
Il était une fois en Chine…
Depuis Monster Hunter Worlds, sorti à une époque où tout le monde voyait Capcom mourir (il se passa tout le contraire, évidemment), la franchise est devenue beaucoup plus grand public. En même temps, on en finissait avec les zones entrecoupées de chargements et l’austérité globale du concept. Néanmoins, tout n’était pas si bien expliqué et le jeu peinait toujours à se faire comprendre des néophytes. Est-ce que Wilds va réussir ce challenge après un Rise quand même déjà bien plus accessible ?
Pour ceux qui ne connaitraient pas ce qu’est Monster Hunter et qui commencent à se poser la question de pourquoi c’est si connu et apprécié (et en même temps si repoussant pour plein de gens), on va essayer de définir le système de jeu le plus simplement possible. Pour l’instant, ne parlons pas de l’histoire et définissons correctement quelle est la boucle de gameplay proposée, voulez-vous.
Dans Monster Hunter vous jouez un chasseur de monstre qui, accompagné de son Palico (un chat bipède qui peut vous aider à vous battre et fait office de soutien) va devoir chasser des monstres dans de larges zones de jeu. Dans celles-ci, vous pourrez collecter des plantes, des insectes, de quoi crafter des objets utiles à votre survie ou au combat. Par exemple : un scarabée jaune avec un kit de piège vous permettra de poser des arcs électriques choquant les ennemis au sol. Il y a plus d’une centaine d’objets à déceler qui eux-mêmes se combinent en d’autres choses : merci la nature.
En jeu, vous chasserez donc un monstre soit défini par votre objectif de quête, soit au hasard de votre balade sur la carte. Une fois le monstre devant vous, le gameplay se veut plutôt défensif : vous frappez, vous roulez et esquiver les attaques, vous apprenez les patterns du monstre pour éviter les plus gros coups et plein d’autres petites mécaniques entrent en jeu : par exemple, si vous leur sautez dessus avec un mouvement spécifique ou en prenant de la hauteur (il n’y a pas de touche de saut), vous pourrez leur grimper sur le dos et les assommer en évitant les coups qu’ils vous renvoient pour vous faire dégager.
Le monstre pourra changer d’endroit, se fatiguer, aller dormir (l’occasion historique pour placer plein de tonneaux explosifs autour de sa tête) et une fois qu’une petite tête de mort apparait au-dessus de son visuel sur la minicarte, c’est que c’est bientôt la fin du combat ! Attention, plusieurs monstres ont des étapes lors desquelles ils deviendront plus difficiles à frapper ou plus agressifs, voir les deux. Le combat se termine une fois le monstre tué ou (comme JAMAIS expliqué dans le scénario de Wilds) en les piégeant et lançant du soporifique sur eux pour les capturer. Une fois mort, vous pourrez dépecer le monstre pour en obtenir des éléments au hasard. Si vous l’avez capturé, vous avez le droit à davantage d’éléments. Ensuite, vous rentrez au bercail.
Une fois dans votre camp, vous vous remettez de la vie, vous voyez les Palicos cuisiner un bon plat pour vous et vous allez à la forge pour voir ce que les nouveaux matériaux collectés sur le monstre vous permettent de créer en nouvelles armes et nouveaux habits pour vous, mais aussi pour votre Palico. Et là, on entre dans la meta Monster Hunter qui fait le sel de tout le jeu : les habits ont tous des effets spécifiques, comme les armes ou les joyaux que vous allez pouvoir y insérer. Le but est alors de créer un set d’armes et d’habits qui soit logique avec votre façon de jouer. Et je vous passe les détails, mais c’est énorme, passionnant si on aime jouer avec les stats et cela donne tout l’intérêt du concept même de Monster Hunter : recommencer en solo ou en multijoueur tout ce que je viens de vous raconter. Sans parler du fait que les sets d’habits et d’armes ont souvent des visuels complètement fous, soit d’un point de vue beauté, soit d’un point de vue du pur fun (vous pouvez vous battre avec des maracas roses ! S’il vous plait !)
Cela a toujours été un peu un enfer de jouer en coopération à l’Histoire principale d’un Monster Hunter. Dans Worlds, il était même obligé de regarder la cinématique, faire le trajet scénarisé, découvrir le monstre et une fois en bataille… Rentrer au camp et inviter les copains pour vraiment se battre. Super déceptif pour l’immersion. Là, il n’en est rien, vous pouvez partager le scénario à plusieurs, enfin !
Comme toujours, en pleine baston (d’histoire ou libre) vous pouvez appeler des renforts en envoyant une fusée de détresse. Cela remplacera votre Palico (toujours là pour vous aider), avec, pour commencer, des PNJ de l’histoire et dès qu’une connexion est faite avec un joueur voulant vous aider, par ceux-ci même. Il n’y a pas de limite de niveau, ce qui fait que vous pouvez voir un chasseur de niveau 345 venir pulvérisé les côtes du Doshaguma qui vous pose soucis depuis 20 minutes en deux temps, trois mouvements. Et bénéficier quand même des récompenses. Le jeu s’en fiche et c’est même aussi une méta en soi.
L’histoire ? Alors c’est un gamin d’une contrée lointaine, seul rescapé de tout un clan, qui va nous faire découvrir ce nouveau monde aux intempéries curieuses et aux nouveaux monstres très peu dociles. Je ne révèle volontairement rien d’un scénario aux retournements de situations très travaillées (mais à l’écriture très “Capcom” si vous voyez ce que je veux dire). À noter que pour une raison que j’ignore, tous les personnages passent leur temps à pleurer à chaudes larmes dans plusieurs situations et certaines fois, vraiment pour pas grand-chose ! Alors d’accord, les émotions, on prend et on en redemande dans nos jeux vidéo, mais là, c’est plutôt étonnant : soit leur moteur physique des larmes est coté en bourse, soit le pole Cinématiques de Capcom a un message à nous dire et a besoin d’une bonne psychanalyse. Reste que sincèrement, l’histoire fait son travail d’étrier efficace pour appréhender ce nouveau jeu dans bien des aspects, surtout du côté de l’écosystème encore une fois, qui va vous proposer bien des surprises.
Le cœur de Wilds est l’accessibilité, cela se voit. Alors oui, on n’a toujours pas le droit à de vrais tutoriels complets sur les différentes armes proposées (et c’est un peu dingue quand on y pense). Mais à part cela, il fait de gros efforts de confort de jeu, comme débuté dans la série par Monster Hunter Worlds. On garde l’idée des montures de Rise, mais cette fois, elles sont très automatisées pour le scénario et surtout pour vous emmener vers un monstre que vous chassez. En attendant, vous pourrez capturer toutes les ressources que vous croisez avec votre grappin. Plus besoin de descendre, tout prendre, remonter. C’est une énorme évolution débutée avec Rise et maitrisée ici. Les puristes vous diront que c’est “trop assisté”, les autres ne diront rien et en profiteront avec délice.
Un ciblage stick droit des monstres et désormais proposé, rendant le choix des parties du molosse plus facile à utiliser. Cela permet aussi de recentrer son personnage sur l’action et on est loin de s’en plaindre tant cela a toujours été des soucis. Pour certaines armes, ce ciblage est même bienvenu (on se rappelle encore la difficulté de cibler les bons endroits avec l’insectoglaive quand on voulait puiser l’énergie d’une partie spécifique du monstre).
Une multitude d’autres choses sont présentes, de façon minimaliste, pour améliorer le confort de jeu. Néanmoins : un nouveau joueur ou une nouvelle joueuse sur ce titre va quand même avoir beaucoup de mal à s’y faire. Déjà parce que les menus de Capcom sont toujours aussi brillants de complexité pour rien (j’ai littéralement pris 10 heures de jeu à trouver comment changer mon profil en ligne et je ne sais toujours pas comment changer mon titre alors que j’en ai débloqué une trentaine). Ensuite, le solo enchaine les monstres et vous explique les nouvelles idées (le ciblage, les super-coups) mais jamais à quoi servent les objets. Il n’y a que quand vous êtes à court d’endurance face à un monstre prêt à vous tuer que le jeu vous dit “Oh bah hey, prend donc une ration !”. Avec le risque qu’évidemment, vous n’ayez pas ça en inventaire.
Plus que jamais, Monster Hunter doit se jouer avec un guide sur les genoux ou avec des ami·e·s qui comprendront comment vous apprendre les bases (et non pas juste en mode “suis-moi, on va casser du cervelet de Gravios”). Il faut de la patience et du temps. Et des ami·e·s de qualité, donc. Et ça commence à faire beaucoup là, non ?
Clairement, le gameplay n’a rien de bien nouveau face à Worlds et Rise, il n’est que la logique évolution de ceux-ci et tant mieux. Par contre, Wilds a du talent dans une chose : l’écosystème logique qu’il propose. C’est assez épatant comme le monde entier du jeu se répond à lui-même de façon logique. C’était la grande idée de cet opus : proposer un énorme monde ouvert et connecté. On garde les couloirs, mais tout se répond et il n’y a plus de chargements intempestifs entre les zones, de retours aux camps, etc. On peut désormais poser son camp à des endroits précis et y retourner (si un monstre ne l’a pas saccagé entre temps, ça aussi, c’est géré !).
La météo ? Logique. Les monstres ? Logiques. S’il pleut, vente, fait un grand soleil, certains monstres seront davantage présents et évolueront de manière réaliste dans ce monde dans lequel vous pourrez gambader rapidement pour aller chopper la grosse langue du Chatacabra ou les ailerettes bien osseuses de la Quematrice. C’est le premier Monster Hunter où s’aventurer librement propose une aventure qui a réellement du sens. Les deux précédents jeux voulaient y parvenir, avec quelques limites. Cette fois, c’est réussi !
Et parlons de ce qui est en tout point le plus réussi : le bestiaire. Que ce soit niveau visuel, dans les animations, le comportement, les monstres de ce Wilds redoublent de soin dans leur façon d’exister. Ils sont totalement crédibles, chaque frame de mouvement est réfléchi, les interactions avec le décor ou avec les autres monstres sont maitrisés. Clairement plus que jamais, Monster Hunter est ce jeu ou les monstres sont les plus incroyables et les plus réalistes. Les mouvements sont terrifiants de crédibilités. Les animateur·ice·s sont sans aucun doute les vrais génies de ce jeu.
On garde aussi toutes les idées d’avant : la pêche, le filet de capture (qui fonctionne aussi sur les poissons tant qu’à faire), les capes qui vous procurent quelques bonus (à débloquer tout au long du scénario), les repas avant la chasse pour gonfler les stats, etc. Bref, Monster Hunter Wilds c’est Worlds + Rise + de la nouveauté… Et c’est génial.
Moins austère que jamais, Monster Hunter reste quand même complexe à appréhender pour les nouvelles recrues. Reste que Wilds est une petite pépite de Game Design. Les monstres jouent parfaitement leur rôle dans un monde qui évolue logiquement et merveilleusement bien. L’histoire principale est pleine de surprise, les nouveaux monstres sont épatants d’originalités et on est encore sur une franche réussite signée Capcom. Encore un jeu qu’on va relancer de temps en temps au fil des mises à jour, des collaborations avec d’autres franchises, en attendant la traditionnelle extension dans quelques mois !