Critique

Neva

Nyam Hazz
Publié le 22 octobre 2024
Neva

Développeur

Nomada Studio

Éditeur

Devolver Digital

Date de Sortie

15 octobre 2024

Prix de lancement

19,99 €

Testé sur

PC

Annoncé il y a un peu plus d’un an, Neva, le nouveau jeu des barcelonais de Nomada Studio, était attendu de pied ferme. Il faut dire que leur premier titre, GRIS, nous avait mis une belle claque en 2018, avec sa direction artistique à couper le souffle. Et s’il fallait une preuve de reconnaissance par le milieu, la présentation de Neva en World Premiere au Playstation Showcase en est certainement une. Pas mal pour un second titre d’un petit studio indépendant que Devolver Digital a su garder sous son aile. Neva nous conte l’histoire d’une jeune fille et de sa jeune louve-cerf, unies par un lien indéfectible, à travers un monde sur le déclin qu’elles s’acharnent à essayer de sauver. Déjà auréolé au Tribeca Festival 2024, le titre, ou devrai-je dire l’œuvre d’art, de Nomada Studio, qui aura droit à une version physique en mars 2025 sur PS5 et Switch, ne cesse d’être encensé depuis sa sortie le 15 octobre 2024 sur PC, PS4, PS5, Xbox Series et Switch, voyons pourquoi.

Un jeu de cape et d’épée

Au printemps, les oiseaux volent, du moins normalement. Dans Neva, ils se meurent et chutent de toute leur hauteur pour venir s’écraser au sol, au pied d’une jeune fille à la tignasse blanche bien fournie et de son jeune canidé de compagnie. Également accompagnés de la génitrice de ce dernier, énorme louve-cerf au pelage blanc, ils assistent à ce spectacle désolant qui ne cesse de s’accentuer alors que les ténèbres gagnent du terrain et foncent sur eux. Alba (il parait qu’elle s’appelle ainsi, mais rien au cours de l’aventure ne nous le dit)  repousse sa cape et sort son épée pour les affronter, tandis que ses compagnons, eux, sortent les griffes et les crocs. Mais ils sont bien vite submergés par cette masse noirâtre visqueuse d’où jaillissent des bras aux doigts crochus, ainsi que des visages cachés derrières des masques. Malgré toute leur bonne volonté, rien n’y fait, ce magma informe est bien trop conséquent pour pouvoir lutter, et c’est la défaite assurée, laissant derrière elle à terre notre mère louve et notre jeune amie.

Un petit saut dans le passé, nous ramène en été, il y a presque un an de cela. Alba s’éveille aux côtés de Neva, sa petite louve-cerf qui l’accompagne partout. Ensemble, elles assistent à la décrépitude de leur monde où l’emprise des ténèbres se fait de plus en plus ressentir, laissant la mort derrière elle, comme si une malédiction s’était abattue sur lui. Que ce soit dans la forêt où à travers la prairie, ce ne sont pas les indices qui manquent. Les ronces sombres prennent le dessus et les fleurs noires deviennent omniprésentes, mais aussi d’étranges créatures masquées. L’épée d’Alba est donc la bienvenue pour faire face à cette menace. Et c’est ainsi à travers les quatre saisons (qui marquent les quatre chapitres du jeu) que nous assisteront à l’évolution de cette désolante situation, alors que Neva grandit et devient de plus en plus puissante, aidant ainsi Alba à tenter de purifier les ténèbres. Dotée de pouvoirs magiques, elle sera rapidement d’une aide non négligeable. À travers cette histoire au concept étrange et surnaturel, Nomada nous offre une quête émotionnelle aux enjeux plus évidents que dans GRIS.

Quatre salles, quatre ambiances

Jeu en 2D sans parole à la metroidvania, seul le nom de Neva est prononcé avec différentes intonations (douce, apeurée, inquiète…), le soft propose des déplacements classiques à base de course, saut et double-saut, dash, roulade pour esquiver, escalade… Les chutes ne sont pas à craindre, la hauteur n’est pas un problème. Il faut juste éviter de tomber dans le vide. Il est conseillé d’utiliser un contrôleur pour une meilleure expérience (Xbox, DualSense ou autre), mais ce n’est pas obligatoire. Et à côté d’Alba que nous contrôlons, il y a aussi Neva qui joue, boit, mange… à nos côtés, et nous montre parfois le chemin à suivre, voire nous indique la présence d’un danger en grognant ou en aboyant. On peut la caresser, l’encourager, la féliciter et même l’aider, du moins au début de l’aventure, quand les sauts sont un peu longs pour elle et qu’il faut la rattraper. Il s’agit également de lui dégager le passage. Par la suite, les rôles s’inverseront quelque peu puisque ses capacités de téléportation nous permettront de détruire des structures gênantes, ou d’atteindre des objectifs trop éloignés. Elle pourra aussi nous éclairer dans l’obscurité. Et nous pourrons la chevaucher, une fois assez grosse, pour parcourir plus rapidement de grandes distances.

Mais au départ, il s’agit de la défendre et parfois même d’aller la sauver. Car, oui, dans Neva on ne se contente pas de contempler, il y a aussi du combat. L’épée d’Alba permet non seulement de se défaire des dangereuses ronces, mais aussi d’affronter les adversaires qui se dressent sur notre chemin. Enchaîner les coups sans subir de dégâts permet de se soigner, et l’esquive d’éviter d’être blessée. Il est même possible d’attaquer par les airs, en plongée, ou avec Neva lorsqu’on la chevauche. C’est simple, mais efficace, d’autant plus que de nouvelles techniques sont régulièrement apportées, comme les ennemis « bulles » qui permettent de rebondir dessus lorsqu’ils éclatent après avoir été tués, afin d’atteindre plus de hauteur, y compris en les enchaînant. Certains adversaires nous attaquent simplement au corps à corps, mais d’autres peuvent allonger leurs bras, lancer des pierres, faire surgir des geysers de substance ténébreuses à distance, d’autres encore volent et claquent des ailes… La diversité est belle et bien là, sans parler des boss de taille conséquente.

Les combats ne présentent toutefois rien d’insurmontables. Même si la difficulté s’accroît au cours de l’histoire, elle reste toujours bien dosée pour présenter un certain défi tout en restant accessible. Les ennemis « classiques » sont facilement gérables et les boss demandent simplement de comprendre leur fonctionnement pour en venir à bout. Des points de recharge du niveau de vie sont de surcroît régulièrement croisés, sans conter les hurlements de Neva capables de nous soigner en fin de combat. Mais il est possible de mourir, du moins en mode Aventure, car un mode Histoire est également proposé avec des défis plus aisés. Bien que typiquement très dirigiste, le titre propose tout de même des à-côtés à explorer pour trouver des fleurs à éveiller. Elles sont souvent bien cachées et nécessitent de faire preuve de dextérité pour les atteindre, mettant parfois notre réflexion à l’épreuve. C’est sans doute là le plus gros challenge du jeu, mais les trouver n’est aucunement indispensable et il sera toujours possible de revenir sur les sections concernées plus tard, pour toutes les obtenir.

Tout n’est pas gris

Mélange de jeu de plateforme au level design efficace, avec parfois des structures changeantes pour atteindre différents lieux, ou des mouvements inversées jouant sur les reflets, de puzzles sympas, et de combats plaisants, le soft offre aussi de superbes phases de course poursuite, face à d’énormes adversaires belliqueux, très bien mises en scènes. Mais c’est encore une fois avant tout par sa direction artistique inspiré que Neva se démarque. Clairement influencé par les productions du studio Ghilbi (Princesse Mononoke, Le Voyage de Chihiro, Mon Voisin Totoro…), avec, par exemple, les animaux de la forêt aux dimensions démesurées, mais aussi par son ambiance, il arbore de belles couleurs vives alternant avec quelques passages plus ternes. Tout en aquarelle, c’est une véritable peinture vivante où chaque plan pourrait être encadré et affiché fièrement dans son salon. Magique, enchanteur, féérique, poétique, envoûtant, ce ne sont pas les qualificatifs qui manquent pour décrire les sensations ressenties.

Que ce soit au petit matin, dans la plaine, en plein jour ou en nocturne, en plein soleil comme dans la brume et le brouillard, c’est toujours magnifique, avec de beaux jeux de lumière et même des passages en ombres chinoises. Les animations sont réussies, les cinématiques chargées d’émotions, les effets de zoom et de dézoom qui font varier la taille de notre personnage en action à l’écran, font leur effet, il n’y a rien à redire. La créativité et l’ingéniosité du studio ne sont désormais plus à prouver. Alors oui, ça fait quand même parfois penser à GRIS, voire à Journey par certains aspects, mais il y a pire comme références, et ce n’est clairement pas un ersatz. Enfin, que dire de la bande son qui accompagne notre épopée ? Le groupe barcelonais Berlinist nous offre à nouveau quelque chose d’exceptionnel, tout en douceur, mais appuyant avec efficacité les moments plus intenses, rendant encore plus épique ce délice visuel qui ne dure malheureusement que 4 à 5 heures. Mais quand c’est bon, on en demande toujours plus, n’est-ce pas ?

Cette fois, c’est confirmé, Nomada Studio renferme de véritables artistes. Avec une trame plus construite, autour d’une relation chargée d’émotion entre une jeune fille et une louve-cerf, Neva nous livre encore une fois un titre à la direction artistique plus qu’inspirée, et baignée d’une magnifique bande son signée Berlinist. Si l’on rajoute à cela un level design créatif et ingénieux offrant un jeu de plateforme percutant, des courses poursuites réussies, et l’introduction de combats efficaces et abordables, le tout à un prix serré, que demander de plus ? Une durée de vie un peu plus longue, peut-être, mais entre quantité et qualité, on préfère clairement la qualité.

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