur les huit heures que dure l’épopée, et l’on sent qu’il s’adresse avant tout aux enfants. Et si par miracle, on se retrouve malgré tout bloqué, moult options d’accessibilité, comme un god mod ou une assistance dans les sauts, peuvent être activées. Ce pari de la simplicité se ressent jusque dans la narration du titre, puisque les protagonistes qui entourent Laïus ont tendance à commenter tout ce qui se passe à l’écran, et à donner des indices sur la marche à suivre de manière peu organique. Parlons d’ailleurs de l’écriture du Vaillant Petit Page, qui peine à mettre en avant un propos avec différents niveaux de lecture. On sourira néanmoins aux quelques calembours lâchés par les personnages du jeu, et face à la candeur que dégage l’aventure, pas dénuée d’un certain charme naïf.

Le Vaillant Petit Page est un conte qui sait s’adresser aux bambins, mais un peu moins aux grandes personnes. Sa facilité évidente ainsi que son scénario enfantin sont la preuve d’un parti pris de All Possible Futures centré sur l’accessibilité. Non, leur jeu n’est pas là pour vous faire des nœuds au cerveau, et encore moins aux doigts. Une fois cet écueil surmonté, on peut alors tendrement s’immerger dans cet univers fantastique aux atours charmants, mis en valeur par un coup de crayon ravissant. Mais ce qui marquera peut-être le plus les joueurs, c’est cette belle utilisation du passage de la 2D à la 3D, ainsi que le renouvellement perpétuel du gameplay. On ne peut que saluer les progrès réalisés depuis le très perfectible The Swords of Ditto. Nos encouragements aux développeurs !

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