Bourre-pifs sur d’extrêmes droites
Critique
Dynasty Warriors : Origins
Développeur
Omega Force
Éditeur
Koei Tecmo Games
Date de Sortie
13 janvier 2025
Prix de lancement
69 €
Testé sur
PlayStation 5
Depuis la sortie du tout premier jeu (de combat, oui oui) sur PlayStation, Dynasty Warriors transpose de façon très moderne le roman de l’Histoire des Trois Royaumes. C’est d’ailleurs pour cela que la série à un numéro de décalage avec le Japon : notre Dynasty Warriors 2 sur PlayStation 2, premier jeu de cette formule de beat’em all et d’histoire, étant renommé Shin Sangokumusou pour faire la différence. En Europe, évidemment, les marketeux n’ont pas daigné changer cela. Tant pis : après 9 (ou 8, du coup ?) épisodes, énormément de jeux dérivés, d’adaptations (One Piece, Attack of the Titans, Gundam, Zelda…) et d’épisodes spéciaux, Omega Force et Koei Tecmo proposent enfin un petit reboot nommé Origins.
Soupe Musou
On a déjà beaucoup parlé de ces jeux de Koei Tecmo qu’on appelle les « Musou » sur Game Side Story : que ce soit avec la série des Warriors Orochi 3 Hyper ou de Warriors Orochi 4, de Fist of the North Star, Samurai Warriors 4, Samurai Warriors 4-II, l’adaptation de Arslan, Berserk, la sortie de Toukiden 2, Dragon Quest Heroes II, Hyrule Warriors, le très oublié mais étonnant Warriors All-Stars ou bien entendu Dynasty Warriors 9 et surtout le plus intelligent et narratif Spirit of Sanada. Etant un très grand fan du concept, j’attendais le renouveau avec beaucoup de craintes. Parce que Dynasty Warriors, le jeu original de tout ce concept justement, c’est presque une dizaine de fois la même histoire et que je ne voyais pas comment il était possible d’être intéressant une énième fois.
L’autre souci de Dynasty Warriors, c’est que… ça reste le Japon qui nous raconte la Chine, et ça ce n’est pas banal. Historiquement et politiquement, les deux pays ont des liens compliqués alors qu’ils ont aussi des similitudes sociales qui les rapprochent. Quand on joue à Samurai Warriors (qui nous raconte le Japon), on le voit bien qu’on est sûr de sensiblement identiques thématiques. Reste que la façon de romancer la Chine est clairement orientée depuis le début. Surtout que la mise en scène excessivement théâtrale, cinématographique et explosant de mille feux à l’écran ne rend rien très discret et fin.
D’ailleurs, parlons gameplay : vous jouez le rôle d’un guerrier sur de larges zones de batailles. Une dizaine de champs de bataille, modulés différemment en bases, intempéries, armées, position du château et autres blocs, sont créés pour chacun des très nombreux conflits d’une trame scénaristique principale. Sur ces champs de bataille, vous pouvez courir, mais aussi monter à cheval et galoper. Les objectifs sont souvent les mêmes : tuer un général, capturer des bases pour affaiblir le château ennemi… Et pour réussir tout cela, il faut savoir se battre.
La baston est plutôt simple, façon beat’em-all : vous frappez avec une touche, vous faites un coup spécial avec un autre, vous avez une garde, une esquive et un saut. Si vous enchainez des combos entre coup simple et coup spécial, vous obtenez quelques jolis mouvements dévastateurs. Parfois, vous pouvez aussi charger les coups, ce qui débloque quelques stratégies différentes en fonction de l’arme que vous utilisez parmi les 9 (+1 à déverrouiller en fin de jeu) que propose Dynasty Warriors : Origins. Avec le bâton, peut-être qu’il est intelligent de concentrer son coup même en prenant des dégâts, à moins que cette capacité à encaisser pour améliorer la force de frappe vous semble intéressante à jouer. Avec l’épée, c’est très simple : on avance et on tranche. Avec la lance, c’est la portée qui change. Avec les deux haches… Je vous laisse découvrir ce que vous pouvez faire, mais force est de constater que le large choix d’armes à débloquer rend le jeu vraiment toujours amusant à découvrir.
Vous avez aussi les « Arts », des coups spéciaux que vous pouvez équiper jusqu’à 4 et qui sont en raccourcis sur votre panel de boutons. Ces arts consomment de petites jauges orange que vous obtenez au fil des coups que vous donnez et ils sont tous très différents : dégâts de zone, protection, attaque sur place, attaque en l’air, attaque montée, tremblement de terre, rayon de lumière façon DBZ, il y en a pour tout le monde. Ces attaques peuvent être maitrisées et gagnées en quelques statistiques si elles sont utilisées un certain nombre de fois.
Enfin, la base de tout le sel de Dynasty Warriors et des Musou en général : les attaques Musou. En appuyant sur la bonne touche, vous activez une énorme attaque dévastatrice. Au bout d’un certain nombre de missions, vous débloquerez la Furie : les deux sticks appuyés, vous entrez en mode badass et décuplez votre résistance et votre attaque. C’est à ce moment-là que le Musou prend en grandeur : votre coup sera plus fort, plus impressionnant et complétement dévastateur au point de prendre un petit filtre noir & blanc et un ralenti d’exception pour voir grandir le nombre de morts que vous ferez en un seul coup dans le camp ennemi. Autre petite originalité : dans ce jeu, vous ne jouerez jamais les autres personnages SAUF si leur barre de Musou est à fond. Auquel cas, l’allié choisi pendant la préparation de la bataille sera jouable le temps de quelques minutes et d’un super-coup. Sinon, vous pouvez aussi le transformer en Musou Combiné avec votre personnage de base.
Des systèmes simplifiés (pour l’instant)
Entre les batailles, vous aurez énormément de cinématiques et de dialogues. La plupart sont très stoïques mais très bien écrites, alors que certaines sont en full CGI et épiques. Mais pour donner un peu de logique à tout cela, on nous propose… une World Map ! Sorte de pion animé au milieu d’une Chine morcelée, vous allez débloquer des endroits, collecter des pièces cachées que vous pourrez revendre contre des trésors, passer de ville en ville, de village en village et d’un camp de fortune à un autre tout en discutant avec les personnages avec qui vous pouvez vous lier d’amitié. C’est sur cette carte que vous aurez aussi des missions secondaires bien programmées et des missions générées procéduralement, hyper courtes, juste pour gagner en expérience. Chaque territoire à son point de téléportation pour plus de facilité de déplacement, mais ce n’est pas non plus un Open World. Enfin, chaque territoire a aussi une jauge de conquête : que se passe-t-il si vous réussissez à imposer la paix partout en Chine ? Je vous laisse le découvrir.
Contrairement aux autres jeux de la saga, cet Origins essaie de faire plus simple et concis. Ainsi, les 10 armes à débloquer possèdent 10 niveaux d’amélioration que vous gagnez au fil des combats. Chaque point d’amélioration gagné, quelle que soit l’arme, est un point de niveau obtenu pour notre héros. Plus on prend de points de niveau, plus on débloque de bonus d’attaque/défense et autres fioritures à débloquer dans un arbre de compétence très simplifié et divisé en plusieurs étapes d’héroïsme. C’est très basique, mais ça fonctionne complètement.
On regrettera l’absence de multijoueur : sans doute pour un futur épisode. Mais cela permet clairement de faire le tir entre bonnes et mauvaises idées sans surcharger la production en interne et c’est tant mieux. Au moins, quand le multijoueur arrivera, tout pense à croire qu’il sera, lui aussi, très intelligemment pensé et simple d’accès.
Il était une fois en Chine…
C’est la plus grande surprise de ce reboot : il est moderne dans son approche, surtout pour un jeu japonais. L’histoire comme elle nous a été contée depuis 20 ans n’est pas compatible avec l’évolution des mœurs actuelles et c’est tant mieux. Omega Force l’a compris (ça sent la nouvelle vague de développeurs !) et améliore une multitude de choses dans le script et la mise en scène, rendant l’histoire plus touchante, plus réaliste, plus à même de parler à un grand nombre de joueurs.
Rappelons quand même l’Histoire : Dynasty Warriors narre le conflit des Trois Royaumes qui se déroulent entre 184 et 280 après J.C. Trois clans aux politiques très différentes s’affrontent pour obtenir le royaume de Chine : les Wei, les Shu et les Wu (puis le Jin, mais c’est plus compliqué à expliquer et puis ça va vous spoiler). Cela représente la fin de la dynastie des empereurs Han. Tout commence avec la célèbre révolte des Turbans Jaunes, des pauvres affamés qui s’en prennent aux riches empereurs et en viennent à conquérir des territoires, qu’ils diviseront en trois royaumes… avant que ces trois-là ne se mettent évidemment pas d’accord et qu’une Grande Guerre éclate.
C’est dès le début de la révolte jusqu’à la victoire finale d’un des royaumes que Dynasty Warriors vous propose de jouer, ce qui correspond au premier tier du livre originel (ça sent la trilogie !). Mais vous n’incarnez pas un des nombreux héros de la Guerre… Vous êtes un mercenaire, perdu, amnésique, muet, un beau cliché scénaristique au demeurant qui vous permet d’être l’oublié de l’Histoire, mais qui vous donne des racines, un lien, avec ce qui se passe à l’écran. Tout ce qui manquait à Dynasty Warriors depuis le début, c’était une implication émotionnelle pour le joueur. Spoiler : vous l’aurez. Surtout que vous allez devoir choisir quel clan vous suivez jusqu’au bout de l’Histoire (et si vous voulez compléter le jeu, il va falloir le recommencer plusieurs fois pour trouver tous les embranchements possibles avec les trois clans et les annexes).
Cette implication et ce personnage inconnu vous permettent aussi de vous détacher de l’Histoire pour mieux la raconter. Avant, les 100 personnages à découvrir tout au long du récit n’avaient de liens qu’entre-eux. Maintenant, discuter entre les phases de gameplay rend le tout beaucoup plus humain, moins littéral et historiquement factuel. On se créé de vraies attaches, il y a des bromances et des romances qui rendent le jeu beaucoup moins hétéronormé qu’à l’époque (alors qu’on a été nombreux à avoir un crush évident pour Liu Bei, arrêtez de le nier !). Au-delà de cet aspect plus moderne et sans doute juste le reflet d’une société qui change et de développeurs plus jeunes et alertes à ce que désire le public, on a le droit à de réelles discussions sur le sens des conflits, de la Guerre, de ce pourquoi on l’a fait et de quels sont nos idéaux. On se confronte à trois politiques très différentes qui se cherchent, qui s’attaquent, qui s’écoutent, qui se nuancent. Alors oui, c’est entremêlé de génocides de 5000 soldats explosés à coup de météorite invoqué en un combo à chaque nouvelle bataille, mais c’est tout ce qu’on attendait d’un renouveau de la série : du sens, de la profondeur, rendant le fun encore plus jouissif et la répétition encore moins ennuyante.
Dynasty Warriors : Origins est une très belle revisite du concept de base, tout aussi fun, plutôt long, avec un affichage de nombreuses unités à l’écran rendant les batailles réellement jouissives à jouer. Mais au-delà de ça, c’est aussi un jeu qui a su faire évoluer sa narration, être en phase avec son temps, tout en mixant tous les gameplays des précédents titres pour n’en garder que le meilleur. On a vraiment hâte de voir ce qui découlera des suites et des spin-offs, en espérant que le moteur continuera à évoluer.