
Tabloid ou 20 minutes, il faut choisir
C’est toujours compliqué de tester un jeu lié à d’autres médias préexistants, d’autant plus quand vous ne maitrisez pas toujours bien l’univers en question. En effet, Worlds of Aria est issu d’un crowdfunding réussi de FibreTigre et son équipe de Games of Roles, jeu de rôle en direct (ActualPlay) sur Twitch existant depuis 2018. Il réunit des streamers connus comme les différents membres habituels de l’émission (MisterMV, Lydia, Lam, Daz et Deriv) ou divers « caméos » de streamers et personnalités internet francophones (le JDG ou Clément Viktorovitch par exemple). Un jeu financé par une communauté déjà acquise à la cause, ayant pour but d’introduire les néophytes au jeu de rôle sur table tout en plaisant aux fans et en gardant ce qui fait un bon jeu vidéo, cela parait ambitieux. Pari réussi ? C’est ce qu’on va voir.
Encore un petit disclaimer : si j’ai dit oui pour tester ce jeu, c’est parce que j’aime bien certaines des créations de FibreTigre (notamment les jeux textuels Un Monde meilleur ? et One Family dispos gratuitement en ligne) et que j’appréciais ses interventions dans le podcast Quête Latérale. J’ai dû voir une fois un peu de Game Of Rôles, qui ne m’a pas laissé un souvenir impérissable (mais je ne suis pas amatrice d’ActualPlay en général), et je ne connais donc absolument pas le monde d’Aria. Par contre, je suis rôliste, ayant déjà joué à de nombreuses parties et campagnes de jeu de rôle sur table (de D&D3.5 à l’Appel de Cthulhu et d’autres plus expérimentaux). Je connais bien les travers et clichés associés à ce loisir de niche (de moins en moins, merci Stranger Things et Critical Role), peut-être même un peu trop. Bref, tout un pavé pour dire que je ne fais pas partie de la communauté qui a soutenu ce jeu et que je ne suis même pas sûre de faire partie du public visé. Nous avons donc (avec mon groupe d’amis kidnappés pour l’occasion) abordé ce jeu comme un pur produit vidéoludique made in France, et il y a à boire et à manger.
Les points positifs ? Le premier et pas des moindres, il s’agit d’un jeu multi qui ne nécessite qu’une seule clé. En version PC, vos amis peuvent directement télécharger sur Steam une version gratuite « pour ami » et se connecter à votre partie via le code que vous leur fournissez. Cela fonctionne très bien, ce qui permet de commencer rapidement votre session sous les meilleurs auspices. Quatre campagnes sont ainsi disponibles dans le jeu de base, et j’en ai testé certaines avec deux groupes d’amis et d’autres en solo. Combiné à un audio sur un serveur Discord, l’ensemble a bien fonctionné et nous n’avons relevé aucun bug technique.
La BO signée par Mister MV est très bonne (comme à son habitude), joyeuse, entrainante et très medfan-core, parfaite pour ce type de jeu. Coté scénario et humour, certaines phrases peuvent faire sourire. Les noms des personnages sont souvent des jeux de mots assez loufoques. Les situations timées où chacun doit rapidement prendre sa décision sont drôles et peuvent amener à de véritables trahisons, ce qui est toujours festif. Si je devais résumer le tout en un mot, c’est sympathique.
Parlons maintenant de ce qui fâche : que c’est MOU ! Je ne suis pas d’un naturel patient, mais l’ensemble donne terriblement l’intention de se trainer. Ainsi, je ne compte plus le nombre de fois où certains avaient cliqué pour passer du texte qui n’avançait pas alors que d’autres n’avaient pas pu lire. J’ai beaucoup attendu lors de la première partie et je me suis ennuyée à plusieurs reprises. L’ensemble est parfois un peu verbeux et longuet, ce qui coupe l’effet de certaines blagues ou situations.
Les doublages sont aléatoires, entre voix connues très drôles que l’on prend plaisir à retrouver, certains PNJ tout simplement non doublés (ce qui personnellement me rebute toujours, je suis pour tout le monde ou personne) et d’autres où on sent plus l’influenceur que le doubleur professionnel.
La maniabilité varie d’acceptable à infect. Avec une gestion d’inventaire bizarre, un affichage de sa fiche de compétences qui gêne la visibilité des autres, des moments de galère pour déplacer certains objets et une finition globalement un peu brouillonne. La difficulté est également bizarrement dosée, dans le sens où il est possible dans la première campagne de faire plus ou moins n’importe quoi assez impunément, jusqu’au boss final, où deux de nos compagnons sont morts en un seul coup, un peu sans prévenir. Un peu étonnant, voir frustrant quand le reste du jeu ressemble à la Croisière s’amuse.
Enfin, écrivant le premier jet de cette chronique plusieurs semaines après le premier test, je constate que je n’ai gardé aucun souvenir des premières campagnes : un scénario assez bateau, avec des personnages peu marquants et absolument pas développés, mais encore une fois, est-ce le but ? Je n’en suis pas sûre.
Pour conclure, j’en attendais probablement un peu trop. Si vous êtes fans de l’émission de base, foncez. Si vous voulez juste passer quelques soirées à rigoler entre potes en lisant un peu de texte, tel un jeu d’ambiance posé sans prise de tête, pourquoi pas. Par contre, si vous êtes un peu plus exigeant et espérez retrouver une véritable expérience de jeu de rôle sur table, vous serez déçus.