Coin Coin v’la les détectives !
Critique
Heistgeist
Développeur
Doublequote Studio
Éditeur
Doublequote Studio
Date de Sortie
11 novembre 2024
Prix de lancement
19,90 €
Testé sur
PC
L’Europe centrale des années 2040 n’a jamais paru aussi intrigante. Avec HeistGeist, on plonge dans un RPG cyberpunk qui mixe infiltration, deckbuilding et une bonne dose de narration futuriste. Si l’idée de planifier un casse high-tech dans un Bratislava saturé de néons et de secrets vous séduit, alors c’est parti, parce que le jeu ne manque pas d’arguments pour captiver.
C’est le casse de Brice enfin d’Alex…
Vous incarnez Alexandra alias Alex, une cambrioleuse de haut vol poissarde dont le dernier casse tourne à la catastrophe. Trahie, traquée et solitaire, la voilà qui doit reconstruire sa carrière en miettes. L’histoire suit donc votre tentative de remonter la pente, un casse après l’autre, tout en rassemblant une équipe de bras cassés spécialisés : une hacker adolescente à la fois naïve et sarcastique, un informateur père de famille qui a bien roulé sa bosse, un capitaine de navire de contrebande et son adorable chienne, etc…
L’histoire, c’est la force de HeistGeist. Pas parce qu’elle est révolutionnaire (elle ne l’est pas), mais parce qu’elle est bien racontée. Alex est un personnage crédible : ni trop badass, ni trop victime. Elle navigue entre trahisons, alliances fragiles et souvenirs amers avec une humanité bienvenue. Les dialogues oscillent entre sérieux et piques bien senties. On rit, on grince des dents et on s’attache. Impossible de trop en révéler pour ne pas spoiler, mais les personnages sont le point fort du jeu, en grande partie grâce aux doublages de qualité exceptionnelle. C’est simple, j’ai apprécié tout le monde : même l’antagoniste le plus anecdotique (coucou Kowalsky ou Luxembourg) est intéressant et donne envie d’avoir un spin-off rien que sur lui. Et que dire de l’équipe principale, où j’aimerais que Kepler soit ma Cortana personnelle, Karel mon papa (sans le vieux survêt) et Zoya ma meilleure amie.
Chaque membre apporte ses compétences, mais aussi ses névroses, ses rancunes et ses moments de doute. Vous n’êtes pas juste en train de préparer des casses, vous construisez des relations. Et quand le plan tourne mal (spoiler : il tourne toujours mal), on ressent vraiment le poids de vos décisions.
Implant qui se déroule sans accroc
Chaque mission est une combinaison d’infiltration, de piratage informatique et de combat, le tout porté par un système de cartes.
La mécanique de base du deck est intéressante : il existe trois types de cartes « A », « B » et « C » (également repérés par un code couleur), et chacune « combote » avec un type différent si on les joue dans la bonne séquence, le tout en gérant bien sur la pioche à chaque tour, la taille de notre main et nos points d’actions. C’est relativement original et cela permet de créer quelques boucles intéressantes, notamment au début. Cependant, le système de cartes manque parfois de variété et on aurait aimé un peu plus de punch à mesure que l’histoire progresse. J’ai plusieurs fois été frustrée de la répétabilité de certains affrontements contre des drones lambda qui s’éternisaient sans me sentir le moins du monde en danger. À l’inverse, certains duels m’ont occasionnellement donné du fil à retordre sans aucune raison (notamment face aux ennemis avec une mécanique de saignement). À noter que sans divulgâcher, on a accès brièvement au deck de base d’un autre personnage pour quelques combats seulement et j’aurais aimé en avoir plus.
Les phases d’infiltration, quant à elles, sont bien intégrées. S’introduire dans un bâtiment gardé, désactiver des alarmes et extraire des données sensibles offrent une tension palpable. Malheureusement, les options restent souvent scriptées et assez linéaires, ce qui limite un peu la créativité dans certaines situations.
Des cartes sont aussi utilisées pour les phases de hacking que j’ai adorées. Rien de compliqué pourtant puisqu’il « suffit » de choisir des programmes de la bonne valeur pour vaincre des nœuds informatiques dans un nombre de tour imparti, mais je pourrais résoudre ce type de mini-jeu pendant des heures. Un gros point positif pour ma part et la seule mécanique à mon sens totalement aboutie et équilibrée, même si peut-être un peu trop facile.
Enfin, les phases d’intermission servent à compléter son deck, équiper ses personnages pour les améliorer et discuter (trop peu) avec les PNJ. On a même un très joli écran de ville, malheureusement complètement inutile puisque seules les options faisant avancer l’histoire sont offertes, les bâtiments n’apparaissant que les uns après les autres. Logique dans le cadre d’une personne en cavale comme Alex, mais j’aurais adoré pouvoir me balader en journée chez la famille de Zoya, me faire rembarrer de l’accueil de Vortex par un vigile mécontent, aller à un concert punk ou pouvoir visiter le château de Luxembourg avant que ces lieux ne deviennent utiles à l’histoire. Dommage !
Slave qui peut
Si le jeu évite de s’effondrer sous ses mécaniques inégales, c’est grâce à son ambiance. Revenons un instant sur le cyberpunk. Néons, prothèses cybernétiques, corporations maléfiques et pluie incessante : on connaît la chanson. À croire que dans le futur, tout le monde vit sous un ciel poisseux et personne n’a pensé à inventer une veste imperméable efficace. Heureusement, HeistGeist renouvèle un peu le genre en se basant non pas sur une énième vision polluée de Los Angeles (coucou Rick Deckard) mais sur le choix d’une Europe centrale des années 2040 crédible. Et c’est une excellente idée, bien réalisée par ce studio slovaque de quatre personnes seulement.
En effet, cette Bratislava futuriste est brillamment réinterprétée avec une patte visuelle flashy et presque rétrofuturiste. Les ruelles pavées croisent des gratte-ciels bardés de néons, les bars traditionnels servent de repères à des révolutionnaires post-transhumanismes et c’est beau. Enfin, beau dans le sens dystopie : immeubles au style Allemagne de l’Est couverts d’hologrammes, drones qui patrouillent dans une nuit perpétuelle et gros complexes industriels russes ou allemands sans âme. On y croirait presque.
La bande-son, oscillant entre synthwave mélancolique et gros riffs de guitare qui tachent, me hype toujours en début de combat et renforce encore cette ambiance. C’est là que le jeu brille vraiment : on sent que l’univers a été pensé, qu’il respire une identité propre, même si le scénario et le gameplay ne prend pas toujours le temps de l’exploiter.
Finalement, HeistGeist me laisse heureuse, mais songeuse. Pour être tout à fait honnête, j’ai longtemps hésité à lui donner une sélection GSS, car je trouve que c’est une proposition qui mérite d’être plus jouée et connue (seulement 52 évaluations sur Steam, c’est bien trop peu). C’est un bon jeu qui a toutes les pièces du puzzle pour être un grand jeu de casse cyberpunk (un cadre original, des personnages attachants, un doublage exceptionnel et une envie visible de bien faire). Néanmoins, il manque un peu de précision dans l’exécution. Ses mécaniques de deckbuilding ne sont pas assez développées pour captiver sur la durée, les combats sont un peu longs et son rythme global souffre de quelques passages à vide, sans compter qu’il manque clairement une fin.
Pas de sélection GSS donc à cause de ces quelques écueils compréhensibles pour un jeu profondément indépendant, mais je le recommande chaleureusement à tout amateur de cyberpunk ou de RPG un peu en dehors des sentiers battus. Pour tous ceux qui aiment Ocean’s Eleven et les mondes saturés de néons, voilà une aventure à ne pas manquer !