Critique
Indiana Jones et le Cercle Ancien
Développeur
MachineGames
Éditeur
Bethesda Softworks
Date de Sortie
9 décembre 2024
Prix de lancement
69,99€
Testé sur
PC
Créé par George Lucas, le papa de Star Wars, et mis en scène par Spielberg par trois fois avec succès (puis ensuite en un quatrième film catastrophique et un cinquième anecdotique), Indiana Jones est l’aventurier typique de la culture populaire depuis les années 80. En jeu vidéo, c’est surtout Lara Croft, clairement sa digne héritière, qui en est l’archétype. Néanmoins, chapeau et fouet n’ont pas été oubliés du monde vidéoludique et ce depuis belle lurette…
Archéologeek
Je ne peux pas m’empêcher de revenir sur un listing intéressant avant d’expliquer pourquoi Le Cercle Ancien est un titre qu’on n’a pas vu venir. La saga a déjà eu des jeux d’action un peu nuls sur consoles et premiers ordinateurs, mais c’est surtout les deux point & click « La Dernière Croisade » (tiré du troisième film) et surtout le très bien écrit « Fate of Atlantis » qui marqueront les esprits. Ensuite, on aura le droit à un jeu Super Nintendo joli mais quelconque et à un « Desktop Adventure » sur PC qui propose un Zelda-ish franchement oubliable. Coté 3D, ce sera surtout « La Machine Infernale » en 1999 qui essaiera un come-back alors qu’il n’y a plus de films au cinéma et que la franchise se meurt peu à peu : problème, c’est un copié-collé de Tomb Raider. L’élève a dépassé le maître. Heureusement, « Le Tombeau de l’Empereur » viendra diversifier le gameplay en 2003 et proposer un bon jeu d’action. Reste les deux adaptations en Lego (loin d’être les meilleures de la franchise) et « Le Sceptre des Rois » pensé avant tout pour la Wii, lui aussi oubliable. Mais depuis, plus rien.
Et voilà qu’après quatre Wolfenstein, dont trois très qualitatif (et un quatrième un peu gâché), MachineGames se lance dans l’aventure Indy. Et force est de constater qu’on ne les attendait pas aussi malins dans leur approche. Car oui, je le balance dès le début de cette critique : Indiana Jones et le Cercle Ancien est une totale réussite. Maintenant, expliquons comment et pourquoi.
Harrison Ford : Focus sur l'aventure
En français par Richard Darbois, en anglais par l’omniprésent (et ça devient un peu pénible) Troy Baker malgré tout très efficace, notre héros se révèle sous les traits d’un Harrison Ford des années 80 au meilleur de sa forme. Notons-le dès le début de cette critique : le jeu est très beau, a une réelle direction artistique qui reprend les codes des films tout en ayant sa pâte très Wolfensteinienne à mi-chemin entre le Pulp et le Comics avec un joli filtre réaliste. Harrison Ford est le beau-gosse qu’il sait être et crève l’écran. Après une séquence d’introduction cauchemardesque qui rappellera des souvenirs aux fans, on se réveille dans l’école ou le Dr. Jones travaille : un étrange personnage vient lui voler une statue de chat égyptien, sans vraie raison, à grand coup d’énormes poings dans la figure. Ni une ni deux, Indiana Jones met son chapeau et part à l’aventure pour comprendre ce qu’il en retourne et évidemment, derrière tout cela… Il y a des nazis.
Les fachistes originels qui deviennent malgré tout bien trop à la mode de nos jours avec leur Musc odorant sont donc au cœur de cette aventure pleine de rebondissements. On va voyager, beaucoup. Et ne comptez pas sur moi pour vous révéler où, malgré les quelques screenshots qui entourent ces lignes, car la surprise fait toujours plaisir entre chaque acte. Une demi-douzaine de localisations seront au rendez-vous, constituées de plusieurs schémas de jeu passionnants et dépaysants. Techniquement sublime, on l’a déjà dit, le jeu vous proposera des environnements à couper le souffle.
Indiana Jones et le Cercle Ancien est un Immersive-Sim, c’est-à-dire que vous jouez à la première personne (pas banal, vu le héros) et que tout va être fait pour vous donner l’impression de réellement être Indiana Jones à travers ses yeux. Pour cela, de grandes zones de jeu libre sont construites de façon à vous donner une presque-totale liberté de déplacement. Prenons le Vatican par exemple, première zone du jeu : vous serez sur une grande place et pourrez monter dans les bibliothèques, dans les rues, mais aussi sur les toits. Vous ferez mille-et-un aller-retour, façon Dishonored ou Deus Ex pour les connaisseurs. Vous pourrez vous infiltrer dans certaines maisons, certains baraquements Allemands, du moment que vous ne vous faites pas repérer. Mais peut-être que trouver une tenue de soldat vous permettra de passer inaperçu auprès de ces quelques fachos italiens ?! Pas sûr que cela fonctionne avec les généraux, ceci-dit.
Une carte est disponible dans votre carnet d’aventurier : une carte que vous pourrez afficher dans vos mains pendant que vous marchez, comme « en vrai » pour encore plus de réalisme de fouille. C’est ainsi que vous vous guiderez, résumant l’interface à l’écran à son minimum. On aime.
Vous voulez voler cette fiole de médicament vous permettant d’acheter de quoi augmenter votre barre de vie ou d’endurance auprès des médecins du coin ? Attention à ne pas vous faire remarquer ! Il faudra attendre le bon moment avant de chiper votre trésor, déguisement de méchant ou non. Vous collecterez aussi de l’or, disséminé à travers la zone de jeu, pour acheter des livres de compétences. Ces livres seront à débloquer avec des points à obtenir au fil des objectifs réussis, mais aussi de différentes autres façons superbement ajoutées au jeu pour encore plus d’immersion. Des quêtes secondaires tout d’abord, allant de « retrouver un chat perdu » à « sauver un jeune homme d’un groupe de Nazis » avec à chaque fois une vraie histoire qui vous est contée pour approfondir l’univers et les personnages rencontrés. Il y a aussi des photos à prendre, des affiches de propagande à bruler, des artefacts à déceler, des coffres-forts à ouvrir, des énigmes à résoudre, des tombeaux à explorer…
Les explorations, que ce soit au sein de la trame narrative ou en quêtes annexes, sont assez percutantes. Vous allez allumer votre torche, entrer dans les profondeurs d’une grotte, utiliser votre lasso pour passer une crevasse, activer des leviers, éviter des pièges et ne jamais pousser des blocs de pierre comme on le faisait beaucoup trop dans ce genre de jeux habituellement. Tout est mécanique et logique, l’univers est sensé et colle complètement à l’ambiance des films. Chaque plongée dans un mystère, qu’il soit tombeau, crevasse ou maison abandonnée, est une aventure à elle seule tant l’immersion est réussie.
Tout cela vous amènera du lore, de la complétion, mais aussi des points de compétences à dépenser dans les livres susnommés, améliorant votre expérience de jeu : des esquives plus efficaces, davantage d’endurance pendant les combats, des armes de poing plus solide… Ah oui parce que, je ne vous l’ai pas encore dit, mais dans ce jeu, on frappe du Nazi !
Bourre-pifs sur d’extrêmes droites
Il y a des armes dans le jeu, mais on ne s’en sert pratiquement jamais. Et c’est fait exprès : elles ne sont même pas amusantes à utiliser. Les armes du jeu, ce sont vos poings : castagne, coup droit et coup gauche, on charge nos frappes, on esquive gauche et droite quand il faut et on se protège avec la bonne touche. On gère notre endurance comme on peut et c’est parti pour les PAF, les POUM, les BANG et les BADAM. Il n’y a pas les onomatopées à l’écran, mais on les entend et on les voit presque apparaitre tant le système de jeu est goofy, dans le bon sens du terme. L’esprit Indiana Jones est là, tout le temps, rendant les combats hyper satisfaisants.
On peut récolter pas mal d’armes de poings, allant de la clé à molette à la guitare en passant par la tapette à mouche, ce qui est improbable donc très amusant. L’univers n’a aucun sens quand on y pense : pourquoi toutes ces armes de fortune trainent dans ces lieux ?! Mais on s’en fiche, car ça fonctionne, comme un bon film hollywoodien des années 80/90 et c’est en cela que ce Cercle Ancien en connait un rayon. On charge l’arme en tenant la gâchette/le clic appuyé, on frappe et si on le fait sans se faire repérer, on assomme d’un coup l’assaillant potentiel. C’est simple, mais hyper efficace pour donner du sens et de l’intention à la bagarre. Avec les bonnes améliorations, le fouet peut aussi vous servir à désarmer les ennemis et faire fuir les chiens qui tentent de vous mordre : aucun animal ne sera tué par notre ami des bêtes et c’est tant mieux. Les nazis oui, mais les chiens non !
L’autre point ou Indiana Jones est intelligent, c’est dans sa démarcation avec Tomb Raider (on ne pousse pas des blocs, on n’est pas à la troisième personne) mais aussi avec la série des Uncharted. Ici, les scripts sont très rares, les QTE pratiquement inexistants en cinématique et tout se joue réellement en immersion la plupart du temps. C’est une aventure qui vous est livrée avec une réelle envie de vous faire jouer la plupart des grands moments… Et vous en aurez pour votre argent. La différence avec Uncharted c’est qu’ici, tout est environnemental : des choses qui s’effondrent, des anciens pièges qui s’activent, la découverte de petits gameplays supplémentaires le temps d’un passage éclair et surtout une segmentation des moments de liberté (les différents niveaux) et des endroits plus linéaires (surtout en milieu de jeu) pour proposer une narration fluide et jamais esclave d’un format qui la bloquerait. L’histoire du jeu vous est contée avec sincérité et efficacité, pliant les codes de gameplay en fonction des niveaux qui se racontent. C’est du grand art et certaines scènes resteront gravées dans vos mémoires. Ça change des fusillades à tout va et des dialogues qui ne s’arrêtent jamais : Indiana Jones est tout le contraire et pour le meilleur.
Tout au long de sa belle vingtaine d’heures, l’archéologue le plus connu de la planète se paye une sublime cure de jouvence. Machine Games était le parfait studio pour redorer le blason de ce héros en désuétude cinématographique, réussissant même à lui permettre d’atteindre le haut du panier des adaptations vidéoludiques sans aucun soucis. L’aventure est inoubliable alors même qu’on n’attendait rien (c’est peu dire) de ce titre balancé bien trop vite et en fin d’année sans crier gare. Résultat : on en veut encore.
C’est un coup de fouet remarquable, chapeau Indy !