Dying Breed : Command & Conquer avec une moustache

Dying Breed : Command & Conquer avec une moustache


Où s’achève l’hommage et où débute le plagiat ? Difficile de ne pas se poser la question en découvrant Dying Breed. Son histoire, sa direction artistique et ses mécaniques de jeu rappellent sans équivoque celles de Command & Conquer, ce parangon de la stratégie en temps réel développé en 1995 par feu Westwood. Bien sûr, le clin d’œil plus qu’appuyé du studio uruguayen Sarnayer est assumé — prétendre le contraire aurait été osé. Le but ? Raviver la flamme d’un genre en plein brouillard depuis au moins dix ans, sans trop s’échiner. Cependant, au fil des heures, force est de reconnaître que Dying Breed se façonne une identité propre. D’une part, en intégrant dans son scénario un délire à la John Carpenter, avec des hordes de mutants qui assaillent sans relâche nos troufions. D’autre part, en faisant tout (vraiment) moins bien que son illustre aîné. Ouch.

Un univers décomplexé, mais juste en apparence

Précisons tout d’abord que Dying Breed n’est sorti qu’en accès anticipé, et que nombre de défauts pourraient être gommés d’ici sa publication définitive. Mais,en toute honnêteté, le chantier s’annonce colossal pour inverser une tendance bien mal engagée.

Pourtant, l’introduction du jeu laissait présager un grand moment de bouffonnerie, grâce à ses séquences en FMV — ces petites saynètes où interviennent de vrais acteurs — d’un kitch débridé, avec un casting en roue libre complet. On fait rapidement la connaissance des deux factions : d’un côté les Alliés, dont les éminents soldats n’hésitent pas à bander les muscles face caméra, et de l’autre l’Ordre de l’Empire, une secte aux membres complètement allumés, qui use à outrance de modifications génétiques. Plus que Command & Conquer, qui distillait sa critique sociétale de manière (plus ou moins) subtile, c’est du côté d’Alerte Rouge que nos développeurs ont pioché pour construire cette satire d’un grotesque affirmé. On y retrouve le même ton caricatural (avec beaucoup moins de maîtrise), qui égratigne à la fois l’hypocrisie des démocraties occidentales, et la mégalomanie des dictateurs qui fleurissent les parterres du reste du monde.


Ce n’est pas le seul point commun avec Alerte Rouge, puisqu’à l’instar de son modèle, Dying Breed tisse son scénario au sein d’un univers uchronique. Ici, la Deuxième Guerre mondiale s’est achevée en 1951 par un holocauste nucléaire, et la guerre froide n’a jamais eu lieu. Mais là où le jeu de Westwood profitait de l’uchronie — pour rappel, une revisite de la Seconde Guerre mondiale opposant les Alliés à l’Union soviétique — pour introduire un cadre original et déjanté, Dying Breed ne délivre rien d’autre qu’un pot-pourri de ce que les développeurs ont dû apprécier durant leur jeunesse. Un peu de technologie Tesla, de vers de sable géants, de zombies… Tous balancés sans aucun préambule, ni cohérence interne.

Command & Conquer 0.5


Et encore, le monde échafaudé par Sarnayer reste le point fort de Dying Breed. Car côté gameplayOu « jouabilité » en français, fait référence à la façon dont le joueur interagit avec un jeu vidéo., c’est la catastrophe sur toute la ligne, alors que le titre n’offre rien de plus que Command & Conquer à son époque. Le pathfinding de nos unités est erratique, l’équilibrage est mal foutu — certaines unités, comme les bazookas, sont surpuissantes, et d’autres sont au contraire inutiles —, le level design est simpliste, l’intelligence artificielle est aux fraises et la difficulté est inconstante. Pire, les missions sont terriblement ennuyeuses, pas aidées par la lenteur d’escargot de notre chair à canon, alors que les cartes restent relativement grandes. L’autre problème vient du système économique du jeu, qui pâtit de la fragilité de nos collecteurs de minerais et de leur indéniable mollesse. Par conséquent, on se retrouve souvent à sec, ce qui casse davantage le rythme des escarmouches.

Quant à l’ambiance sonore, elle provoque la stupeur, nombre de bruitages ayant été réalisés… à la bouche ! Si la blague amuse dans un premier temps, cela donne envie de s’arracher les cheveux dans un second. Imaginez la scène : un goûter d’anniversaire, une grappe de gosses drogués au sucre, et les voilà en train de jouer à la guerre, imitant le crachat des mitraillettes et les rotors des hélicos de combat. Vous avez l’idée.


Enfin, sans vouloir nous la jouer paladin du copyright, repomper autant d’éléments de la saga de Westwood interroge. Certaines unités ressemblent comme deux gouttes d’eau à celles de C&C, comme l’emblématique Commando, ou encore les motos du Nod et les tanks Mammouth. Même constat pour les bâtiments, de la main du Nod à la bobine Tesla. Quant aux logos des factions, je vous laisse juger par vous-mêmes.

Le GDI et le NOD ! … Ah non.
Gattu
Dying Breed, c’est un peu Command & Conquer avec une moustache, et en plein trip psychédélique. En poussant au maximum les curseurs de la bouffonnerie, et en singeant les gimmicks des films de série B, le soft uruguayen réussit à nous arracher quelques sourires, bien vite remplacés par des haussements de sourcils circonspects, à force d’écouter les mêmes blagues réchauffées. Puis, comme souvent avec la drogue, le spectacle comique devient tragique. Dying Breed rate à peu près tout ce qu’il entreprend dans son cœur de jeu. IA à la ramasse, missions ennuyeuses, ergonomie cassée… sans parler de ce sound design atroce à la longue. Cerise sur le gâteau, malgré son apparente décomplexion, la première production de Sarnayer ne s’émancipe jamais de son statut d’hommage. Bien sûr, les développeurs peuvent encore redresser la barre durant l’accès anticipé, même si la tâche s’annonce herculéenne. En revanche, en ce qui concerne la troublante ressemblance avec le vieux Command & Conquer, pas grand-chose à faire à part une refonte visuelle totale. On espère, pour ce petit titre indé, que les avocats d’Electronic Arts continueront de regarder ailleurs.

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